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27/07/2019

Jean Genet, Un chant d'amour

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Un chant d’amour

 

Berger descends du ciel où dorment tes brebis !

(Au duvet d’un berger bel Hiver je te livre)

Sous mon haleine encor si ton sexe est de givre

Aurore le défait de ce fragile habit.

 

Est-il question d’amour au lever du soleil ?

Leurs chants dorment encor dans le gosier des pâtres,

Écartons nos rideaux sur ce décor de marbre ;

Ton visage ahuri saupoudré de sommeil.

 

O ta grâce m’accable et je tourne de l’œil

Beau navire habillé pour la noce des Iles

Et du soir. Haute vague ! Insulte difficile

O mon continent noir ma robe de grand deuil !

(…)

 

Jean Genet, Un chant d’amour, dans Le condamné à mort (…),

L’Arbalète, 1966, p. 81.

14/02/2014

Jean Genet, Le condamné à mort, l'enfant criminel, le funambule

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                         La galère

 

Un forçat délivré rude et féroce lance

Un chiourme dans le pré mais d'une fleur de lance

Le marlou Croix du Sud l'assassin Pôle Nord

Aux oreilles d'un autre ôtent ses boucles d'or.

Les plus beaux sont fleuris d'étranges maladies.

Leur croupe de guitare éclate en mélodies.

L'écume de la mer nous mouille de crachats.

Sommes-nous remontés des gorges d'un crachat ?

 

On parle de me battre et j'écoute vos coups.

Qui me roule Harcamone et dans vos plis me coud ?

 

Harcamone aux bras verts hauts reine qui vole

Sur ton odeur nocturne et les bois éveillés

Par l'horreur de son nom ce bagnard endeuillé

Sur ma galère chante et son chant me désole.

 

Les rameaux alourdis par la chaîne et la honte

Les marles les forbans ces taureaux de la mer

Ouvragé par mille ans ton geste les raconte

Et le silence avec la nuit de ton œil clair.

 

[...]

 

Jean Genet, Le condamné à mort, l'enfant criminel, le funambule, L'Arbalète, 1958 [1945], p. 51-52.

08/12/2012

Jean Genet, Le condamné à mort

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                       Le condamné à mort

 [...]

Sur mon cou sans armure et sans haine, mon cou

Que ma main plus légère et plus grave qu'une veuve

Effleure sous mon col, sans que ton cœur s'émeuve,

Laisse tes dents poser ton sourire de loup.

 

Ô viens mon beau soleil ô viens ma nuit d'Espagne,

Arrive dans mes yeux qui seront morts demain.

Arrive, ouvre ma porte, apporte-moi ta main.

Mène-moi loin d'ici battre notre campagne.

 

Le ciel peut s'éveiller, les étoiles fleurir,

Ni les fleurs soupirer, et des prés l'herbe noire

Accueillir la rosée où le matin va boire,

Le clocher peut sonner : moi seul je vais mourir.

 

Ô viens mon ciel de rose, ô ma corbeille blonde !

Visite dans sa nuit ton condamné à mort.

Arrache-toi la chair, tue, escalade, mords,

Mais viens  ! Pose ta joue contre ma tête ronde.

 

Nous n'avion pas fini de nous parler d'amour.

Nous n'avions pas fini de fumer nos gitanes.

On peut se demander pourquoi les Cours condamnent

Un assassin si beau qu'il fait pâlir le jour.

 

Amour viens sur ma bouche ! Amour ouvre tes portes !

Traverse les couloirs, descends, marche léger,

Vole dans l'escalier plus souple qu'un berger,

Plus soutenu par l'air qu'un vol de feuilles mortes.

 

Ô traverse les murs ; s'il le faut marche au bord

Des toits, des océans ; couvre-toi de lumière,

Use de la menace, use de la prière,

Mais viens, ô ma frégate, une heure avant ma mort.

 

Jean Genet, Le condamné à mort, dans Le condamné à mort,

L'enfant criminel, Le funambule, L'Arbalète, 1958, p. 18-19.

14/08/2011

Jean Genet, Le condamné à mort

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                Le condamné à mort

 

[…]

 

Sur mon cou sans armure et sans haine, mon cou

 

Que ma main plus légère et grave qu’une veuve

 

Effleure sous mon col, sans que ton cœur s’émeuve,

 

Laisse tes dents poser ton sourire de loup.

 

 

O viens mon beau soleil, ô viens ma nuit d’Espagne,

 

Arrive dans mes yeux qui seront morts demain.

 

Arrive, ouvre ma porte, apporte-moi ta main.

 

Mène-moi loin d’ici battre notre campagne.

 


Le ciel peut s’éveiller, les étoiles fleurir,

 

Ni des fleurs soupirer, et des prés l’herbe noire

 

Accueillir la rosée où le matin va boire,

 

Le clocher peut sonner : moi seul je vais mourir.

 


O viens mon ciel de rose, ô ma corbeille blonde !

 

Visite dans sa nuit ton condamné à mort.

 

Arrache-toi la chair, tue, escalade, mords,

 

Mais viens ! Pose ta joue contre ma tête ronde.

 


Nous n’avions pas fini de nous parler d’amour.

 

Nous n’avions pas fini de fumer nos gitanes.

 

On peut se demander pourquoi les Cours condamnent

 

Un assassin si beau qu’il fait pâlir le jour.

 


Amour viens sur ma bouche ! Amour ouvre tes portes !

 

Traverse les couloirs, descends, marche léger,

 

Vole dans l’escalier plus souple qu’un berger,

 

Plus soutenu par l’air qu’un vol de feuilles mortes.

 


O traverse les murs , s’il le faut marche au bord

 

Des toits, des océans ; couvre-toi de lumière,

 

Use de la menace, use de la prière,

 

Mais viens, ô ma frégate, une heure avant ma mort.

 

[…]

 

 

Jean Genet, Le condamné à mort [1945]suivi de poèmes, L’enfant criminel [1948], Le funambule [1955], Marc Barbezat – L’Arbalète, 1966, p. 18-19.