28/02/2014
Jean-Louis Giovannoni, Issue de retour
La convocation
Ici
On convoque.
Ici
Enfin la multitude
Se tient.
Combien sont serrés
Dans les rangs
Dans la meute.
Silence
Et cris figés
Dedans.
Incapables de monter...
Surface.
Bord ultime
Avant poussées
Et déferlement.
Tout ce silence
Bruissant sous la clôture.
Couvercle dessus
Pour empêcher.
Transpire
Bouge
Dois tenir
Parmi.
Objets aussi
Sont multitudes
À l'orée
Sans mouvement.
Lieu ferme.
Bouche avec corps
Chiffons.
Ne dois pas
Ne dois pas.
Peuple du devant
En lisière.
Respire
Une fois sur deux.
Pour eux
Soustraits
Hors souffle.
Sous cette peau tendue.
Qui contient
Et retient.
Jean-Louis Giovannoni, Issue de retour,
éditions Unes, 2013, p. 43-44.
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27/02/2014
Jean de Sponde, Œuvres littéraires, Les amours
Les amours
XXIII
Il est vray, mon amour estoit sujet au change,
Avant que j'eusse appris d'aimer solidement,
Mais si je n'eusse veu cest astre consumant,
Je n'aurois point encor acquis ceste loüange.
Ore je voy combien c'est une humeur estrange
De vivre, mais mourir, parmy le changement,
Et que l'amour luy mesme en gronde tellement
Qu'il est certain qu'en fin, quoy qu'il tarde, il s'en vange.
Si tu prens un chemin apres tant de destours,
Un bord apres l'orage, et puis reprens ton cours,
En l'orage, aux destours, s'il survient le naufrage
Ou l'erreur, on dira que tu l'as merité.
Si l'amour n'est point feint, il aura le courage
De ne changer non plus que fait la verité.
Jean de Sponde, Œuvres littéraires, introduction et notes par Alan Boase, Droz, 1978, p. 71.
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26/02/2014
Paul de Roux, Entrevoir , préface de Guy Goffette
Verger abandonné
La mousse du vieux poirier
patiente et douce murmure :
« Ne bougez pas »
et la solidité du bois
du bon vieux tronc
est douceur aussi
et sûr appui.
Stèle pour un corbeau
Lui aussi menait sa vie, ce corbeau
dont je n'ai vu que le cadavre efflanqué
les plumes noires collées à la terre gluante
sous la frondaison des châtaigniers en fleurs
— c'était en mai. Ce matin de septembre
parmi les premières bogues chues
je ne retrouve pas une plume.
Mais tandis que je bats les feuilles mortes, soudain
dans le bois de la Montagne de Reims
un croassement s'élève, comme en écho
à ma rêverie mélancolique.
Paul de Roux, Entrevoir suivi de Le front contre la vitre et de La halte obscure, préface de Guy Goffette, Poésie / Gallimard, 2014, p. 98, 105.
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25/02/2014
Paul de Roux, Au jour le jour, Carnets 2000-2005 (2)
L'amour d'un jardin, d'une maison à restaurer, d'un palimpseste à déchiffrer. Voilà ce qui unit. On ne partage que le travail.
Tout se résume en cela : l'insatisfaction de soi-même.
Alors que l'on n'a que trop tendance à attribuer à autrui la responsabilité de son état. Toute doctrine qui exalte la liberté et la responsabilité de la personne est, de ce point de vue, excellente.
Plus un art est grand, moins on peut en voir de pièces. On s'aperçoit soudain que tel tableau, telle sculpture dit tout ce que l'on était susceptible d'entendre à l'instant et il ne reste plus qu'à s'éloigner pour ne pas être indigne de nouvelles rencontres.
Jour et nuit
Grande balançoire, ces ondulations,
terre s'étendant en vergers, moissons,
terre levée en buttes et bosquets
à l'horizon qui bleuit, se recueille
sous quelques pâles nuages,
langue ancienne dont nous avons oublié l'alphabet
tracé ici avec une touffe d'herbe, un poirier,
terre ancrée dans les étoiles, révélées
si t'éveille la hulotte.
