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13/02/2014

Brantôme, Recueil d'aulcunes Rymes de mes jeunes Amours

                                         Brantôme,  Recueil d'aulcunes Rymes de mes jeunes Amours, désir, secret, maîtresse

                           Sonnet

 

Vous, Amans, qui avez, jusques au ciel d'Amour,

Or tristes, or gaillards, développé voz ailes,

De voz desirs remplis de joyes immortelles,

Si vous avez senti ses secretz quelque jour,

 

Pour Dieu, ne desdaignez discourir à mon tour,

La joye et le plaisir qu'eurent ces ames belles,

Lors que dedans leur lit de si douces cordelles,

S'entrelaçant si fort, n'estoient point à sejour.

 

Je ne puis, quant à moy, chetif et miserable,

Vous discourir en rien cet heur si delectable ;

Le sort de mon amour est si fort malheureux

 

Que je n'en puis conter qu'une peine et tristesse,

Et un mal-traitement d'une rude maistresse ;

Je vis ainsi chetif et vous autres heureux.

 

Brantôme,  Recueil d'aulcunes Rymes de mes jeunes Amours, édition établie et préfacée par Louis Perceau, Georges Briffaut, 1927, p. 93.

12/02/2014

Joseph Joubert, Carnets, I

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   Le seul moyen d'avoir des amis, c'est de tout jeter par les fenêtres, de n'enfermer rien et de ne jamais savoir où l'on couchera le soir.

 

   On ne devrait écrire ce qu'on sent qu'après un long repos de l'âme. Il ne faut pas s'exprimer comme on sent, mais comme on se souvient.

 

   Enseigner, c'est apprendre deux fois.

 

   Ceux qui n'ont à s'occuper ni de leurs plaisirs ni de leurs besoins sont à plaindre.

 

   Les enfants veulent toujours regarder derrière les miroirs.

 

   Aux médiocres il faut des livres médiocres.

 

   Les uns disent bâton merdeux, les autres fagot d'épines.

 

   L'un aime à dire ce qu'il sait, l'autre à dire ce qu'il pense.

 

   Évitez d'acheter un livre fermé.

 

   Ce monde me paraît un tourbillon habité par un peuple à qui la tête tourne.

 

Joseph Joubert, Carnets, I, textes recueillis par André Beaunier, avant-propos de J.P. Corsetti, préface de Mme A. Beaunier et A. Bellesort, Gallimard, 1994 [1938], p. 73, 79, 143, 143, 161, 165, 172, 176, 183, 183, 211.

11/02/2014

Philippe Beck, Lyre dure

           Les éditions NOUS ont quinze ans

 

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           Lyre d'&   XIV

 

Une lyre loin, que dit-elle ?

Elle fait un bruit de corde de mer,

le chant-courrier des vagues dessous,

harpe d'ondes vers le nom-cercle,

comme une grille libre d'images.

Elle lance la tresse de mots

d'eau et d'air vers

famille portée.

Dicter = composer ;

décrire = copier ;

et enformer, débriser,

après Villon.

Comme pluie-soleil

et hommage.

Bien.

Elle soigne

des pensées,

des fleurs dehors

ou dessous.

Des enveloppes claires

comme demi-cercle

ou convexe + concave

pour un ovale.

Il y a des bouquets de signes

bien rythmés,

un navire,

le cœur plaintif i

et  invocatif,

un poème de temps

rudement fait

plutôt qu'un rommant.

Il fait des notices

et un Livre Hystorial.

 

Tu accommodes le Livre

qui passe dans la distance.

Opticienne au bain

révélateur.

Dans les plis de l'eau passante.

Je veille.

 

Philippe Beck, Lyre dure, NOUS, 2009, p. 73-74.

 

Philippe Beck vient de publier Opéradiques, Poésie /Flammation.

