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04/12/2023

Jacques Roubaud, strophes reverdie

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I Poèmes, quelques

 

16

Sans masque

Cette comédie

Ce drame

Dans la salle

En coulisses

Et le rôle ?

 

II Les roses, toi

49

Qui ne veut plus savoir ce qui se passe

Arrête ta mémoire

Personne ne viendra

Conclure cette histoire

Ni du cœur ni du bras

Tu ne tireras gloire

 

Jacques Roubaud, strophes  reverdie,

l’usage, 2019, p. 14 et 45.

03/12/2023

Jacques Roubaud, La pluralité des mondes de Lewis

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                      Plénitude

 

tout ce qu’un monde pourrait être, n’importe quoi

est quelque part, en quelque façon.

plénitude des possibles, consistance.

n’importe quelle tête parlante, la mienne,

par exemple, contiguë à mon corps

et

pourquoi non

contre mon visage, le visage d’ange, le noir visage même,

mais toutes les places sont prises, tous les mondes

indisponibles

pour toi.

 

Jacques Roubaud, La pluralité des mondes de Lewis, Gallimard, 1991, p. 38.

17/05/2023

Jacques Roubaud, C et autre poésie

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Un moment interne troue l’onde d’urgence que raye d’ortie le néant d’attente sans trace

 

La mémoire, la mort, la main maudit, mélange, montre,

L’instant, l’infini, l’image, irréel, insu, incroyable

Où le terre, où la terre, où la terre, ternit, trafique, tord,

Où le sens, où le non, où la syntaxe siffle, sèche, s’émiette,

D’obole, d’orbite, d’ordre opaque, ozone, organique

Ruisseau, râteau, règle renonce !, racle, rumine !

Oublie, ossifie, oscille, ombre, ongle, onde

Du nuage, du néant, du nombre nié, non-dit, nourris

Que l’arbre, que l’âme, que l’art accorde, annihile, affirme

À la trace, au terreau, à la tombe, sa trace, sa tourmente, son triomphe.

 

Jacques Roubaud, C et autre poésie, NOUS, 2015, p. 270.

15/05/2023

Jacques Roubaud, C et autre poésie

 

                    État du monde

 

N’est pas joyeux l’état du monde, formidable

n’est pas, n’est pas, du tout, en tout, il va venir

le temps en temps, mais peu joyeux, rien réussir

en nul revoir, démontre ta construction, table.

 

Mais s’il se révélait, nous qu’en indéchiffrable

complicité avec le dispositif (etc), fuir

n’est pas non plus possible. Alors quoi ? au plaisir

de te mâcher, terre, avec tes cailloux en sables ?

 

Les oiseaux nivelés, les arbres compresseurs

entament la nature à l’horizon factice

recyclés de longs bois déportant nos couleurs

du rouge vers le brun et les verts s’évanouissent

 

Que nous reconnaissions comme clefs : autre temps

Où du contrôle il sembla qu’un jour il serait temps.

 

Jacques Roubaud, C et autre poésie, NOUS, 2015, p. 320.

14/05/2023

Jacques Roubaud, C et autre poésie

                          jacques-roubaud-1flow.jpg                     

Un moment interne troue l’onde d’urgence que raye d’ortie le néant d’attente sans trace

 

La mémoire, la mort, la main maudit, mélange, montre,

L’instant, l’infini, l’image, irréel, insu, incroyable

Où le terre, où la terre, où la terre, ternit, trafique, tord,

Où le sens, où le non, où la syntaxe siffle, sèche, s’émiette,

D’obole, d’orbite, d’ordre opaque, ozone, organique

Ruisseau, râteau, règle renonce !, racle, rumine !

Oublie, ossifie, oscille, ombre, ongle, onde

Du nuage, du néant, du nombre nié, non-dit, nourris

Que l’arbre, que l’âme, que l’art accorde, annihile, affirme

À la trace, au terreau, à la tombe, sa trace, sa tourmente, son triomphe.

 

Jacques Roubaud, C et autre poésie, NOUS, 2015, p. 270.

13/05/2023

Jacques Roubaud, C et autre poésie

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Nuit puis jour à Paris

 

val urbain cousu d’oisons

brun noir    noircir fut doux     plus

tard un air froid par l’afflux

sourd du matin aux maisons

tordit son azur prison

sous un pont pour chalands (glu

d’un tourbillon)     l’or inclus

dans l’ourcq parut sans raison

 

alors dut d’un blanc gris d’ail

couvrant carton soupirail

loup fuir puis au bois vacant

un chat donna coloris

qui sut avant tout passant

qu’un jour abordait Paris

 

Jacques Roubaud, C et autre poésie,

NOUS, 2015, p. 109.

12/05/2023

Jacques Roubaud, C et autre poésie

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                 Présent

 

On n’écrit plus au passé. Il paraîtrait

Le temps des dominateurs du monde devoir être

Le présent. L’imparfait est solipsiste

Nominatif. Qu’un langue dérive en autre

 

N’étonne pas. La langue du bel aujourd’hui

Est statistique spasmodique : téléphones

Portables dans vos mains déportables du bord

Inférieur des jours aux soirs du peu de constat

 

La terre que tu lus n’était pas confortable

Les mots dits l’’avenir flottaient dans un bouillon

De sang épais où baignait beau le bleu factice.

 

Cela ne veut pas dire qu’il faudrait abso-

Lument que cette morasse* te satisfasse

*dernière épreuve faite généralement

 

à la Bourse quand la mise en forme du jour

                     est terminée

 

Jacques Roubaud, C et autre poésie (1962-2012),

NOUS, 2015, p. 321.

