30/10/2020
Nicolas Pesquès, La face nord du Juliau, dix-sept, dix-huit
07.09.13
Séparé de tout, séparé de tous.
Toute communauté est une réponse à cette scission générale. Elle camoufle la solitude des corps, l’éparpillement des groupes. Elle tente de désigner ce qui les unit quand tout effort descriptif ne peut que creuser davantage distance et attirance. Le langage fait son œuvre. Il accomplit le paradoxe du vivant : il entretient le sentiment d’un gain de proximité et il approfondit l’abîme.
Nicolas Pesquès, La face nord du Juliau, dix-sept, dix-huit, Poésie/Flammarion, 2020, p. 43.
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16/10/2020
Nicolas Pesquès, La face nord du Juliau, dix-sept, dix-huit
25.06.13
Nous sommes l’escargot qui traverse la route : incapable d’imaginer la roue qui va l’écraser. Seulement aptes à vivre avec nos sens dans le monde qu’ils nous fabriquent, après son transfert dans les langues qui l’établissent.
Nicolas Pesquès, La face nord du Juliau, dix-sept, dix-huit, Flammarion, 2020, p. 38.
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12/06/2018
Nicolas Pesquès, La face nord du Juliau,5
Histoire de la perdrix
Prologue
Les choses ne sont pas ce que les mots produisent. Elles émergent de ce qu'ils séparent. Elles deviennent visibles, visibles et nues, comme elles ne le sont pas elles-mêmes. Visibles après le bain. Issues de l'ombre positive d ela langue, de l'implacable et lumineux glissement de sa négativité.
Cette ombre pour respirer. Cette ombre pour plonger.
Survie phrasique jusque dans l'extrême nuance opaque du poème. Lecture sans le moindre émouvante - ou bien molle, injuste, sans le moindre tranchant.
Voici la découpe où je vis : l'emporte pièce, autant de bandes, brunes jaunes. Adorable limaille.
Et vivable vraiment la présence due aux mots ; sans eux on n'échapperait pas à la chaotique filature du temps ni à la puissance de l'instant laissé à lui-même — seuls les animaux y excellent.
Pierre parmi les pierres. Foin dans le foin, j'écris le maquillage de la perdrix.
Je déracine et brandis son théâtre d'un bloc. Sa brûlure n'est pas extatique, mais douloureuse comme la totalité.
Une précipitation d'apparence.
Une explosion de perdrix pierreuse.
Le théâtre est clos ; à l'intérieur, la ressemblance est infinie.
[...]
Nicolas Pesquès, La face nord du Juliau, cinq, André Dimanche, 2008, p. 57-58.
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25/10/2017
Nicolas Pesquès, La face nord du Juliau, treize à quinze
Le 2 août [2011]
Les fantômes n’ont pas besoin de se cacher, ils habitent toutes les collines. Il suffit de les lire, car ils viennent parfois dans des phrases exceptionnelles qui les libèrent. Souvent à notre insu, incrustation de chair dans le paysage. Chevreuil à dix pas. Perdrix mixte.
Le désir implante ses peut-être, où écrire s’ensource en continu.
Nicolas Pesquès, La face nord du Juliau, treize à seize, Flammarion, 2016, p. 121.
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11/08/2016
Nicolas Pesquès, La face nord du Juliau, cinq
Écrire : la même chose sauf l'instant,
la même force spontanée moins la surprise
plus celle d'une seule fois les mots ensemble
il n'y a pas de sursis dans la prairie, ni en prose
pas de jaune sans herbe exacte
ni transport
conjointement, la colline se raréfie
la couleur durcit sa cruauté adjective
le même iceberg sous les jupes de la phrase
...
dans le bois de genêts, il y eut
la fuite du très aigu et du très affluent
ce mélange de vie parfaite et de silence actif
j'en invente la mémoire avec la même stupeur
le même jaune excellent
sur cette terre où abonde le palpable et le vertigineux,
verbe est le grand désirant
l'animiste
hameçonneur de jouissance, de morsures
constater en quoi le jaune des genêts est semblable à
celui-ci
en ce moment de marbre
en cette gravure d'amour
avec ses définitions à même l'écorce
austères, techniques,
et tellement chaudes à vivre
là où ça bruisse, sur la pente connectée
où la citronnade rétracte
[...]
Nicolas Pesquès, La face nord du Juliau, cinq,
André Dimanche, 2008, p. 131-132.