 

 

 

 

 

 

 

10/02/2014

Milo De Angelis, Thème de l'adieu, préface de Jacques Demarcq

Les éditions NOUS ont quinze ans

 

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Pas de gloria in excelsis, mais un fouillis

nerveux, un grincer de sons et les yeux

fixes en bas, ce rien

qui garde froide la pensée, ce tremblement

d'ampoules et d'aiguilles, quelque chose

qui s'enferme dans son cri. Le visage

touchait déjà sa terre, voyait l'écoulement

pâle des phénomènes

                                  oh alors, disais-je, dors

 

et pourtant j'étais avec toi

et tu n'étais pas avec moi

 

                                     *

 

Dans l'infranchissable minute reviennent tous

les jardins de notre vie,, toutes les ombres

que nous avons piétinées, les feuilles,

les saluts, souffles en sursauts, étés, phrases

comme enterrées, enterrements

qui semblent avoir eu lieu.

 

Milo De Angelis, Thème de l'adieu, traduit de l'italien par Patrizia Atzei et Benoît Casas, Préface de Jacques Demarcq, 2010, p. 37, 76.

 

 

09/02/2014

Sanguineti, Corollaire, traduction Patrizia Atzei & Benoît Casas

             Les éditions NOUS ont quinze ans

 

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pour toi je les ai éprouvés (et pour toi je les éprouve ma chérie) : et de ce que                                                                                                [tu vois,  

tu le vois, il s'agit :

                              il y a comme un pré, une rive (un rivage), avec des roseaux,

avec des herbes en fleur, avec des zones lacustres ou palustres (le cadrage est                                                                                                                 [serré :                                                                                               

 

on voit, et on devine, peu et mal) : et deux couples d'oiseaux aquatiques voilà,

justement, âprement se becquettent, se déchirent (et, déchirés, se déplument) :

                                                                                                                   mais

trois autres volatiles (mais inaccoutumés, inadaptés au vol), trottinant paisibles,

apaisés (ce que je désigne ici, respectivement, par S, et par T, et enfin par R),

se tiennent là dans un coin, gauchement sereins :

                                        (pourtant observe-les, ici, avec moi, ils palpitent) :

 

Edoardo Sanguineti, Corollaire, traduit de l'italien par Patrizia Atzei et Benoît Casas, préface de Jacques Roubaud, NOUS, 2013, p. 38.

08/02/2014

Dominique Buisset, Quadratures, postface de Jacques Roubaud

                     

                                                 Les éditions NOUS ont 15 ans...

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               Parascève

                    16

 

De tout faire une ligne de mots

tout réduire à cette noircissure

peu à peu dont se griffe la page

grincement où s'étouffe la rage

et se dénoue le piège d'émo-

tion que rend la vieille narcissure

à moi regardante et pas si sûre

d'aimer reconnaître au tavelage

du miroir un saugrenu jumeau.

 

                         *

 

              Quadratures

                     11

 

Universelle maison de l'équivoque

amour à travers tant de chambres couru

— et nous les habitons tantôt tantôt l'une

l'autre toujours si mal qu'elle nous le rend

bien — de ce monde où toute prise nous fuit

et c'est un leurre de tenir, où jamais

le milieu n'est juste ni l'instant rendu

— seule dure à perte la rage —, rends-le

nous, et sa piqûre dont s'ourlent de nous

les nuages filant par dessus tout vite

dans l'équivoque biais de l'universel.

 

Dominique Buisset, Quadratures, postface

de Jacques Roubaud, NOUS, 2010,

p. 91 et 19.

07/02/2014

E. E. Cummings, font 5, traduction de Jacques Demarcq

 

 

Les éditions NOUS ont 15 ans

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                        Quatre

                          XIV

 

il y a si longtemps que mon cœur n'a été avec le tien

 

serré par nos bras nous mêlant dans

une obscurité où de nouvelles lumières naissent et

grandissent,

depuis que ton esprit a parcouru

mon baiser tel un étranger

dans les rues et les couleurs d'une ville —

 

ce que j'ai peut-être oublié

oh oui, toujours (avec

ces pressantes brutalités

du sang et de la chair) l'Amour

se forge des gestes très progressifs,

 

et taille la vie pour l'éternité

 

— après quoi nos êtres se séparant sont des musées

remplis de souvenirs joliment empaillés

 

