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24/02/2024

Esther Tellermann, Votre écorce

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Il me fallut inventer

des signes neufs

lire des

corolles.   Dans

la peur.

        Il me fallut

savoir

                 appartenir

                 se

                 reconnaître

dans le vent

et l’ombre

l’écaille

         qui s’effrite.

 

Esther Tellermann, Votre écorce,

La Lettre volée, 2023, p. 23.

16/12/2023

Roger Giroux, L'arbre le temps

 

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Elle dit : cette ombre, ce parfum,

Cette mort grandissante…

Je parle pour exister.

 

Elle, dans son trop vaste sépulcre de craie,

Moi, tous ceux que j’ai conviés là

Dans l’espoir que peut-être…

 

Elle. La pente très douce de son visage.

Moi, friable empreinte d’une bouche, aux confins.

  

Roger Giroux, L’arbre le remps, Éric Pesty

éditeur, 2014, p. 58.

13/09/2023

Tristan Tzara, Où boivent les loups

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il y a des heures, blanches épreuves

qu’engloutissent les maudites

sur le fente irréductible

d’un espoir trop plein

 

il y a tant de sens  à l’aube qui sombrent

 

qu’il n’y ait qu’une aube de ce monde

seule et qu’elle ne fut que l’ombre

d’une raison parée de mille méduses

de ses clairs éclats  ou des cendres

revivront les souffles oubliés

dans une aube nouvellement débordante

de vérités dures de pierres dures

 

et les aubes écrasées dans l’invisible sang

en laine au regard du fer jaloux

d’une croissance si pesante si grave

que le jour ne résiste au sourire avançant

dans la chaleur des mortifications où brûle encore

la constance du verre et se rue et se délasse

le tourment hideux de la vague à voir sans repos

 

Tristan Tzara, Où boivent les loups, dans Œuvres compères, 2,

1925-1933, éditions Henri Béhar, Flammarion, 1977, p. 233.

28/07/2023

Jean Tardieu, Le Témoin invisible

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Ombre

 

Frange d’invisible,

tremblant de secrets,

l’absent qui te prie

et qui t’a porté

baigné dans son ombre

à travers le jour,

lié en silence

à toutes les feuilles,

à travers les pierres

et à tous les temps

n’est-ce pas toujours

ce vaste Toi-même

où tu t‘es perdu ?

 

Jean Tardieu, Le Témoin

 Invisible dans Œuvres, Quarto/

Gallimard, 2005, pp. 143.

03/07/2023

Antoine Emaz, Erre

  antoine emaz, erre, sombre, ombre

délesté

on descend pourtant

c’est bizarre

mais pas en rêve

 

on a fait ce qu’il fallait

pour rester en surface

prendre part au bruit produire

les paroles et le reste les paroles

tout le nécessaire du jour

 

on s’en va maintenant comme si

on n’avait plus que son poids de corps

il glisse dans le soir s’enfonce

dans l’ombre de plus en plus sombre

des arbres et du jardin

jusqu’au ciel

 

on respire

 

Antoine Emaz, Erre, Tarabuste,

2023, p. 44.

Photo T. H., 2007.

13/04/2023

Benoît Casas, Combine

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47

Sous le

grand soleil

 fermentent

les hommes

les femmes  

les passions

les siècles.

 

60

Elle prépare

le feu

de l’ombre

où je resterai

visible.

 

63

Comment

déterminer

le moment

précis

où commence

une histoire ?

 

542
Ce n’était 

qu’une question 

de temps 

mais le temps 

ne nous a 

pas bien 

traités 

quelque chose 

s’est mal 

passé.

 

Benoît Casas, Combine,

Nous, 2923, np.

 

 

07/03/2023

Philippe Jaccottet, Le dernier livre de Madrigaux

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En écoutant Claudio Monteverdi

 

On croirait, quand il chante, qu’il appelle une ombre

qu’il aurait entrevue un jour dans la forêt

et qu’il faudrait, fût-ce au prix de son âme, retenir :

c’est par urgence que sa voix prend feu.

 

Alors , à sa lumière d’incendie, on aperçoit :

une pré nocturne, humide, et par-delà

où il avait surpris cette ombre tendre,

ou beaucoup mieux et plus tendre qu’une ombre :

 

Il n’y a plus que chênes et violette maintenant.

 

La voix qui a illuminé la distance retombe. 

 

Je ne sais pas s’il a franchi le pré.

 

Philippe Jaccottet, Le dernier livre de Madrigaux,

Gallimard, 2021, p. 9.

18/04/2022

Jack Kerouac, Mexico City Blues

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                                               103e Chorus

          •  
          • Mon Père dans le rouge de la basse ville
          • Se promenant comme une ombre
          • D’encre noire, avec chapeau, hochant la tête,
          • Dans les lumières immémoriales de nos rêves.
          • Car j’ai depuis rêvé de Lowell
          • Et de l’image de mon père,
          • Chapeau de paille, journal dans la poche,
          • Sentant l’alcool, cirages-coiffeur,
          • Est l’image de l’Homme Ignorant
          • Se hâtant vers sa destinée qui est la Mort
          • Quoiqu’il le sache.
          •          C’est pourquoi ils appellent Santé,
          •           une bouteille, un verre, une rasade,
          •          Une Coupe de Courage.
          •  
          • Les hommes savent que le brouillard n’est pas leur ami —
          • Ils sortent des champs et mettent leurs manteaux
          • Ils deviennent des hommes d’affaires et meurent rassis
          • La même mort rassise et écœurante
          • Ils auraient pu mourir à la campagne
          •          Collines de fumier
          • Mes souvenirs de mon père
          • dans la basse ville de Lowell
          • homme en carton marchant
          • dans les lumières perdues
          • faits de la même matière vide
          • que mon père dans sa tombe.
          •  
          • Jack Kerouac, Mexico City Blues, traduction
          • Pierre Joris, Poésie/Gallimard, 2022, p. 119.

