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27/12/2023

Paul Éluard, Pour vivre ici, onze haïkaïs

   

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    Palissades peintes

Les arbres verts sont tout roses

         Voilà ma saison.

 

L’automobile est vraiment lancée

         Quatre têtes de martyrs

        Roulent sous les roues.

 

Ah ! mille flammes, un feu, la lumière,

            Une ombre !

         Le soleil me suit.

 

Une plume donne au chapeau

         Un air de légèreté

         La cheminée fume.

   

Paul Éluard, Pour vivre ici, onze haïkaïs,

dans Œuvres complètesI, Pléiade/Gallimard,

1968, p. 51)52.

 

26/12/2023

Paul Éluard, Pour vivre ici, onze haïkaïs

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         Le vent

         Hésitant

Roule une cigarette d’air

 

Le cœur à ce qu’elle chante

Elle fait fondre la neige

La nourrice des oiseaux

 

         La muette parle

 

C’est l’imperfection de l’att

         Ce langage obscur

 

         Femme sans chanteur

Vêtements noirs, maisons grises

L’amour sort le soir

 

Paul Éluard, Pour vivre ici, onze haïkaïs,

Dans Œuvres complètes, I, Pléiade/Gallimard,

1968, p. 51-52.

13/03/2020

André Breton, Paul Éluard , Correspondance 1918-1939 : recension

           André Breton, Paul Éluard, Correspondance 1919-1938,

Quelques volumes de la correspondance d’Éluard et de Breton ont déjà paru (1) ; ce nouvel ensemble a été préparé par Étienne-Alain Hubert, qui a collaboré à l’édition des œuvres d’André Breton par Marguerite Bonnet dans la Pléiade. Après une présentation détaillée des lettres, il retrace dans sa préface l’évolution des deux poètes après leur rupture. Bien que des lettres aient été perdues, ces échanges épistolaires constituent une chronique passionnante, même si partielle et partiale, d’une période littéraire essentielle, celle de la formation et du développement du surréalisme, avec quelques-unes des querelles qui l’ont agité. On lit aussi les débuts et l’épanouissement d’une amitié, la richesse des échanges affectifs et intellectuels entre les deux poètes — ils écrivirent d’ailleurs ensemble L’immaculée conception (1930) — et comment des divergences politiques quant aux moyens de vivre un idéal ont provoqué leur éloignement. Comme pour les volumes déjà parus les notes, indispensables au lecteur d’aujourd’hui, restituent le contexte des lettres et précisent la position et le rôle de personnes proches ou non de Breton et Éluard — l’index compte plus de 400 noms — écrivains, peintres, marchands, directeurs de revues, personnel politique, etc. Ajoutons que des fac-similés de lettres et cartes postales, et quelques photos, illstrent le volume.

 La rencontre est d’abord liée à la littérature ; Breton écrit (4 mars 1919) à Éluard après avoir lu Le Devoir et l’inquiétude, court ensemble de poèmes publiés en 1917, et l’invite à collaborer à la revue Littérature, « Jean Paulhan me dit que sans doute vous écririez dans Littérature ». Leur amitié se construit notamment par l’envoi de livres et Breton exprime rapidement son affection, en septembre 1919, « Peu de choses me tiennent à cœur, cependant votre amitié et quelques autres » et en décembre’ 1920, « Je m’ennuie bien de vous » — le tutoiement n’intervient qu’en août 1923. Cette relation affective est dite tout au long des années par l’un et l’autre, aussi bien au début des lettres que dans leur conclusion (A. B. « A toi comme à personne », P. E. « A toi très affectueusement »). Entente quant à ce que devrait être la poésie — Breton écrit un article laudatif à propos d’Éluard) —, engagement commun pour changer le monde, attitude générale partagée (plutôt prédatrice) vis-à-vis des femmes, toute une manière de vivre a longtemps rapproché les deux hommes.

