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20/07/2024

Constatin Cavafy, Poèmes

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                   Les fenêtres

 

Dans ces chambres obscures où je passe

des jours qui m’oppressent, je rôde de long en large

cherchant à trouver les fenêtres — Lorsqu’il s’en ouvrira

une, ce me sera une consolation —

Mais il n’y a point de fenêtre, ou c’est moi

qui ne puis les trouver. Peut-être en est-il mieux ainsi.

Peut-être la lumière ne serait que nouvelle tyrannie.

Qui sait quelles choses nouvelles elle ferait surgir…

 

Constantin Cavafy, Poèmes, traduits par Georges Papoutsakis, Les Belles Lettres, 1977, p. 37.

Constantin Cavafy, Poèmes

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Mélancolie de Jason, fils de Cléandre : Poète en Commagène ; 505 ap. J.C.

 

Vieillissement de mon corps et de ma figure —

c’est une blessure d’un effroyable couteau.

Je n’ai plus d’endurance.

A toi je recours, Art de la Poésie,

qui, tant soit peu, te connais en remèdes :

tentatives d’assoupissement de la douleur,

par l’Imagination et par le Verbe.

 

Blessure d’un effroyable couteau —

Art de la Poésie, apporte tes remèdes,

pour endormir — pour quelque temps — la douleur.

 

Constantin Cavafy, Poèmes, traduction Georges Papoutsakis, Les Belles Lettres, 1958, p. 153.

18/07/2024

Marguerite Yourcenar, Présentation critique de Constantin Cavafy

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Autant que possible

 

Si tu ne peux façonner ta vie comme tu le voudrais, tâche du moins de ne la point avilir par de trop nombreux contacts avec le monde, par trop de gesticulations et de paroles.

Ne la galvaude pas en traînant de droite et de gauche, en l'exposant à la sottise journalière des relations humaines et de la foule, de peur qu’elle ne se transforme ainsi en une étrangère importune.

 

Marguerite Yourcenar, Présentation critique de Constantin Cavafy, suivie d’une traduction intégrale de ses poèmes, Gallimard, 1958, p. 113.

13/02/2023

Cavafy, Poèmes

                                   

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                                    Lustre

 

Dans une chambre vide et petite — seuls quatre murs

couverts d’étoffes toutes vertes —

un lustre superbe brûle et flambe ;

et dans chacune de ses flammes s’embrase

une lascive passion, un lascif élan.

 

Dans la petite chambre qui étincelle,

éclairée du feu violent du lustre,

point familière est cette lumière qui en sort ;

ni faite pour des corps timides

la volupté de cette chaleur.

 

Cavafy, Poèmes, traduction Georges Papoutsakis, Les Belles Lettres, 1977, p. 82.

26/03/2021

Gaspara Stampa, Poèmes

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Vous qui écoutez mes poèmes,

ces tristes, tristes voix, ces accents désolés

de mes lamentations, échos de mon amour

et de mes tourments sans pareils.

 

si vous savez, en nobles cœurs, apprécier la grandeur,

j’attends de votre estime

pour mes plaintes mieux que pardon, acclamation,

leur raison étant si sublime.

 

J’attends aussi que plus un dira : « Heureuse

est celle qui, pour le plus illustre idéal,

a subi si illustre épreuve !

 

Ah ! que n’ai-je eu la  chance de ce grand amour,

grâce à un si noble seigneur !

Je marcherais de pair avec telle héroïne ! »

 

Gaspara Stampa, Poèmes, traduction Paul Bachmann, Poésie/Gallimard, 1991, p. 57.

09/03/2021

Georg Trakl, Poèmes

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                     Paysage

 

Soir de septembre ; les sombres appels des

         bergers tristement résonnent

À travers le village au crépuscule ; du feu jaillit dans la forge.

Puissamment se cabre un cheval noir ; les boucles de jacinthe de la    [servante

Happent l'ardeur de ses pourpres naseaux.

Doucement se fige à la lisière du bois le cri de la biche

Et les fleurs jaunes de l'automne

Se penchent muettes sur la face bleue de l'étang.