E. E. Cummings,  font 5, traduction et postface de Jacques Demarcq, NOUS, 2011, p. 91.

 

 

 

06/02/2014

Mina Loy, Manifeste féministe & écrits modernistes

  

Les éditions NOUS ont 15 ans...

www.editions-nous.com

 

Le dernier livre paru : Mina Loy [1882-1966]

 

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        Manifeste féministe [1914]

 

Le mouvement féministe tel qu'il est constitué à présent est

Imparfait

 

Femmes si vous souhaitez vous accomplir — vous êtes à la veille d'un soulèvement psychologique dévastateur — toutes vos illusions domestiques doivent être démasquées — les mensonges des siècles sont à congédier — Êtes-vous préparées à cet arrachement— ? Il n'y a pas de demi-mesure  — NUL coup de griffe à la surface du monceau d'ordure s de la tradition ne conduira à la Réforme, la seule méthode est une Démolition Absolue.

Cessez de placer votre confiance dans la législation économique, les croisades contre le vice & l'éducation égalitaire — vous glosez à côté de la Réalité

Des carrières libérales et commerciales s'ouvrent à vous —

Est-ce là tout ce que vous voulez ?

 

[...]

 

Aphorismes sur le modernisme

 

   Le MODERNISME est un prophète criant dans le désert que l'Humanité épuise son temps.

 

   La MORALE a été inventée comme excuse pour assassiner le voisinage.

 

   Les ANARCHISTES en art en sont les aristocrates immédiats.

 

Notes sur l'existence

 

   La guerre n'a laissé aucune trace en nous à l'exception de la disgrâce de quelques vieilles dames qui publiquement se vautrent sur la tombe de leurs fils alors qu'elles auraient dû savoir comment mieux les élever.

 

   Tomber amoureux est un tour de passe-passe qui consiste à magnifier un être humain à des proportions telles que toutes les comparaisons s'évanouissent.

 

   Considérant ma vie passée, je peux en tirer une loi absolue   de la physique — que l'énergie est toujours perdue.

 

Mina Loy, Manifeste féministe & écrits modernistes, traduction [de l'anglais] et préface d'Olivier Apert, NOUS, 2014, p. 15-16, 49, 50, 51, 59, 61, 61.

05/02/2014

Antoine Emaz, Plaie — note à propos d'Antoine Emaz, Flaques

                                                                     antoine emaz,plaie — note à propos d'antoine emaz,flaques

les heures passent

à la manivelle

au hachoir

on les force à passer

 

sans rien faire

l'horloge resterait bloquée

avec ses poids

au bout de leurs cordes

et le gros balancier de cuivre

immobile

arrêté

ce jour-là

 

 

ce lieu mental

attire

dès qu'on s'en approche

 

comment

désactiver

 

on pourrait partir loin

cela ne changerait rien

 

il faut remettre en état

la tête

absorber

le choc

 

ensuite seulement on pourra voir peut-être

s'il y a du ciel plus bleu et pas d'hiver

ailleurs

 

Antoine Emaz, Plaie, encres de Djamel Meskache,

Tarabuste, 2009, p. 79-80.

                                        *

Note à propos du dernier livre d'Antoine Emaz, Flaques, encres de Jean-Michel Marchetti, centrifuges, 2013, 110 p., 12, 50 €.

 Depuis 2003 avec Lichen lichen, parallèlement aux livres de poèmes, Antoine Emaz publie des notes. Il s'agit d'extraits de ses carnets, sorte de fourre-tout où ce qui arrive au jour le jour est consigné, pour une raison ou une autre. Pas de doute, ces fragments retenus sont bien « à mi-chemin d'un peu tout et n'importe quoi : description, poème, pensée, journal, bon mot, critique, ébauches... » (47). La liste n'est pas exhaustive, et il faut ajouter que le lecteur passe de propositions sur la poésie à des remarques sur le rassemblement, dans Sauf (2011), de plusieurs livres, de réflexions sur la lecture de Titus-Carmel à des citations de Klee (sur la forme), de Reverdy ou de Joubert, du commentaire d'une émission de radio consacrée à Sylvia Plath à une esquisse d'analyse du narcissisme. Il y a, dira-t-on, un désordre qui rend la lecture difficile, puisque les notes semblent ne donner que la « vie à vif » (56), sans l'organisation qui a abouti, comme l'écrit Antoine Emaz, aux Petits traités de Quignard.