Les faits politiques sont rarement évoqués directement dans la correspondance, cependant la guerre du Maroc (1925-1926) y est présente, pour évoquer les manifestations violentes de juillet 1925 auxquelles des surréalistes participent ; Éluard, dans ce cadre, pense que les publications du groupe ont une importance révolutionnaire et feront entendre une voix différente, distincte notamment de celle des communistes. Il accorde d’ailleurs un rôle moteur à Breton ; quand celui-ci se désole de n’avoir rien écrit pour un numéro de la revue des surréalistes, en août 1925, Éluard le morigène avec humour (« Voyons, mon petit, un peu de courage ») et conclut sérieusement, « Ce numéro ne peut pas paraître sans toi ». Cette reconnaissance du rôle prépondérant de Breton est largement explicitée, en septembre 1925 :

 Je suis plein de force, plein d’espoir et tellement heureux d’avoir lu Lénine de Trotsky et de    la façon dont tu en parles. Voilà enfin un enseignement parce qu’entièrement révolutionnaire. Ce livre est un des plus grands que j’aie jamais lus. (...) Je crois que notre action peut tout gagner (en décision, en sûreté, en intelligence, en efficacité) de la lecture de ce livre.

 

Cette confiance dans les choix de Breton est répétée quelques années plus tard, en 1928, « Je n’ai d’espoir qu’en toi pour que notre position ne cesse pas d’être révolutionnaire ». Elle se maintient entière quand le parti communiste, en 1931, rejette les surréalistes, quand Aragon, en 1932, rompt avec le surréalisme : Éluard le qualifie notamment de « canaille », parle d’une « malhonnêteté crapuleuse » qui lui donne « envie de vomir ».

Au cours des années 30, le parti communiste parvient à empêcher les surréalistes d’être audibles politiquement. Pourtant, Éluard, en 1936, ne coupe pas les ponts avec les défenseurs de l’URSS. ; à Breton qui lui rappelle ce que sont les procès de Moscou, il redit sa certitude d’une « entente absolue sur le fond » et, à nouveau en avril 1938, affirme encore sa fidélité : « ce que nous aimons et défendons va trouver, sous ton influence, une nouvelle terre d’élection » en la revue Minotaure. Lors de son séjour au Mexique, en 1938, Breton est violemment diffamé par Commune, un des organes des communistes, et Éluard donne cependant un poème à la revue, ce qui laisse entendre pour Breton qu’il ne condamne pas les attaques, alors qu’il est impossible pour lui de ne pas dénoncer la réalité de l’URSS. Suit une rupture, définitive. Que reste-t-il ensuite entre eux ? Éluard s’éloigne des surréalistes mais écrit à celui qui fut son ami, « Je n’oublierai jamais ce que tu as été et ce que tu restes pour moi » ; Breton, en juin 1945, à propos d’un poème d’Éluard qui vient d’être publié, écrit « C’était toujours Toi (ou moi) ».

La correspondance donne de très nombreuses preuves d’une fraternité qui s’est renforcée par le travail commun dans le surréalisme. Elle explique les confidences de l’un et l’autre sur leur vie quotidienne. Éluard écrit souvent à propos de la reprise de sa tuberculose et de son état de faiblesse, qui entraînent la solitude, un sentiment d’inutilité (« Ma santé, mon cher André, est un désastre ») ; il se désole aussi de ne pas pouvoir aider financièrement Breton comme il le voudrait (« un de mes plus perpétuels soucis, un des plus importants est de ne pas mieux pouvoir t’aider, te soutenir, te servir ». Breton, lui, raconte volontiers ses difficultés sentimentales et ses bonheurs, il fait part aussi souvent de sa pauvreté et de sa lassitude, parfois de manière émouvante ; ainsi en mars 1930 :

Il est tard et je me trouve seul. Ce soir et dans la vie. Où tout cela va-t-il, autant ne pas y songer. Mais à coup sûr à sa fin, qui est la mienne. Non qu’il me tarde de mourir, je me découvre de temps à autre (...) le rand appétit de choses qui sont plutôt dans la vie ou plutôt non : il n’y en a plus qu’une, je n’aime plus la poésie, je n’aime plus la Révolution, je n’aime plus que l’amour, je n’ai peut-être jamais rien aimé que l’amour. Et sans doute n’ai-je jamais   aimé un être qu’en fonction de l’amour dont je le croyais capable. Par exemple toi.

