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25/07/2018

Jean Genet, L'enfant criminel

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L’enfant criminel

 

  Que l’on veuille bien comprendre, et l’excuser, mon émotion, quand je dois exposer une aventure qui fut aussi la mienne. Au mystère que vous êtes il me faut opposer, et le dévoiler, le mystère des bagnes d’enfants. Épars dans la campagne française, souvent dans la plus élégante, il est quelques lieux qui n’ont pas fini de me fasciner. Ce sont les maisons de correction dont le titre officiel et trop poli est maintenant : « Patronage de relèvement moral, Centre de rééducation, Maison de redressement de l’enfance délinquante, etc. » Le changement de titre est déjà un signe. L’expression « Maison de correction » et quelquefois « Pénitencier », devenue une sorte de nom propre, ou, plus exactement encore désignant un endroit idéal et cruel situé très profondément dans le cœur de l’enfant avait une violence que les éducateurs ont essayé d’affaiblir. Toutefois, je l’espère, secrètement les enfants, malgré les termes révélateurs d’une hygiène assez niaise, reconnaissent l’appel du Pénitencier ou du Bagne. Sauf qu’ils les situent maintenant plus dans une région morale qu’en un point précis de l’espace. Il était sot de s’attaquer au nom en croyant que changerait l’idée de la chose nommée (…).

 

Jean Genet, L’enfant criminel, avec Le condamné à mortet Le funambule, L’Arbalète, 1966, p. 111-112.

14/02/2014

Jean Genet, Le condamné à mort, l'enfant criminel, le funambule

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                         La galère

 

Un forçat délivré rude et féroce lance

Un chiourme dans le pré mais d'une fleur de lance

Le marlou Croix du Sud l'assassin Pôle Nord

Aux oreilles d'un autre ôtent ses boucles d'or.

Les plus beaux sont fleuris d'étranges maladies.

Leur croupe de guitare éclate en mélodies.

L'écume de la mer nous mouille de crachats.

Sommes-nous remontés des gorges d'un crachat ?

 

On parle de me battre et j'écoute vos coups.

Qui me roule Harcamone et dans vos plis me coud ?

 

Harcamone aux bras verts hauts reine qui vole

Sur ton odeur nocturne et les bois éveillés

Par l'horreur de son nom ce bagnard endeuillé

Sur ma galère chante et son chant me désole.

 

Les rameaux alourdis par la chaîne et la honte

Les marles les forbans ces taureaux de la mer

Ouvragé par mille ans ton geste les raconte

Et le silence avec la nuit de ton œil clair.

 

[...]

 

Jean Genet, Le condamné à mort, l'enfant criminel, le funambule, L'Arbalète, 1958 [1945], p. 51-52.