Dans une flamme rouge un arbre a brûlé ;

           figures sombres de chauve-souris s'élevant en battant des ailes.

 

                               Landschaft

 

Septemberabend ; traurig tönen die dunklen Rufe der Hirten

Durch das dämmernde Dorf ; Feuer sprüht in der Schmiede.

Gewaltig bäumt sich ein schwarzes Pferd ; die hyazinthenen Locken    [der Magd

Haschen nach der Inbrunst seiner purpurnen Nüstern.

Leise estarrt am Saum des Waldes der Schrei der Hirschkuh

Und die gelben Blumen des Herbstes

Neigen sich sprachlos über das blaue Antlitz des Teichs.

In roter Flamme verbrannte ein Baum , aufflattern mit dunklen [Gesichtern die Fledermäuse.

 

Georg Trakl, Poèmes, traduits et présentés par Guillevic, Obsidiane, 1986, p. 25 et 24.

10/11/2020

Gottfried Benn, Poèmes

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                Un mot

 

Un mot, une phrase — ; des lettres montent

vie reconnue et sens qui fulgurent,

le soleil s’arrête, les sphères se taisent,

tout se concentre vers ce mot.

 

Un mot — un éclat, un vol, un feu,

un jet de flammes, un passage d’étoiles —

puis à nouveau le sombre le terrible

dans l’espace vide autour du moi et du monde.

 

Gottfried Benn, Poèmes, traduction Pierre Garnier,

Gallimard, 1972, p. 249.

23/06/2020

Gaspara Stampa (1523-1554), Poèmes

Gaspara Stampa, Poèmes, poèmes, amour, renaissance

Vous qui écoutez mes poèmes,

ces tristes, tristes voix, ces accents désolés

de mes lamentations, échos de mon amour,

et de mes tourments sans pareils,

 

si vous savez, en nobles cœurs,

apprécier la grandeur, j’attends de votre estime

pour mes plaintes ieux que pardon, acclamation

leur raison étant si sublime.

 

J’attends aussi que plus d’un dira : « Heureuse

est celle qui, pour le plus illustre idéal

a subi si illustre épreuve !

 

Ah ! que n’ai-je eu la chance de ce grand amour,

grâce à un si noble seigneur !

Je marcherais de pair avec telle héroïne ! »

 

Gaspara Stampa, Poèmes, traduction de l’italien Paul Bachman, Poésie / Gallimard, 1991, p. 57.

 

 

13/05/2020

Salvatore Quasimodo, Poèmes

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           Élégie

 

Froide messagère de la nuit

tu es revenue limpide au balcon

des maisons ravagées

pour éclairer des tombes sans nom

et les restes abandonnés de la terre fumante.

Ci-gît notre songe. Solitaire

tu montes vers le Nord où toute chose

s’achemine sans lumière à sa mort,

et tu résistes.

 

Salvatore Quasimodo, Poèmes, traduction

Pericle Patocchi, Mercure de France, 1958, p. 58.

26/03/2020

Eduard Mörike (1804-1875), Poèmes

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                     À l’aimée

 

Lorsqu’à te contempler je me sens apaisé

Comblé, sans faim, sans voix, près de ton ssanctuaire

Je crois alors tout bas entendre respirer

L’ange qui te ressemble et habite en toi.

 

Un sourire étonné et qui doute, incrédule

Vient naître sur ma lèvre : est-ce leurre, illusion,

Puis-je croire enfin que on unique désir,

Mon vœu le plus hardi, en toi sera comblé ?

 

Quand plonge mon esprit d’abîmes en abîmes

J’entends dans l’antre noir de la divinité,

Les sources du Destin au bruit mélodieux.

 

Je porte mon regard chancelant vers les cieux :

Au firmament, là-haut, me sourient les étoiles ;

Et j’écoute à genoux leur beau chant lumineux.

 

Eduard Mörike, Poèmes, traduction Nicole Taubes,

Les Belles Lettres, 2010, p. 151.

08/01/2020

Cavafy, Poèmes

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                    C’est fini

 

Dans la crainte et les soupçons,

l’esprit tourmenté, les yeux horrifiés,

nous nous consumons, cherchant, avec angoisse,

comment éviter le danger que nous croyons certain

et si terriblement menaçant.