Une fort belle correspondance, à tous égards, pour découvrir autrement Breton et Éluard

 

  1. Pour Éluard sa correspondance avec Paulhan, Bousquet et sa première épouse, Gala, est disponible ; Pour Breton, après leur publication par un éditeur (aujourd’hui, lettres à Péret, Bousquet, Tzara et Picabia, sa fille Aube, sa première épouse Simone Kahn), les lettres et cartes postales qu’il a envoyées et reçues, sont mises en ligne (voir : www.andrebreton.fr)

André Breton, Paul Éluard, Correspondance 1919-1938, édition Étienne-Alain Hubert, Gallimard, 2019, 462 p., 32 €. Cette recension a été publiée dans Sitaudis le 11 février 2020.

 

 

06/02/2020

André Breton, Paul Éluard, Correspondance 1919-1938

 

[à Paul Éluard] 7 mars 1930, 11 h soir

 

Mon cher petit Paul,

[...] Il est tard et je me trouve seul. Ce soir et dans la vie. Où tout cela va-t-il, autant ne pas y songer. Mais à coup sûr à sa fin, qui est la mienne. Non qu’il me tarde de mourir, je me découvre de temps à autre — et ceci dans des temps très courts — le grand appétit de choses qui sont plutôt dans la vie ou plutôt non : il n’y en a plus qu’une, je n’aime plus la poésie, je ‘aime plus la Révolution, je n’aime plus que l’amour. Je n’ai peut-être jamais rien aimé que l’amour. Et sans n’ai-je jamais aimé un être qu’en fonction de l’amour dont je le croyais capable. 

 

André Breton, Paul Éluard, Correspondance 1919-1938, édition É-A. Hubert, Gallimard, 2019, p. 205.

01/02/2020

Paul Éluard, La Rose publique

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Tranquilles objets familiers

Nous descendons dans une mine héroïque

Nous en tirerons les verrous

 

Nous avons fermé les volets

Les arbres ne s’élèveront plus

On ne fouillera plus la terre

On ne nous déterrera pas

 

Il n’y a plus de profondeurs

Ni de surfaces

 

Paul Éluard, La Rose publique,

Gallimard, 1934, p. 51.

12/01/2020

André Breton, Paul Éluard, Correspondance 1919-1938

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Ucel, le dimanche 11 septembre 1932

(....)

Mon cher petit Paul,

(...) L’Ardèche est un département formidable, vraiment découpé sur la carte. Je devais passer par là un jour ou l’autre. Je ne sais presque plus où j’en suis, je veux de moins en moins le savoir. Autour de ce papier une petite pièce mi-tonnelle mi-chambre. Les murs de la chambre peints à la chaux mais piquetés de petits points bleus, la frise saumon piquetée de points blancs un peu plus gros, l’aile à claire-voie, garniture de fer gardée par des hortensias et des balsamines de la chute à vingt mètres au-dessous dans le fleuve Ardèche bourdonnant, sale, ensoleillé. C’est le café Nouzareth, sur la route d’Aubenas à Vals, je crois. Personne en dehors des propriétaires, qui me parlent, racontent le pays. Des gens rudes qui ont vu Paris une fois.

 

Abdré Breton, Paul Éluard, Correspondance 1919-1838, Gallimard, 2019, p. 253-254.

29/09/2019

Paul Éluard, Médieuses

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Au premier mot limpide

 

Au premier mot limpide

 Au premier rire de ta chair

La route épaisse disparaît

Tout recommence

 

La fleur timide la fleur sans air du ciel nocturne

Des mains voilées de maladresse

Des mains d’enfant

 

Des yeux levés vers ton visage et c’est le jour sur terre

La première jeunesse close

Le seul plaisir

 

Foyer de terre foyer d’odeurs et de rosée

Sans âge sans saisons sans liens

 

L’oubli sans ombre.

 

Paul Éluard, Médieuses, dans Œuvres complètes, I, Pléiade / Gallimard, 1968, p. 911.

