19/06/2024
François Rannou, Le Masque d’Anubis
L’herbe ni tondue ni coupée s’est pliée sous le
vent qui lisse sa paume humide glisse entre les
arbres de ce verger redevenu sauvage un Jessé
debout pisse contre le tronc d’un prunier l’urine
pulvérisée trace sa fine rigole entre les globes
charnus d’un jaune presque orangé les fourmis
entraînées ne grimperont plus le long de l’écorce quant au
rêve de l’homme perdu dans ses pensées il est lisible
déplie son phylatère de branche en branche comme si
c’était sa raison d’être mais ce ne sont que des
fragments qu’aucune langue connue ne peut
traduire son désir d’origine trouvera sa réponse
quand sur sa peau les hyménoptères de toutes sortes
l’inscriront lentement selon un nouveau temps pour
qu’il en ressente enfin l’importance vaine on l’appelle
les voix s’impatientent il fait soudain plus frais
Méditation
François Rannou, Le Masque d’Anubis,
Des Sources et des Livres, 2023, p. 43.
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18/06/2024
François Rannou, Le Masque d'Anubis
Ses petits pieds essaient de ne pas peser sur le
plancher du dortoir la fenêtre est de l’autre côté
du couloir dans la nuit elle s’est levée pour voir dans
le parc l’herbe recouverte de givre éclairée par
la lune blanche ronde comme un sou intensément
c’est presque le Saint-Esprit qui tomberait sur le
monde croit-elle rêveuse concentrée sa chemise
longue en tulle blanc simple se mêle à ce qui brille
sans nom sur ses lèvres elle reste ainsi longtemps
puis elle regagne son lit précautioneusement avec
cette joie qu’elle voudrait partager avec les
autres filles endormies dans leur sommeil ou
plutôt une sorte de confiance pas de naïveté juste
l’humble pureté facétieuse parfois d’une fillette
traversa
nt désormais qu’elle est à l’autre bout du
temps la nuit nue claire d’un funèbre jardin sans limites
La Fillette du pensionnat de Kerbertrand
François Rannou, Le Masque d’Anubis,
Des Sources et des livres, 2023, p. 33-34.
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17/06/2024
François Rannou, La Masque d'Anubis
Les lents chevaux de
l’orage font vibrer
la terre sèche leur dense échappée vers le
fond du champ remonte
jusqu’à mes cuisses
roues du vélo
que j’ai tout à l’heure
jeté sur le talus
tournent dans l’air lourd
que la pluie tombe n’est plus une espérance
vaine me dit-elle
tandis que coule de
ses lèvres vers son
cou ce très fin trait
rouge que brouillent mes questions
François Rannou, Le Masque d’Anubis,
Des Sources et des Livres, 2023, p. 17-18
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25/10/2016
François Rannou, là-contre
l’exactitude ne se plante qu’à la frontière
est-ce une terre promise : la précision peut-elle nous enseigner la vérité ? Quelle vérité ?
ne vaut pas plus qu’une mouche (bombine la poésie sur la vitre liste de nos mots-mots-mots) c’est sa valeur ajoutée : le charme du chant se dissout promet de nous montrer l’énigme à nu sur nos étals
terre d’ailleurs dont la géographie n’a trace (cartes fluctuantes) que lorsque la paume qu’on ouvre montre le revers des paroles intraduisibles
(précision de couleurs (vert, jaune)que distingue quelle légende
François Rannou, là-contre, le cormier, 2008, np.
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30/12/2014
François Rannou, Le livre s'est ouvert
À l'insu
ne pas s’arrêter. course, traversée, il n’y aura
aucune description assise. tableaux impossibles car
pour prendre la mesure du flux il n'est pas de mesure
et celui qui forme les lettres n'est pas plus grand qu'alors
les passants sur les digues. qu'il soit, celui-là,
chant aux longs vers rapides, précis, comme si rien ne devait
rester en deçà de la parole que sa prose ramène au plus
nu. les lignes rythmiques plus réelles que leur obscurité
& ses lettres affirment le départ toujours de sa
propre vie : le poème refuse l'immobile version du sujet arrêté.
s'inclure alors dans le cours insaisissable vidant de
l'intérieur nos mots même nos vies, comme d'un bord
à l'autre sans bord, temps traversé de temps. un nageur,
tête hors du courant, par ses gestes, brise,
restaure la surface, l'air plus loin redéployé. le point d'horizon
recule en un point d'orgue qui laisse sans voix.
François Rannou, Le livre s'est ouvert, La Nerthe / La Termitière, 2014
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18/02/2014
François Rannou, Rapt
D'amour si longtemps tu
se resserre
aux quatre coins
enfoncée dans
l'os
d'amour si longtemps tu ne sais où la lumière te mord
(il y a là une femme qui aimait
son rire sa façon de disparaître
du lit après l'amour pour écrire)
[...]
*
14 stelles
ailleurs
sous les phrases la
ligne de
sable chardons dans
l'herbe
clairsemée raide courte
le chant de marie
qu'on encule
sous la lune blanche
Bretagne intérieure
moteur lancinant des
des moissons la
nuit on n'
entend
plus la route
il reste
les
« mottes tuées »
François Rannou, Rapt, La Termitière / La Nerthe,
2013, p. 29, 75-76.
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21/11/2013
François Rannou, Rapt
confluence des rives
(mon atelier avec, dans la lumière, Max Jacob sur le pont de fer)
prendre cette main
qui appelle
deux rivières se rejoignent le nom ne résout rien se mêle aux ponts de fer
les mots toujours sont
cette main
étrangère
découverte sienne
hors de soi
ou :
tessitures placées
projettent
un autre visage sans
reconnaissance ni
« je suis dans cette maison d'angle » sans aucune
ressemblance je
ne sais pas
d'où
vient la nuit l'accentuation se fait
sur un temps faible pour que soir ravivée
la blessure
plutôt que
le
commentaire c'est la confluence d'un rythme
[...]
François Rannou, Rapt, La Termitière / La Nerthe, 2013, p. 55-57.
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