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11/03/2024

Georges Perros, Œuvres

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                                      X 

Que les hommes se suicident, c’est assez logique. On comprend. Qu’ils deviennent fous, c’est beaucoup plus troublant. Que la folie puisse constituer l’issue d’une pensée trop vécue — court-circuitée — cela met en cause l’authenticité de tout homme pensant qui ne devient pas fou. Penser est fou. S’installer dans cette région minée, la rationaliser, comme on dit, et dès lors travailler… hum !

Le travail ne vaut que dans la mesure où il retient les cavales de la folie. « Si je ne travaille pas, je deviens fou », se dit l’homme. Or combien sont devenus fous malgré leur travail, ce dernier au cœur même de leur existence.

Il y a donc une folie organisée. Qui bouche les trous. Répare en vitesse les lézardes. Puis la mort naturelle arrange tout.

Je n’aime pas les déclarations d’avant-mort. En général, c’est : « tant mieux, y en a marre ». Formule généralement soufflée par ceux qui ont fait preuve d’un optimisme débordant. Pour faire croire quoi ? à qui ?

 

Georges Perros, Œuvres, Quarto/Gallimard, 2020, p. 960.

10/03/2024

Georges Perros, Une vie ordinaire

 

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Les femmes vieillissent trop vite

à force d’hommes sur leur ventre

mais elles valent mieux que nous

qui passons entre leurs genoux

comme on entre dans un tunnel

seulement fiers de bien saillir

afin de satisfaire filles

à prendre  et bientôt à laisser

je me dégoûte d’être un homme.

 

Georges Perros, Une vie ordinaire, dans

Œuvres, Quarto/Gallimard, 2020, p. 698.

09/03/2024

Georges Perros, Une vie ordinaire

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Je fus longtemps impressionné

par les gens ayant l’air de croire

à leur réalité D’où vient

qu’on puisse faire de ce rien

qu’est notre présence sur terre

un monument ? Ce ne serait

qu’à moitié absurde si tête

en avant l’autre n’y jetait

ce qu’on nomme encor son complexe

Les hommes mutuellement

se font si peur les uns les autres

Ils ne l’avouent qu’à peu près sûrs

de mourir sur l’heure Après quoi

parler de masques de pudeur

de caractère de froideur

est à tout prendre plus malin

que de choisir banalité

la revêche et pauvre parure

 

Georges Perros, Une vie ordinaire, dans

Œuvres, Quarto/Gallimard, 2020, p. 727.

07/03/2024

Georges Perros, Œuvres

                      georges perros, œuvres, mondanité, Pascal, goût

On rencontre parfois des hommes de la vie brillante, mondaine, et qui, vous prenant dans un coin, à la fin d’un repas, vous disent profondément : « Mon auteur favori, c’est Pascal ». Ah ! et de vous questionner sur le lieu Pascal en eux. Pascal, c’est leur luxe. D’autre encore parlent d’Artaud, de Rimbaud. Leur vie n’en est nullement influencée. Ce sont des goûts qu’ils ont plus amusants à faire connaître que celui qu’on éprouve pour la saucisse de Francfort. » Mais Pascal, jeune homme, quel grand homme ! ».

 

Georges Perros, Œuvres, Quarto/Gallimard, 2017, p. 524.

06/03/2024

Georges Perros, Œuvres

 

Georges perros, Œuvres, changement, influence

La vie active, le frottement avec les autres, etc., nous feraient croire qu’on peut changer, c’est-à-dire qu’un mot d’autrui, une opinion sur notre compte, etc., sont capables de nous influencer autrement que dans cette mesure affectueuse ou maligne. Bref, qu’on peut perdre — ou gagner — sa vie, en faisant ceci plutôt que cela. C’est absurde.

 

Georges Perros, Œuvres, Quarto/Gallimard, 2017, p. 522.

 

 

26/06/2021

Georges Perros, Une vie ordinaire

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Il faut beaucoup d’indifférence

ou d’amour c’est selon les goûts

pour résister à ce que l’on trouve

aimable un jour un autre non

et que revient comme rengaine

ce même amour mêlé de haine

Mais l’amour a  le dernier mot

pourvu qu’on fasse acte d’absence

quoique présent Ainsi les choses

arbres ciel mer pavés des rues

se foutent de nous comme peu

d’êtres sont capables de faire

et si vous vous mettez dessus

le nez en état touristique

elles font le paon

                            J’aimerais

vivre ici dit la jouvencelle

Quand la retraite aura sonné

aux flambeaux de nos deux pantoufles

lui répond son urbain mari

qui a d’autres chats à fouetter

que ceux qu’on rencontre la nuit

faisant l’amour dans la nature

 

Georges Perros, Une vie ordinaire, dans

Œuvres, édition Thierry Gillybœuf,

Quarto/Gallimard, 2017, p. 758.