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14/03/2016
Nicolas Pesquès, La face nord du Juliau, treize à seize
Le 21 avril [2011]
Quand on avance dans la description d’une sensation, d’une pensée ou d’un objet, on fait les trois en même temps, on avance de front :
Je vais au genêt, j’entred ans le jaune. Le brouillard épaissit mais la densité est extrêmement grenue, tactile, vivable.
La phrase n’est pas assurée quand bien même le corps la pousserait. La pensée ajoute du trouble à l’objet troublant. À moins que ce soit la sensation qui, d’avancer à découvert, d’ecister en propre, rameute ce qui lui convient : du jeune intense et de la pensée subséquente.
À la fin, les trois ayant eu lieu, tout se fend, éclabousse. Le plaisir est profond, le langage est abandonné. En même temps on dirait que l’abstraction s’implante, qu’elle est la reprise douce et musclée du motif. La colline reprend le dessus.
Nicolas Pesquès, La face nord du Juliau, treize à quinze, Flammarion, 2016, p. 143.
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12/03/2016
Nicolas Pesquès, La face nord du Juliau, treize à seize
Le 23 juin 2009
Depuis le début, soit depuis l’été 1980, l’étonnement s’est accru de voir ce que fabrique le langage, ce que les choses deviennent après être passées dans ses griffes, ou dans ses voiles, dans toutes ses opérations de passe-passe qui font qu’elles ne sont peut-être pas ou plus tout à fait ce qu’elles sont — si être hors-langue pour une chose a du sens — ou même si la langue peut aller chercher les choses avant leur venue dans les mots, là où elles sont si différentes.
À moins qu’il soit absurde de songer à faire cela, à dire avec des mots un monde sans eux. Pourtant quelque chose leur appartient : la nuit de l’apparence. Ni cela qui simplement brille, ni ce que cet éclat dissimule, mais ce qu’il en est quand on le traverse. Ce qui se passe veut dire. Toujours cette question du transport.
Nicolas Pesquès, La face nord de Juliau, treize à seize, Flammarion, 2016, p. 11.
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19/02/2014
Nicolas Pesquès, La face nord du Juliau, cinq
Histoire de la perdrix
Prologue
Les choses ne sont pas ce que les mots produisent. Elles émergent de ce qu'ils séparent. Elles deviennent visibles, visibles et nues, comme elles ne le sont pas elles-mêmes. Visibles après le bain. Issues de l'ombre positive d ela langue, de l'implacable et lumineux glissement de sa négativité.
Cette ombre pour respirer. Cette ombre pour plonger.
Survie phrasique jusque dans l'extrême nuance opaque du poème. Lecture sans le moindre émouvante - ou bien molle, injuste, sans le moindre tranchant.
Voici la découpe où je vis : l'emporte pièce, autant de bandes, brunes jaunes. Adorable limaille.
Et vivable vraiment la présence due aux mots ; sans eux on n'échapperait pas à la chaotique filature du temps ni à la puissance de l'instant laissé à lui-même — seuls les animaux y excellent.
Pierre parmi les pierres. Foin dans le foin, j'écris le maquillage de la perdrix.
Je déracine et brandis son théâtre d'un bloc. Sa brûlure n'est pas extatique, mais douloureuse comme la totalité.
Une précipitation d'apparence.
Une explosion de perdrix pierreuse.
Le théâtre est clos ; à l'intérieur, la ressemblance est infinie.
[...]
Nicolas Pesquès, La face nord du Juliau, cinq, André Dimanche, 2008, p. 57-58.
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26/04/2013
Nicolas Pesquès, La face nord du Juliau, cinq
Écrire : la même chose sauf l'instant,
la même force spontanée moins la surprise
plus celle d'une seule fois les mots ensemble
il n'y a pas de sursis dans la prairie, ni en prose
pas de jaune sans herbe exacte
ni transport
conjointement, la colline se raréfie
la couleur durcit sa cruauté adjective
le même iceberg sous les jupes de la phrase
...
dans le bois de genêts, il y eut
la fuite du très aigu et du très affluent
ce mélange de vie parfaite et de silence actif
j'en invente la mémoire avec la même stupeur
le même jaune excellent
sur cette terre où abonde le palpable et le vertigineux,
verbe est le grand désirant
l'animiste
hameçonneur de jouissance, de morsures
constater en quoi le jaune des genêts est semblable à
celui-ci
en ce moment de marbre
en cette gravure d'amour
avec ses définitions à même l'écorce
austères, techniques,
et tellement chaudes à vivre
là où ça bruisse, sur la pente connectée
où la citronnade rétracte
[...]
Nicolas Pesquès, La face nord du Juliau, cinq, André Dimanche, 2008, p. 131-132.
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