Paul de Roux, Au jour le jour, Carnets 2000-2005, édition établie par Gilles Ortlieb, Le bruit du temps, 2014, p. 131, 148, 161, 190.
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24/02/2014
Paul de Roux, Au jour le jour 5, Carnets 2000-2005
Le sentiment de la nature, de son "étrangeté" est peut-être le degré le plus bas de la perception du non-humain, de la perception de puissances qui ne relèvent pas de l'espèce humaine. Oui, c'est peut-être quelque chose de très primaire, mais c'est du moins quelque chose qui vous arrache à la toute puissance de nos sociétés humaines, faisant craquer les bornes d'un univers artificiellement clos, tel celui de la "ville tentaculaire".
Je me suis dit soudain que le Louvre était mes sentiers, mes bois, mes montagnes perdus. Ce n'est pas que l'esprit, c'est aussi, tout autant, la chair du monde que je retrouve ici fugitivement.
Je brouille le monde en moi. Le chaos intérieur donne un reflet chaotique du monde. Je ne vois rien, je n'entends rien, je ne sens rien. La perte est immense. Et comme était modeste, la provende que je faisais à travers champs ! Quelques piécettes de l'incalculable fortune proposée. Aujourd'hui cependant, seule leur réminiscence conserve un certain éclat dans la besace du passé. La lumière, le vent, ce qui ne se stocke pas, ne s'emporte pas dans la poche, cela seul peut-être s'accorde à quelque chose de très intime, en un point où cœur, sens, esprit coïncident, se confondent.
Paul de Roux, Au jour le jour 5, Carnets 2000-2005, Le bruit du temps, 2014, p. 48, 56, 80.
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23/02/2014
Raymond Queneau, L'instant fatal, dans Œuvres complètes,I
Je crains pas ça tellment
Je crains pas ça tellment la mort de mes entrailles
et la mort de mon nez et celle de mes os
Je crains pas ça tellment moi cette moustiquaille
qu'on baptise Raymond d'un père dit Queneau
Je crains pas ça tellment où va la bouquinaille
la quais les cabinets la poussière et l'ennui
Je crains pas ça tellment moi qui tant écrivaille
et distille la mort en quelques poésies
Je crains pas ça tellment La nuit se coule douce
entre les bords teigneux des paupières des morts
Elle est douce la nuit caresse d'une rousse
le miel des méridiens des pôles sud et nord
Je crains pas cette nuit Je crains pas le sommeil
absolu Ça doit être aussi lourd que le plomb
aussi sec que la lave aussi noir que le ciel
aussi sourd qu'un mendiant bêlant au coin d'un pont
Je crains bien le malheur le deuil et la souffrance
et l'angoisse et la guigne et l'excès de l'absence
Je crains l'abîme obèse où gît la maladie
et le temps et l'espace et les torts de l'esprit
Mais je crains pas tellment ce lugubre imbécile
qui viendra me cueillir au bout de son curdent
lorsque vaincu j'aurai d'un œil vague et placide
cédé tout mon courage aux rongeurs du présent
Un jour je chanterai Ulysse ou bien Achille
Énée ou bien Didon Quichotte ou bien Pansa
Un jour je chanterai le bonheur des tranquilles
les plaisirs de la pêche ou la paix des villas
Aujourd'hui bien lassé par l'heure qui s'enroule
tournant comme un bourrin tout autour du cadran
permettez mille excuz à ce crâne — une boule —
de susurrer plaintif la chanson du néant
Raymond Queneau, L'instant fatal, dans Œuvres complètes,
I, édition établie par Claude Debon, Pléiade / Gallimard, 1989, p. 123.