   Ce serait pourtant une lecture myope que de ne pas reconnaître des lignes de force dans Flaques. Le titre — un seul mot, comme le titre des livres de poèmes — évoque le minuscule (ce qui reste après la pluie), ce à quoi on ne s'arrête pas, comme les précédents titres des recueils de notes, Cambouis, Cuisine ou Lichen lichen, et Antoine Emaz s'interroge sur le lien qui pourrait être établi entre les poèmes et le « ramasse-miette du vivant » (62) que sont à ses yeux les carnets. Les notes en effet, on l'a dit, retiennent ce qui passe et s'oublie, s'attardant aussi bien sur un passage d'étourneaux, « nuages d'oiseaux » (73) que sur la figure d'un homme âgé qui chantonne La valse brune à la caisse d'un supermarché. Mais comment ne pas s'apercevoir que certains de ces regards sur le quotidien sont aussi le matériau de la poésie d'Antoine Emaz.

   Le livre s'ouvre sur ce qu'est la vie pour chacun ("on"), «  Ne plus rien avoir à retenir : la vie va, on est dans son courant muet. Il y a là, un moment, non pas une joie, mais une forme précaire de paix » (9), motif repris à diverses reprises — « le gros du temps d'une vie est linéaire, répétitif, quotidien.  » (33). Ce début est suivi d'une affirmation sur le fond de l'écriture, motif récurrent dans les écrits d'Antoine Emaz, et constitue une charpente de Flaques : « Le plus important de ce que tu vis n'est pas forcément le plus important à écrire. L'essentiel, c'est ce que tu peux écrire de vivre. » (9) Le lecteur ne sera pas surpris de lire ces deux propositions réunies dans la dernière phrase du livre : « [si l'artiste] ne peut plus vivre écrire publier, alors très vite, il va mal et manque d'air. » (103)

  Parallèlement, ce qu'est la poésie, et plus largement le fait d'écrire, sont des thèmes qui reviennent sans cesse dans Flaques ; parlant de la table où il s'installe pour écrire, face au jardin, il note : « C'est là que je me sens à ma place, qu'il y a du plaisir à vivre un peu comme si le monde des mots, des livres était devenu prioritaire sur le monde des hommes. Même s'il s'agit d'un retrait, pour rejoindre au bout. » (22). Quant à la poésie, faut-il la définir ? Il propose une formule :  « Du vif qui] se cristallise en mots » 29), ou reprend Philippe Beck, même s'il s'estime loin de son écriture : la poésie, un « engin de captation du monde sans merveilleux » (91). Mais ailleurs : « Parce que la poésie est sans définition, on continue d'en proposer » (72). On peut au fil des pages relever les doutes — que restera-t-il de ce qui s'écrit aujourd'hui ? —, mais ce qui est assuré, c'est la certitude que l'art — l'écriture— est le premier pôle de la vie, si l'on entend toujours que « vivre reste premier » (87).

Note parue dans Sitaudis.

 

04/02/2014

James Sacré, Des animaux plus ou moins familiers

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           Une semaine avec James Sacré

 

                      Animaux

 

                           I

 

   Animaux velus sales et grossièrement familiers je vous vois : je lèche un sexe rouge et me réfugie dans vos fourrures et près de vos dents.)

 

Langage

Nul animal n'y est sauf

Grand cheval rouge ou licorne grande

Misère le mien (lequel ?) m'arrache

Des larmes il traîne à l'envers la charrue

Je rage quoi disparaît

Dans le temps parti je langage

 

   Je vais rêver l'été sera clair il faudra un texte qui prenne régulier le format de la page voilà au centre de l'enfance (l'été s'y abreuve) un cerisier grandit la lumière est l'évidence du bleu je vois par dessus des buissons un bord de tuiles une maison je regarde je désire un poème qui serait du silence le même bleu (j'y bois la transparence de nulle écriture) au centre un cerisier n'y rêve pas que je meurs.