Pourtant, nous nous trompons, ce danger n’est pas notre route ;

faux étaient les messages

(nous les avons mal entendus ou mal compris).

Une autre catastrophe, que nous n’imaginions pas,

soudain, violente, s’abat sur nous

et non préparés — trop tard, à présent — elle nous emporte.

 

Cavafy, Poèmes, traduction Georges Papoutsakis, Les Belles-Lettres,

1977, p. 59.

08/11/2019

James Joyce, Poèmes

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             Bahnofstrasse

 

Les yeux qui rient de moi signalisent la rue

Où je m’engage seul à l’approche du soir,

 

Cette rue grise dont les signaux violets

Sont l’étoile du rendez-vous et de l’adieu.

 

O astre du péché ! Astre de la souffrance !

Elle ne revient pas, la jeunesse au cœur fou

 

Et l’âge n’est pas là qui verrait d’un cœur simple

Ces deux signaux railleurs cligner à mon passage.

 

James Joyce, Poèmes, traduction Jacques Borel,

Gallimard, 1967, p. 113.

14/07/2019

Oscar Wilde, Poèmes

 

                        Madonna mia

 

Une fillette, un lys, inapte à la douleur du monde,

Cheveux bruns et soyeux tressés autour de ses oreilles,

Aux yeux charmants voilés de larmes folles,

Telle une eau d’un bleu pur dans un brouillard de pluie,

 

Et des joues pâles ignorantes des baisers,

Lèvres rouges qui ont toujours craint l’amour.

Gorge aussi blanche que gorge de colombe,

Sur le marbre de laquelle s’inscrit une veine de pourpre,

 

Pourtant, bien que mes lèvre ne cessent de te louer,

Je n’ose même pas embrasser ton pied,

Tant je suis assombri par les ailes de la peur,

 

Tel Dante, se tenant auprès de Béatrice,

Sous le portail en feu du Lion, lorsqu’il vit

La Septième splendeur et l’Escalier d’or.

 

Oscar Wilde, Poèmes, traduction Bernard Delvaille,

dans Œuvres, Pléiade / Gallimard, 1996, p. 13.

25/05/2019

Boris Pasternak, Poèmes

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Le poème qui suit les poèmes

 

Sur votre étagère j’ai posé des poèmes

Poèmes que vous prenez pour du « moi-même »

Sur mon étagère aucun poème :

Et dans les jours que j’ai subisd aucun « moi-même ».

 

Dans la vie de ceux qui le mieux ont chanté,

Des traits d’une telle simplicité

Que quicinque, authentique, y a goûté

Ne peut plus que s’achever en silence entier.

 

Né de même parenté avec tout ce qui est,

Familier d’un avenir, qui dès aujourd’hui est,

Comment ne pas, finalement, tomber

Dans l’hérésir de la simplicité inouïe ?

 

J’ai honte, tous les jours plus honte

Qu’au profond de ce siècle de telels ombres

Subsiste une certaine haute maladie

Nommée « haut mal de poésie ».

 

Boris Pasternak, Poèmes, traduction Armand Robin,

Paris, sans nom d’éditeur, octobre 1946.

04/05/2019

Malcolm Lowry, Le Vendredi-Saint de M. Lowry...

Malcolm Lowry, Poèmes, traduction Jean Follain, esbroufe, ennui

Le Vendredi-Saint de M. Lowry

   sous un véritable cactus

 

Parce que je suis un esbrouffeur

Parce que je suis un effrayé

Parce que je dois éluder

La sentence du Seigneur

Puis à nouveau m’en moquer

Et encore une fois être crucifié à son côté

Parce que je dois décider

Parce que je ne le fais point

Étant comme Crusoé

Naufragé sur un îlot de douleur

Je suis mort, je crève d’ennui

Parce que je suis un esbrouffeur

Parce que je suis un effrayé.

 

Malcolm Lowry, Poèmes, traduction Jean Follain,

dans"Malcolm Lowry", Les lettres nouvelles,

1950, p. 89.