28/07/2019

Paul Éluard, Médieuses

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Au premier mot limpide

 

Au premier mot limpide au premier rire de ta chair

La route épaisse disparaît

Tout recommence

 

La fleur timide la fleur dans air du ciel nocturne

Des mains voilées de maladresse

Des mains d’enfant

 

Des yeux levés vers ton visage et c’est le jour sur terre

La première jeunesse close

Le seul plaisir

 

 

Foyer de terre foyer d’odeurs et de rosée

Sans âge sans liaisons sans liens

 

L’oubli sans ombre

 

Paul Éluard, Médieuses, dans Œuvres complètes, I,

Pléiade / Gallimard, 1968, p. 911.

20/06/2019

Paul Éluard, Les mains libres

 

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Le tournant

 

J’espère `

Ce qui m’est interdit

 

Paul Éluard, Les mains libres,

dessins de Man Ray, Gallimard

1947, p. 61.

29/04/2019

Paul Éluard, Cours naturel,

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                     Novembre 1936

 

Regardez travailler les bâtisseurs de ruines

Ils sont riches patients ordonnés noirs et bêtes

Mais ils font de leur mieux pour être seuls sur terre

Ils sont au bord de l’homme et le comblent d’ordures

Ils plient au ras du sol des palais sans cervelle.

                               *

(…)

                               *

Parlez du ciel le ciel se vide

L’automne nous importe peu

Nos maîtres ont tapé du pied

Nous avons oublié l’automne

Et nous oublierons nos maîtres

 

Paul Éluard, Cours naturel, dans Œuvres complètes, I,

Pléiade / Gallimard, 1968, p. 801.

21/07/2018

Paul Éluard, Lingères légères

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Le baiser

 

Toute tiède encore du linge annulé

Tu fermes les yeux et tu bouges

Comme bouge un chant qui naît

Vaguement mais de partout

 

Odorante et savoureuse

Tu dépasses sans te perdre

Les frontières de ton corps

 

Tu as enjambé le temps

Te voici femme nouvelle

Révélée à l’infini

 

Paul Éluard, Lingères légères, Seghers,

1945, np.

14/04/2018

Paul Éluard, Le front couvert

                                                    Éluard.jpeg      

Le battement de l'horloge comme une arme brisée

La cheminée émue où se pâme la cime

D'un arbre dernier éclairé

 

L'habituel vase clos des désastres

Des mauvais rêves

Je fais corps avec eux

 

Des ruines de l'horloge

Sort un animal abrupt désespoir du cavalier

À l'aube doublera l'écrevisse clouée

Sur la porte de ce refuge

 

Un jour de plus j'étais sauvé

On ne me brisait pas les doigts

Ni le rouge ni le jaune ni le blanc ni le nègre

On me laissait même la femme

Pour distinguer entre les hommes

 

On m'abandonnait au-dehors

Sur un navire de délices

Vers des pays qui sont les miens

Parce que je ne les connais pas

 

Un jour de plus je respirais naïvement

Une mer et des cieux volatils

J'éclipsais de ma silhouette

Le soleil qui m'aurait suivi

 

Ici j'ai ma part de ténèbres

Chambre secrète sans serrure sans espoir

Je remonte le temps jusqu'aux pires absences

Combien de nuits soudain

Sans confiance sans un beau jour sans horizon

Quelle gerbe rognée

 

Un grand froid de corail

Ombre du cœur

Ternir mes yeux qui s'entr'ouvrent

Sans donner prise au matin fraternel

 

Je ne veux plus dormir seul

Je ne veux plus m'éveiller

Perclus de sommeil et de rêves

Sans reconnaître la lumière

Et la vie au premier instant.

 

Paul Éluard, Le front couvert (1936), dans Œuvres complètes, tome I, édition Lucien Scheler, Pléiade / Gallimard, 1968, p. 467-468.

 

 

18/04/2017

Paul Éluard, Cours naturel

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      Passionnément

 

                    I

 

J'ai vraiment voulu tout changer

 

Sur l'herbe du ciel dans la rue

Parmi les linges des maisons

Partout

Elle jouait comme on se noie

Puis elle  restait immobile

Pour que je referme sur elle

Les lourdes portes de l'impossible.

 

                    II

 

Le rire après jouer ayant mis à la voile

La table fut un papillon qui s'échappa.