17/11/2022

Jacques Roubaud, Autobiographie, chapitre dix

             

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                     La mémoire

 

ma mémoire se brouille souvent,

la neige incessante des sensations recouvre de son grand

silence blanc les pistes plus anciennes.

Avec quelle bêche creuserai-je ce manteau pour découvrir

sans les effacer les traces du renard de la jeunesse ?

Alors, je pisse dedans.

 

Jacques Roubaud, Autobiographie, chapitre dix, Gallimard, 1977,

p. 114.

 

16/11/2022

Jacques Roubaud, Octogone

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             À P. L. pour son 70e anniversaire

 

« J’ai moins de souvenirs que si j’avais deux ans »

« Ma mémoire n’est plus qu’un souvenir ». Je cite

souvent ces mots. Ce sont deux vers. C’est un peu vite

dire que ce sont vers. Aphorythmr au présent

 

continuel est leur statut. C’est au hasard

d’une recuisson de langage que la suite

de mallarméennes syllabes reste juste

comptable, tu n’as jamais montré tant d’égards

 

pour Alexandre que pour Bach (Johann Sebas-

tian). Le second est un décasyllabe ly-

rique, une invention de trouvères. Pali

 

est le feuillet crayonné d’ans où tu jetas

sa ligne de poids métrique. Sombres paroles.

Ô dure incomplétude des pensives époques.

 (var. : ô rude incomplétude des poussives systoles)

 

Jacques Roubaud, Octogone, Gallimard, 2014, p. 230.

15/11/2022

Jacques Roubaud, Quelque chose noir

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            Le sens du passé 

 

Le sens du passé naît

                          d’objets-déjà

 

Dans tous les moments évidents

                                    je t’ai cherchée

 

Aussi dans de ténus

                     interrègnes

 

Cherchée qui ?

                où

                es-tu ?

 

qui ?

 

qui, n’a plus de nom

 

ni quoi (sans nom, dans nulle langue)

 

Je reviendrais de quelques pas en arrière, je serais

                           dans un espace

                           différent, en un sens précaire.

 

Comme si le son traversant l’eau

                           tombait d’une quarte.

 

Jacques Roubaud, Quelque chose noir, Gallimard, 1986, p. 30.

05/10/2020

Jacques Roubaud, Les animaux de tout le monde

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Le lézard

 

Le lézard est sur son mur

comme sur une grande plaine

il regarde le mur d’azur

où le soleil rouge peine

 

C’est drôle, dit le lézard,

comme le soleil s’obstine

à se chauffer l’hémoglobine

moi je suis froid et j’en suis fier.

 

Lézards gris et lézards verts

n’ayons donc pas d’inquiétude

mais  pour ne pas mourir de faim

 

Guettons la mouche ingénue

de notre œil oblique et malin l

lézards gris et lézards verts !

 

Jacques Roubaud, Les animaux de tout

le monde, Seghers, 1990, p. 13.

04/10/2020

Jacques Roubaud, Les animaux de personne

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Le Coati Sociable

 

Dans la cordillère des Andes

Au fond des grandes forêts

Vont les Coatis en bandes

En grognant dans les fourrés

 

Ils grognent ils grognent ils grognent

Sans jamais se séparer

Ils grognent ils grognent ils grognent

Pleins de sociabilité.

 

On entend jusqu’en Islande

On entend jusqu’en Corée,

Zélande, Nouvelle-Zélande,

Hollande, Courlande, Irlande,

Ostende, Mende, Marmande,

Tende, Villesséquelande,

Samarkand, Chamarande,

Jutland, Betchouanaland,

Jusqu’au département des Landes,

Du fond des grandes forêts

De la cordillère des Andes

Les grands Coatis grogner.

 

Ils grognent ils grognent ils grognent

Sans jamais se séparer

Ils grognent ils grognent ils grognent

Pleins de sociabilité.

 

Jacques Roubaud, Les animaux de

personne, Seghers, 1991, p. 52.

03/10/2020

Jacques Roubaud, C

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1994

 

Il n’y a pas de ciel

pas d’yeux

pas de voix 

rien qu’une lampe

une lampe dont la lumière

s’écoule

et ne reviendra pas

même si elle semble

posée

en permanence

sur la photographie au mur

sur les livres

en l’absence de ciel

d’yeux

et de voix

 

Jacques Roubaud, C, NOUS,

2015, p. 308.

02/10/2020

Jacques Roubaud, Octogone

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                 Les objets

 

Les objets appartiennent à plusieurs espaces

À la géométrie différente

À la métrique différente

Plusieurs espaces qui se chevauchent

S’interpénètrent

Se recouvrent, se contredisent, se combattent

 

D’où cet air provisoire qu’a le monde

Comme s’excusant

 

Jacques Roubaud, Octogone, Gallimard, 2014, p. 283.

01/10/2020

Jacques Roubaud, La forme d'une ville change plus vite, hélas, que le cœur des humains

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Rue Jonas

 

La rue Jonas

« Personnage biblique »

Croisse la rue Samson

Au sein de laquelle un jardinet cultive

Des dahlias

(d’après Dahl, botaniste danois)

« Dahli-as, dahli-as

Que Dalila li-a »

(Max

Jacob)

Me dis-je

Passant par là

 

(Il y a une rue Max-Jacob près de la Poterne-de-Peupliers

Mais de la rue Dahl nulle

part)

 

Jacques Roubaud, La forme d’une ville change plus vite,

hélas, que le cœur des humains, Poésie/Gallimard,

1999, p. 74.