13/02/2023
Cavafy, Poèmes
Lustre
Dans une chambre vide et petite — seuls quatre murs
couverts d’étoffes toutes vertes —
un lustre superbe brûle et flambe ;
et dans chacune de ses flammes s’embrase
une lascive passion, un lascif élan.
Dans la petite chambre qui étincelle,
éclairée du feu violent du lustre,
point familière est cette lumière qui en sort ;
ni faite pour des corps timides
la volupté de cette chaleur.
Cavafy, Poèmes, traduction Georges Papoutsakis, Les Belles Lettres, 1977, p. 82.
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26/03/2021
Gaspara Stampa, Poèmes
Vous qui écoutez mes poèmes,
ces tristes, tristes voix, ces accents désolés
de mes lamentations, échos de mon amour
et de mes tourments sans pareils.
si vous savez, en nobles cœurs, apprécier la grandeur,
j’attends de votre estime
pour mes plaintes mieux que pardon, acclamation,
leur raison étant si sublime.
J’attends aussi que plus un dira : « Heureuse
est celle qui, pour le plus illustre idéal,
a subi si illustre épreuve !
Ah ! que n’ai-je eu la chance de ce grand amour,
grâce à un si noble seigneur !
Je marcherais de pair avec telle héroïne ! »
Gaspara Stampa, Poèmes, traduction Paul Bachmann, Poésie/Gallimard, 1991, p. 57.
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09/03/2021
Georg Trakl, Poèmes
Paysage
Soir de septembre ; les sombres appels des
bergers tristement résonnent
À travers le village au crépuscule ; du feu jaillit dans la forge.
Puissamment se cabre un cheval noir ; les boucles de jacinthe de la [servante
Happent l'ardeur de ses pourpres naseaux.
Doucement se fige à la lisière du bois le cri de la biche
Et les fleurs jaunes de l'automne
Se penchent muettes sur la face bleue de l'étang.
Dans une flamme rouge un arbre a brûlé ;
figures sombres de chauve-souris s'élevant en battant des ailes.
Landschaft
Septemberabend ; traurig tönen die dunklen Rufe der Hirten
Durch das dämmernde Dorf ; Feuer sprüht in der Schmiede.
Gewaltig bäumt sich ein schwarzes Pferd ; die hyazinthenen Locken [der Magd
Haschen nach der Inbrunst seiner purpurnen Nüstern.
Leise estarrt am Saum des Waldes der Schrei der Hirschkuh
Und die gelben Blumen des Herbstes
Neigen sich sprachlos über das blaue Antlitz des Teichs.
In roter Flamme verbrannte ein Baum , aufflattern mit dunklen [Gesichtern die Fledermäuse.
Georg Trakl, Poèmes, traduits et présentés par Guillevic, Obsidiane, 1986, p. 25 et 24.
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10/11/2020
Gottfried Benn, Poèmes
Un mot
Un mot, une phrase — ; des lettres montent
vie reconnue et sens qui fulgurent,
le soleil s’arrête, les sphères se taisent,
tout se concentre vers ce mot.
Un mot — un éclat, un vol, un feu,
un jet de flammes, un passage d’étoiles —
puis à nouveau le sombre le terrible
dans l’espace vide autour du moi et du monde.
Gottfried Benn, Poèmes, traduction Pierre Garnier,
Gallimard, 1972, p. 249.
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23/06/2020
Gaspara Stampa (1523-1554), Poèmes
Vous qui écoutez mes poèmes,
ces tristes, tristes voix, ces accents désolés
de mes lamentations, échos de mon amour,
et de mes tourments sans pareils,
si vous savez, en nobles cœurs,
apprécier la grandeur, j’attends de votre estime
pour mes plaintes ieux que pardon, acclamation
leur raison étant si sublime.
J’attends aussi que plus d’un dira : « Heureuse
est celle qui, pour le plus illustre idéal
a subi si illustre épreuve !
Ah ! que n’ai-je eu la chance de ce grand amour,
grâce à un si noble seigneur !
Je marcherais de pair avec telle héroïne ! »
Gaspara Stampa, Poèmes, traduction de l’italien Paul Bachman, Poésie / Gallimard, 1991, p. 57.
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13/05/2020
Salvatore Quasimodo, Poèmes
Élégie
Froide messagère de la nuit
tu es revenue limpide au balcon
des maisons ravagées
pour éclairer des tombes sans nom
et les restes abandonnés de la terre fumante.