24/11/2021

Pierre Chappuis, La nuit moins profonde

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L’ombre

 

L’ombre des chênes (son épaisseur), là (y fûmes-nous ?), serrés, solidaires (à poings fermés), cœur même de la plénitude de l’été.

 

Y fûmes-nous vraiment ?

 

Que ne nous sépare pas...

 

Que ne nous sépare pas, insensible abîme, le moindre écart.

 

Ce que nous étions ; ce que nous sommes. N’ayant point souvenir des massifs d’ombre côtoyés, mouvants, dont les senteurs portaient à la tête.

 

Un courant de transparence insensiblement nous porte : aurore, démarcation nulle.

 

Pierre Chappuis, La nuit moins profonde, éditions Empreintes, 2021, p. 64-65.

01/10/2021

Christian Viguié, Fusain

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Cherche l’ombre

comme une lanterne

ou un papillon.

 

Le vent

autour du puits

 s’étonne qu’aucune parole

n’en sorte.

 

Un oiseau

 s’envole

avant toute parole.

 

C’est à l’intérieur de toi 

que les roses

ferment les yeux.

 

Le brouillard

ne nous demande pas

de voir les choses

mais l’attente des choses.

 

Christian Viguié, Fusain, le cadran ligné,

2021, p. 19, 20, 23, 24, 32.

11/09/2021

Gustave Roud, Journal

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Ascension [24 mai 1938] – « Sur la Croix » Ferlens

 

Espèce de saisissement tout à l’heure, en arrivant au carrefour de Ferlens. La couleur des ombres d’arbres sur les quatre routes éveille en moi un appel, un rappel de voyages anciens et c’est un cri confus et caché qui me traverse — une voix qui me dit de ne point attendre, de partir, de partir, où ? Je ne sais à quel moment précis de l’autrefois de ma vie ces valeurs sont liées, mais cela doit être à quelque chose d’essentiel, peut-être autour de ma vingtième année… À travers tout ce printemps, d’ailleurs, j’ai ressenti le même choc indéfinissable et c’était toujours devant les routes de poussière bordées d’herbe sombre — Les valeurs de ce gris-blanc-bleu et du vert bleuâtre des prairies étaient absolument partielles à un accord musical retrouvé, mais qu’on se répète sans trêve avec une très profonde nostalgie — sans pouvoir la situer dans le temps et dans l’espace.

 

Gustave Roud, Journal Carnets cahiers et feuillets II 1937-1971, éditions Empreintes 2004, p. 36-37.

25/07/2021

Stefano Simoncelli, Frôlant les murs et les lumières

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Parfois je sens

qu’un vent rapace

veut m’emporter

 

loin de ces confins escarpés

ravis aux bonds des chevreuils,

aux vallons ourlés d’orages,

 

jusqu’ici, où un déséquilibre

ou un trouble du regard

fait exploser les nuances

 

des ombres tapageuses

que j’ai oubliées

dans les livres et sur les murs

 

tandis que le noir est ce noir

où chaque nuit, dans un âge hors de saison,

je m’habitue à disparaître.

 

Stefano Simoncelli, Frôlant les murs et les lumières, traduction Laurent Cennamo, dans revue de belles-lettres, 2021-1, p. 149.

07/11/2020

Bartolo Cattafi, Mars et ses idées

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                En silence

 

Un quelque chose qui donne de l’ombre

surgit et pique

une plante à épines

une encre livide

avec de nombreux bras

ici et maintenant avec nos bras

en silence

tête baissée

 

Bartolo Cattafi, Mars et ses ides, traduction

                                         Philippe Di Meo, Héros-Limite, 2014, p. 95.

29/09/2020

Philippe Jaccottet, Airs

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        Monde

 

Poids des pierres, des pensées.

 

Songes et montagnes

n’ont pas même balance

 

Nous habitons encore un autre monde

Peut-être l’intervalle

 

 

Fleurs couleur bleue

bouches endormies

sommeil des profondeurs

 

Vous pervenches en foule

parlant d’absence au passant

 

 

Sérénité

 

L’ombre qui est dans la lumière

pareille à une fumée bleue

 

Philippe Jaccottet, Airs, dans Œuvres,

Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard,

2014, p. 438.

25/06/2020

Bernard Vargaftig, Le monde le monde

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Feuillage et craie étonnés

Un abîme m’envahissait

La grève sans cacher près de l’éboulis

Ce qui est incomparable

La durée avec le gué

Et les oiseaux là-bas là-bas

Et comme éperdument chancelle en criant

La profondeur des contrées

Vent où la clarté traverse

À nouveau oubli et poursuite

Lilas dont la vivacité se répète

Ombre et première épouvante

Quand tout à coup rien ne manque

Les rochers le pli et ta robe

À l’écart dans l’ensoleillement désert

Emmurée par ton langage

 

Bernard Vargaftig, Le monde le monde, André Dimanche,

1994, p. 17