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22/02/2014
Raymond Queneau, Chansons,
Chansons
I
Il y a des gens qui s' cass'nt la tête
Parc' qu'ils voudraient gagner d'l'argent
Beaucoup d'argent
Ils cherch'nt partout des recettes
Pour dev'nir rich's immédiatement
Et copieusement
Ou bien ils travaill'nt tout' leur vie
Ou bien ils préfèr'nt êt' bandits
De grand chemin
Tout ça c'est bien trop compliqué :
Pour êtr' célèbre et honoré
Y a qu'un moyen
Faites comme moi
Dev'nez champion
C'est si facile
Et c'est si bon
Ah quel plaisir d'être champion
On n'a qu'à se mettr' sur les rangs
Pour écraser les concurrents
Ah quel bonheur d'être champion
Même un champion de trottinette
Tout l'monde accourt pour lui fair' fête
Ah quelle joie d'être un champion
C'est si facile et c'est si bon.
*
Une vie sans toi
Une vie sans toi
Qu'est-ce que ça veut dire ?
Ça veut dir' la pluie
Tout au long des mois
Ça veut dir' l'ennui
Ça veut dir' le pire
Ça veut dir' tout ça
Et encore tout ça
Ça veut dir' la neige
Au mois de juillet
Ça veut dir' la fleur
Mourant sur la branche
Ça veut dire l'oiseau
Crevant en plein ciel
Ça veut dir' tout ça
Et encore tout ça
Ça veut dir' tout ça
Ne pas te revoir
Si jamais la vie
Voulait t'éloigner
À toujours de moi
Comme serait gris
Comme serait noir
Un monde sans toi
Raymond Queneau, Chansons, dans Œuvres
complètes, I, édition établie par Claude
Debon, Pléiade / Gallimard,1989, p. 972 et 969.
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21/02/2014
Étienne de la Boétie, Œuvres complètes, Sonnets
Sonnets
X
Ores je te veux faire un solennel serment,
Non serment qui m'oblige à t'aimer davantage,
Car meshuy je ne puis ; mais un vrai tesmoignage
À ceux qui me liront, que j'aime loyaument.
C'est pour vrai, je vivrai, je mourrai en t'aimant.
Je jure le hault ciel, du grand Dieu l'héritage,
Je jure encor l'enfer, de Pluton le partage,
Où les parjurs auront quelque jour leur tourment ;
Je jure Cupidon, le Dieu pour qui j'endure ;
Son arc, ses traicts, ses yeux & sa trousse je jure :
Je n'aurois jamais fait : je veux bien jurer mieux,
J'en jure par la force & pouvoir de tes yeux,
Je jure ta grandeur, ta douceur & ta grace,
Et ton esprit, l'honneur de cette terre basse.
Étienne de la Boétie, Œuvres complètes, II, introduction, bibliographie et notes de Louis Desgraves, Conseil général de la Dordogne / William Blake ans Co, 1991, p. 120.
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20/02/2014
Henri Droguet, Variations saisonnières, dans PO&SIE
À perte
C'est un soir et le temps
qui court Dame souris
trotte et chicote
à la maison du nouveau mort
étendu dans la chambre
plus ou moins noire où sphinx
(tête idoine) et bombyx
cernent la lampe et demain
seront miettes et poudres
déjà l'enfant perdu
court au jardin sauvage
ça sent le frai la laine et l'argile
le vent revient de loin
un ange passe
13 août 2007
Voyures
Quoi s'éloignait là ? disais-tu
le vent fouettard à son branle
qui tombait dans l'éparse grâce de la mer
le soleil entre l'ombre et l'ombre
tout feu tout flamme déboulé
dans un panier de nuages
la neige à venir et l'herbe à Robert
un improbable accès aux replis des collines
les menues semences
l'eau douce à la saulaie
les grandes nuits lointaines
C'est ça le vrai jour et l'aboi neuf
ça râpe et ça rit
ça rabote
2 mai 2008
Henri Droguet, Variations saisonnières, dans PO&SIE
n°136, 2ème trimestre 2011, p. 41 et 48.