Ci-gît notre songe. Solitaire
tu montes vers le Nord où toute chose
s’achemine sans lumière à sa mort,
et tu résistes.
Salvatore Quasimodo, Poèmes, traduction
Pericle Patocchi, Mercure de France, 1958, p. 58.
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26/03/2020
Eduard Mörike (1804-1875), Poèmes
À l’aimée
Lorsqu’à te contempler je me sens apaisé
Comblé, sans faim, sans voix, près de ton ssanctuaire
Je crois alors tout bas entendre respirer
L’ange qui te ressemble et habite en toi.
Un sourire étonné et qui doute, incrédule
Vient naître sur ma lèvre : est-ce leurre, illusion,
Puis-je croire enfin que on unique désir,
Mon vœu le plus hardi, en toi sera comblé ?
Quand plonge mon esprit d’abîmes en abîmes
J’entends dans l’antre noir de la divinité,
Les sources du Destin au bruit mélodieux.
Je porte mon regard chancelant vers les cieux :
Au firmament, là-haut, me sourient les étoiles ;
Et j’écoute à genoux leur beau chant lumineux.
Eduard Mörike, Poèmes, traduction Nicole Taubes,
Les Belles Lettres, 2010, p. 151.
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08/01/2020
Cavafy, Poèmes
C’est fini
Dans la crainte et les soupçons,
l’esprit tourmenté, les yeux horrifiés,
nous nous consumons, cherchant, avec angoisse,
comment éviter le danger que nous croyons certain
et si terriblement menaçant.
Pourtant, nous nous trompons, ce danger n’est pas notre route ;
faux étaient les messages
(nous les avons mal entendus ou mal compris).
Une autre catastrophe, que nous n’imaginions pas,
soudain, violente, s’abat sur nous
et non préparés — trop tard, à présent — elle nous emporte.
Cavafy, Poèmes, traduction Georges Papoutsakis, Les Belles-Lettres,
1977, p. 59.
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08/11/2019
James Joyce, Poèmes
Bahnofstrasse
Les yeux qui rient de moi signalisent la rue
Où je m’engage seul à l’approche du soir,
Cette rue grise dont les signaux violets
Sont l’étoile du rendez-vous et de l’adieu.
O astre du péché ! Astre de la souffrance !
Elle ne revient pas, la jeunesse au cœur fou
Et l’âge n’est pas là qui verrait d’un cœur simple
Ces deux signaux railleurs cligner à mon passage.
James Joyce, Poèmes, traduction Jacques Borel,
Gallimard, 1967, p. 113.
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14/07/2019
Oscar Wilde, Poèmes
Madonna mia
Une fillette, un lys, inapte à la douleur du monde,
Cheveux bruns et soyeux tressés autour de ses oreilles,
Aux yeux charmants voilés de larmes folles,
Telle une eau d’un bleu pur dans un brouillard de pluie,
Et des joues pâles ignorantes des baisers,
Lèvres rouges qui ont toujours craint l’amour.
Gorge aussi blanche que gorge de colombe,
Sur le marbre de laquelle s’inscrit une veine de pourpre,
Pourtant, bien que mes lèvre ne cessent de te louer,
Je n’ose même pas embrasser ton pied,
Tant je suis assombri par les ailes de la peur,
Tel Dante, se tenant auprès de Béatrice,
Sous le portail en feu du Lion, lorsqu’il vit
La Septième splendeur et l’Escalier d’or.
Oscar Wilde, Poèmes, traduction Bernard Delvaille,
dans Œuvres, Pléiade / Gallimard, 1996, p. 13.
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25/05/2019
Boris Pasternak, Poèmes
Le poème qui suit les poèmes
Sur votre étagère j’ai posé des poèmes
Poèmes que vous prenez pour du « moi-même »
Sur mon étagère aucun poème :
Et dans les jours que j’ai subisd aucun « moi-même ».
Dans la vie de ceux qui le mieux ont chanté,
Des traits d’une telle simplicité
Que quicinque, authentique, y a goûté
Ne peut plus que s’achever en silence entier.
Né de même parenté avec tout ce qui est,
Familier d’un avenir, qui dès aujourd’hui est,
Comment ne pas, finalement, tomber
Dans l’hérésir de la simplicité inouïe ?
J’ai honte, tous les jours plus honte
Qu’au profond de ce siècle de telels ombres
Subsiste une certaine haute maladie
Nommée « haut mal de poésie ».