[...]

 

James Sacré, Des animaux plus ou moins familiers, André Dimanche, 1993, p. 27-28.

03/02/2014

James Sacré, Lorand Gaspar, Mouvementé de mots et de couleurs

 

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   Une semaine avec James Sacré

 

Je regarde des photos qui m'accompagnent. Retour

À des endroits connus, croit-on, mais n'en reste

Qu'un brasillement de couleurs dans la mémoire, et l'immense

Mouvement du ciel qui fait aller ses bleus et ses nuées

Comme une caresse exaspérée

À tout ce paysage d'été sec et d'arbres pétrifiés.

Des photos que les nuages

N'y bougent plus.

Leur couleur aussi pétrifiée.

Quelque part un œil méduse opère et c'est nulle part

Entre le temps qui n'existe plus et le paysage arrêté.

Son œil de pierre aveugle,

Celui de l'appareil photo, ou l'œil d'encre

Du poème arrêté.

 

James Sacré [poèmes], Lorand Gaspar [photographies], Mouvementé de mots et de couleurs, Le temps qu'il fait, 2003, p. 50.

02/02/2014

James Sacré, Donne-moi ton enfance

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         Une semaine avec James Sacré

 

           Un p'tit garçon, je sais plus

 

   Si on cherche bien rien de si puéril ni de vraiment gentil dans ces années disparues. Tous autant qu'on est sait-on pas les gestes surtout méchants, tout le mauvais désir de vivre à la place de l'autre, les jeux cruels poursuivis jusque dans les tendresses qu'on avait ? Et l'indifférence du ciel qui t'emporte en ses tempêtes, l'enfance poussière et paille tout un vol de petits démons dans un grand pet du vent. Forcément que la vie sent mauvais. Faut s'y faire.

 

                                         *

 

   On finit par se souvenir de choses qu'on n'a peut-être pas vécues quelqu'un t'a raconté vieille femme du village là-bas que tu crois maintenant voir son beau visage qui t'accueille au monde maman t'avait laissé tout seul au bout du champ dans la petite voiture d'enfant, presque rien mais comme si d'un coup la parole t'était donnée avec l'autre et l'ampleur du monde... l'enfance a-t-elle commencé avec le premier souvenir qu'on a ? Et si on l'a quittée en même temps que des culottes courtes ? Personne te dira jamais. La vieille femme du village en savait rien non plus.

 

James Sacré, Donne-moi ton enfance, Tarabuste, 2013, p. 21.

01/02/2014

James Sacré, Parler avec le poème

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                 Une semaine avec James Sacré

 

                   Rien de trop solide sur quoi bâtir

                     (Poésie, lyrisme, modernité)

 

Poésie

Une poétique oui, si par ce mot on entend façons d'écriture ou style ; mais je n'ai pas de principes  a priori, de recettes que je voudrais utiliser ou illustrer. Sans exclure pour autant que cela ne se fasse pas  à mon insu. Et quand même, bien sûr, quelques convictions (ou du moins des goûts) : que la poésie par exemple ne met aucun élément du langage à l'écart ; qu'elle ne sait pas ce qu'elle est elle-même entre expérience et langage (y compris entre l'expérience qu'elle fait du langage et les mots qu'elle emploie) ; qu'elle est quelque chose d'aussi vague et fragile que la vie en somme. Oui un signe de vie qui peut-être parfois aussi magnifique que détestable, ou, à l'inverse, aussi misérable que bouleversant. Affaire de relation à l'autre et à soi-même dans le tissage arbitraire (ce qui nous renvoie à nos aveuglements sur nous-mêmes) d'une morale avec nos divers sentiments et nos approximatifs savoirs.

 

James Sacré, Parler avec le poème, La Baconnière, 2013, p. 141.