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19/02/2014
Nicolas Pesquès, La face nord du Juliau, cinq
Histoire de la perdrix
Prologue
Les choses ne sont pas ce que les mots produisent. Elles émergent de ce qu'ils séparent. Elles deviennent visibles, visibles et nues, comme elles ne le sont pas elles-mêmes. Visibles après le bain. Issues de l'ombre positive d ela langue, de l'implacable et lumineux glissement de sa négativité.
Cette ombre pour respirer. Cette ombre pour plonger.
Survie phrasique jusque dans l'extrême nuance opaque du poème. Lecture sans le moindre émouvante - ou bien molle, injuste, sans le moindre tranchant.
Voici la découpe où je vis : l'emporte pièce, autant de bandes, brunes jaunes. Adorable limaille.
Et vivable vraiment la présence due aux mots ; sans eux on n'échapperait pas à la chaotique filature du temps ni à la puissance de l'instant laissé à lui-même — seuls les animaux y excellent.
Pierre parmi les pierres. Foin dans le foin, j'écris le maquillage de la perdrix.
Je déracine et brandis son théâtre d'un bloc. Sa brûlure n'est pas extatique, mais douloureuse comme la totalité.
Une précipitation d'apparence.
Une explosion de perdrix pierreuse.
Le théâtre est clos ; à l'intérieur, la ressemblance est infinie.
[...]
Nicolas Pesquès, La face nord du Juliau, cinq, André Dimanche, 2008, p. 57-58.
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18/02/2014
François Rannou, Rapt
D'amour si longtemps tu
se resserre
aux quatre coins
enfoncée dans
l'os
d'amour si longtemps tu ne sais où la lumière te mord
(il y a là une femme qui aimait
son rire sa façon de disparaître
du lit après l'amour pour écrire)
[...]
*
14 stelles
ailleurs
sous les phrases la
ligne de
sable chardons dans
l'herbe
clairsemée raide courte
le chant de marie
qu'on encule
sous la lune blanche
Bretagne intérieure
moteur lancinant des
des moissons la
nuit on n'
entend
plus la route
il reste
les
« mottes tuées »
François Rannou, Rapt, La Termitière / La Nerthe,
2013, p. 29, 75-76.
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17/02/2014
Guy Goffette, Un manteau de fortune (2)
Psaumes pour le temps qui me dure d'être sans toi
Le jour est si fragile à la corne du bois
que je ne sais plus où ni comment ce matin
poser mes yeux, ma voix, poser ce corps d'argile
si drôlement qui craque à la croisée des ombres.
J'ai peur soudain, oui, peur de n'être que cela :
une poignée de terre qu'un souffle obscur à l'aube
tient dans sa paume, et qu'il ne s'épuise d'un coup
et me laisse tomber dans la poursuite du temps,
comme ces fruits qu'aucune bouche n'a touchés
et qui roulent sans fin dans la nuit des famines.
Seigneur, si vous êtes ce souffle obscur et si
fragile à la corne du bois, et si je suis
ce corps, resserrez votre paume, resserrez)la.
Aux marges
Il reste deux ou trois choses
à dire sous le ciel, deux
ou trois seulement par quoi
les poètes comme les chevaux
les chiens perdus, les lisières
se reconnaissent — c'est un
creux, une ride, une veilleuse
dans la nuit de l'œil _ deux
ou trois choses à peine
qu'on peut entendre et qui
nous tiennent comme l'ét
dans la langue d'avril
à la merci des marges.
Guy Goffette, Un manteau de fortune, suivi de L'adieu aux lisières et de Tombeau du Capricorne, Préface de Jacques Réda, Poésie/Gallimard, 2014, p. 159, 192.