Boris Pasternak, Poèmes, traduction Armand Robin,
Paris, sans nom d’éditeur, octobre 1946.
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04/05/2019
Malcolm Lowry, Le Vendredi-Saint de M. Lowry...
Le Vendredi-Saint de M. Lowry
sous un véritable cactus
Parce que je suis un esbrouffeur
Parce que je suis un effrayé
Parce que je dois éluder
La sentence du Seigneur
Puis à nouveau m’en moquer
Et encore une fois être crucifié à son côté
Parce que je dois décider
Parce que je ne le fais point
Étant comme Crusoé
Naufragé sur un îlot de douleur
Je suis mort, je crève d’ennui
Parce que je suis un esbrouffeur
Parce que je suis un effrayé.
Malcolm Lowry, Poèmes, traduction Jean Follain,
dans"Malcolm Lowry", Les lettres nouvelles,
1950, p. 89.
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18/04/2019
Dylan Thomas, Ici dans ce printemps
Ici dans ce printemps
Ici dans ce printemps, des étoiles flottent dans le vide.
Ici dans cet hiver ornemental
S’abattent les froids nus.
Cet été porte en terre un oiseau de printemps.
Les symboles sont choisis depuis la ronde lente
Des années autour des quatre saisons,
Enseignent en automne les feux des trois saisons
Et les chants des quatre oiseaux.
Je saurai l’été grâce aux arbres, les vers
Ne révèlent jamais que les tempêtes de l’hiver
Ou les funérailles du soleil.
J’apprendrai le printemps par le chant du coucou,
Et la limace m’enseignera la destruction.
Un ver sait l’été bien mieux que l’horloge,
La limace est un vivant calendrier des jours.
Que me révèlera-t-elle si un insecte sans fin
Dit que le monde tire à sa fin ?
Dylan Thomas, Poèmes, traduction Patrick Reumaux,
dans Œuvres, I, Seuil, 1970, p. 389.
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31/12/2018
Dylan Thomas, Poèmes, traduction Patrick Reumaux
Y eut-il une temps
Y eut-il un temps où les danseurs et leurs violons
Dans les cirques d’enfants pouvaient suspendre leurs chagrins ?
Il y eut un temps où ils pouvaient pleurer sur les livres
Mais le temps a lancé son ver sur leurs traces.
Sous l’arc du ciel ils sont en danger.
Ce qui n’est jamais connu reste le plus sûr en cette vie.
Sous le présage du ciel ceux qui n’ont pas de bras
Ont les mains les plus propres ; comme le spectre sans cœur
Est seul indemne, ainsi l’aveugle voit le mieux.
Dylan Thomas, Poèmes, traduction Patrick Reumaux,
Dans Œuvres, I, Seuil, 1970, p. 395.
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26/05/2018
Jean Arp, Jours effeuillés, Poèmes, essais, souvenirs (1920-1965)
Je me souviens que, enfant de huit ans, j’ai dessiné avec passion dans un grand livre qui ressemblait à un livre de comptabilité. Je me servais de crayons de couleur. Aucun autre métier, aucune autre profession ne m’intéressait, et ces jeux d’enfant — l’exploration des lieux de rêves inconnus — annonçaient déjà ma vocation de découvrir les terres inconnues de l’art. Probablement les figures de la cathédrale de Strasbourg, de ma ville natale, m’ont stimulé à faire de la sculpture. À l’âge de dix ans environ j’ai sculpté deux petite figures, Adam et Éve, que mon père ensuite a fait incruster dans un bahut. Quand j’avais seize ans mes parents consentirent à ce que je quitte le lycée de Strasbourg pour commencer le dessin et la peinture à l’École des Arts et Métiers. Je dois ma première initiation à l’art à mes professeurs strasbourgeois Georges Ritleng, Haas, Daubner et Schneider. En 1904 enfin, malgré mes supplications de me laisser partir pour Paris, mon père, me jugeant trop jeune et craignant pour moi les « sirènes » de la métropole, me fit entrer de force à l’Académie des Beaux-Arts à Weimar. C’est à Weimar que je pris pour la première fois contact avec la peinture française par les expositions organisées par le comte de Kessler et l’éminent architecte Van de Velde.
Jean Arp, Jours effeuillés, Poèmes, essais, souvenirs (1920-1965), préface de Marcel Jean, Gallimard, 1966, p. 443.
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