25/06/2021

Georges Perros, Huit poèmes, dans Œuvres

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      Huit poèmes, III

 

Si mon discours vous paraît triste

Ou dérisoire ou rien du tout

— On dit que je suis pessimiste

Mais non, cherchez un autre clou —

 

Descendez un peu sur la grève

La mouette y jette son cri

Puis reprend l’envol de son rêve

Immobile. Je suis ainsi.

 

On a beau me faire morsure

Profonde, terrible à subir

Je vais chercher de la sciure

 

Boucher de mon propre soupir,

La sème, afin qu’à nouveau luise

L’aube prochaine, et sa surprise.

 

Georges Perros, Œuvres, édition Thierry

Gillybœuf, Quarto/Gallimard, 2017, p . 1082.

30/12/2020

Georges Perros, Poèmes bleus

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    Entre nous

Alors quoi de neuf cher ami ?

Ça va ça va ça va merci.

Et le prochain livre il s’annonce

Bien ? Non ? — Maizoui, maizoui, maizoui.

 

J’ai relu par temps clair, le tome

Premier de l’œuvre de cet homme,

Ah son nom dites-moi son nom

Ma mémoire est comme un poisson

 

Elle saute vole et replonge

Allez-y voir. Mais quand j’y songe

Vous écrivez. C’était fort bien

Votre article, oh pas moins que rien.

 

Vous donnez là votre mesure

On s’entend mieux quand on rassure

L’amour-propre de son prochain

À bientôt cher ami machin

 

Mais les noms vraiment je m’y perds

Bast rien ne sert à rien. J’espère

Que nous reverrons bientôt

Botzaris 22-cigalo...

 

La solitude est éphémère

Comme le coq de ce clocher

Elle s’en va s’en vient. Ma mère

Aurait dû me laisser plié

 

Dans son ventre. J’aurais poussé

Jusqu’à ne plus me reconnaître

Elle non plus. C’en est assez

Pour aujourd’hui. À d’main peut-être.

 

Gorges Perros, Poèmes bleus, Le Chemin /

Gallimard, 1962, p. 100-101.

16/01/2020

Georges Perros, Une vie ordinaire

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J’ai besoin d’amour mais m’en passe

et quand on monte l’escalier

souvent je ferme à double tout

pour ne pas avoir à souffrir

de voir femme ou homme apparaître

pour me faire souffrir encore

L’amitié j’en connais le baume

et la douleur bien davantage

Allez plus on avance en âge

moins on a de temps à donner

à ceux qui ont besoin de nous

que luxueusement. C’est tout

ce que ce soir j’ai à chanter.

 

Georges Perros, Une vie ordinaire (1967),

dans Œuvres, édition Thierry Gillybœuf,

Quarto/Gallimard, 2017, p. 749-750.

23/09/2019

Georges Perros, Papiers collés

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L’homme s’appartient quand il ne se compare plus à aucun homme.

La discipline, c’est d’aimer ce qu’on aime.

Écrire c’est renoncer au monde en implorant le monde de ne pas renoncer à nous.

L’amythié.

Le drame de la vie c’est qu’il peut ne rien s’y passer.

Georges Perros, Papiers collés, Gallimard, 1960, p. 63, 65, 67, 100, 104.

07/08/2019

Georges Perros, Une vie ordinaire, roman poème

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Mais ce sont nos amours qui comptent

plus que nos haines Je rencontre

tous les jours qui vivraient très bien

sans la musique de Mozart

et de tant d’autres de moindre art

et je leur parle cependant Ils

ne se mettent en colère

que pour la politique aidés

par les clients d’oisiveté

aux aguets des propos d’hier

pour  relever leur aujourd’hui

Ils sont gens qui votent à tour

d’un bras quelque peu fatigué

On aime peu ce que j’adore

ou l’aime-t-on qu’on me fait  tort

en m’en expliquant la genèse

 

Georges Perros, Une vie ordinaire, dans

Œuvres, édition Thierry Gillybœuf,

Quarto / Gallimard, 2017, p. 753.