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16/02/2014
Guy Goffette, Un Manteau de fortune
Défense de Verlaine
Pauvre Lélian, mon vieux Verlaine, vil défroqué,
qu'ils disent, toute débauche et sale et laid comme
un cochon de Chine, et poivrot par-dessus et,
par-dessous la vase verte quoi ? quoi qui sonne
et qui reste à ton crédit ? une âme qui file
doux sous la laine et vague un peu dans les brouillards ?
mais cette âme-là, cachée sous le noir sourcil,
est d'un ange, ô fruste certes, louche et braillard
comme un arbre peint par la tempête d'un ange,
vous dis-je, qui se fiche bien du tiers et du
quart, pourvu que l'eau des yeux dans son vers se change
en un vin léger qui tremble quand on l'a bu,
tremble encre, tremble longuement, tremble et trouble
jusqu'au lit où, rivières, nous couchons nos vies
petites, blêmes, racornies et parfois doubles
aussi, moins exposées aux vents de toute envie
que toi, Verlaine, parmi les plumitifs et les
rassis, toi, vieil enfant rebelle à tout ce qui
pèse ou qui pose, boiteux à la route ailée
avec l'âme tendre à jamais dans son maquis.
I. Travaux d'aveugle
Ô bucheron assis dans l'ombre
que réveillait l'enfant des bois
près de Rambervilliers, tais-toi,
laisse chanter la voix sans nombre
de l'arbre couché dans ses feuilles.
Elle a comme une femme blonde
dans le sillage de ses pas
jeté le sel du rêve, elle a
cousu nos âmes vagabondes
à la voile bleu de son œil.
Et nous voici, tâchant dans l'ombre
avec des mots de rien des voix
perdues, et des touchers de soie
comme un marieur de décombres
dans tes dentelles, ô poésie.
Guy Goffette, Un Manteau de fortune, suivi de
L'adieu aux lisières et de Tombeau du Capricorne,
Préface de Jacques Réda, Poésie/Gallimard, 2014,
p. 71-72, 83.
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15/02/2014
Malcom Lowry, Poèmes, traduction Jean Follain
Dans la prison d'Oaxaca
J'ai connu la cité d'atroce nuit
bien plus atroce que celle que connurent
Kipling ou Thomson...
une nuit où la dernière graine d'espérance s'est envolée
de l'esprit évanescent d'un petit-fils de l'hiver.
Dans le cachot cet enfant alcoolique frissonne
réconforté par l'assassin car la compassion ici aussi se montre ;
les bruits nocturnes y sont appels au secours
provenant de la ville, du jardin d'où l'on expulse les destructeurs ?
L'ombre du policier se balance sur le mur
l'ombre de la lanterne forme tache noire sur le mur
et sur un pan de la cathédrale oscille lentement ma croix
— les fils et le grand poteau télégraphique remuant au vent —
Et moi je suis crucifié entre deux continents.
Aucun message n'arrive du dehors en pleurnichant
pour moi qui demeure ici
mais que de messages pour moi venant d'ici
où l'on signe syphilis et chaude pisse avec du Sloane liniment
mais selon l'un ou l'autre on varie la dose
Malcom Lowry, Poèmes, traduction Jean Follain, dans Les Lettres Nouvelles, "Malcom Lowry", mai-juin 1974, p. 225.
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14/02/2014
Jean Genet, Le condamné à mort, l'enfant criminel, le funambule
La galère
Un forçat délivré rude et féroce lance
Un chiourme dans le pré mais d'une fleur de lance
Le marlou Croix du Sud l'assassin Pôle Nord
Aux oreilles d'un autre ôtent ses boucles d'or.
Les plus beaux sont fleuris d'étranges maladies.
Leur croupe de guitare éclate en mélodies.
L'écume de la mer nous mouille de crachats.
Sommes-nous remontés des gorges d'un crachat ?
On parle de me battre et j'écoute vos coups.
Qui me roule Harcamone et dans vos plis me coud ?
Harcamone aux bras verts hauts reine qui vole
Sur ton odeur nocturne et les bois éveillés
Par l'horreur de son nom ce bagnard endeuillé
Sur ma galère chante et son chant me désole.
Les rameaux alourdis par la chaîne et la honte
Les marles les forbans ces taureaux de la mer
Ouvragé par mille ans ton geste les raconte
Et le silence avec la nuit de ton œil clair.
[...]
Jean Genet, Le condamné à mort, l'enfant criminel, le funambule, L'Arbalète, 1958 [1945], p. 51-52.
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