 

                    III                   

 

Elle déchira sa robe

Elle embrassa

Une toilette neuve et nue.

 

                     IV

 

Dans les caves de l'automne

Elle fut tour à tour

La fleur neigeuse de la foudre

Et le charbon.

 

                    V

 

Dans la ville la maison

Et dans la maison de terre

Et sur la terre une femme

Enfant miroir œil eau et feu.

 

                    VI

 

Sa jeunesse lui donnait

Le pouvoir de vivre seule

Je n'ai pas su limiter

Mon cœur à sa seule poitrine.

 

                    VII

 

Rien que ce doux petit visage

Rien que ce doux petit oiseau

Sur la jetée lointaine où les enfants faiblissent

 

À la sortie de l'hiver

Quand les nuages commencent à brûler

Comme toujours

Quand l'air frais se colore

 

Rien que cette jeunesse qui fuit devant la vie.

 

Paul Éluard, Cours naturel [1938], dans Œuvres complètes I, préface et chronologie de Lucien Scheler, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1968, p. 803-804.

 

15/01/2015

André Breton et Paul Éluard, Notes sur la poésie

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Les Notes sur la poésie, écrites par Paul Éluard et André Breton, ont été publiées dans la Révolution surréaliste en 1929. Elles sont, à la manière de Lautréamont retournant La Rochefoucauld ou Vauvenargues, un démarquage d’une partie de Littérature de Paul Valéry

 

 

Les livres ont les mêmes amis que l’homme : le feu, l’humide, les bêtes, le temps, et leur propre contenu.

 

 

Dans le poète :

L’oreille rit,

La bouche jure ;

C’est l’intelligence, l’éveil qui tue ;

C’est le sommeil qui rêve et voit clair ;

C’est l’image et le phantasme qui ferment les yeux ;

C’est le manque et la lacune qui sont créés.

 

La poésie est le contraire de la littérature. Elle règne sur les idoles de toute espèce et les illusions réalistes ; elle entretient heureusement l’équivoque entre le langage de la « vérité » et le langage de la « création ».

Et ce rôle créateur, réel du langage (lui d’origine minérale) est rendu le plus évident possible par la non-nécessité totale a priori du sujet.

 

 

L’idée d’Inspiration est contenue dans celles-ci :

Ce qui coûte deux sous n’est pas ce qui a le plus de valeur.

Ce qui a le plus de valeur ne s’évalue pas en sous.

Et celle-ci : Se glorifier le plus de ce dont on est le moins responsable.

 

 

Quelle fierté d’écrire sans savoir ce que sont langage, verbe, comparaison, changement d’idées, de ton ; ni concevoir la structure de la durée de l’œuvre, ni les conditions de sa fin ; pas du tout le pourquoi, pas du tout le comment ! Verdir, bleuir, blanchir d’être le perroquet…

 

André Breton et Paul Éluard, Notes sur la poésie, avec un dessin de Salvador Dali, G. L. M., 1936, non paginé (repris dans Paul Éluard, Œuvres complètes, I, Bibliothèque de la Pléiade, 1968, p. 473, 475, 476 et 478).

 

 

 

10/11/2013

Paul Éluard, La rose publique

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               Passer le temps

 

Un enfant grimpe à l'homme

Qui dit jeune dit seul

Comme une page blanche

Puisque tout a la forme de la nouveauté

Un enfant retentit du cri commun aux solitaires

Engagés douloureusement

Sur de longues artères d'ombre

 

Il prend soin de crier

Mais son œil est pareil à cette bouche de froid

                       [qu'on n'entend pas exploser

Pareil à cette bombe de larmes qu'on ne voit

                        [pas couler

 

Pluie espérée pluie en puissance

Grande pluie meurtrière

Des blés cassants comme des cruches

Sur mes colères

 

J'ignore toujours mon destin

 

Fillette aux seins de soie

Ai-je vieilli

Midi minuit

je m'endors je m'éveille

En caressant tout doucement

Une bonne loutre vertueuse

Qui résiste à tous les poisons.

 

Paul Éluard, La rose publique, dans Œuvres I, édition

établie et annotée par Marcelle Dumas et Lucien

Scheler, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1968,

p. 434-435.