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10/06/2024

Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres

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Le passé vit de hasards. Tout incident tire un souvenir.

 

Mon hasard est plus moi que moi.

Une personne n’est que réponses à quantité d’incidents impersonnels.

 

Il importe que le passé ne soit pas seulement à moitié mort.

 

Toute discussion se réduit à donner l’adversaire la couleur d’un sot ou la figure d’une canaille.

 

Duplicité :

Que si tu veux paraître jouer un double jeu et tenir double rôle, joue le tien. Pour paraître inconstant, il suffit de demeurer ce que l’on est, — constant ou non.

 

Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres, dans Œuvres, II, Gallimard / Pléiade, 1960, p. 879, 880, 881, 883, 885.

09/06/2024

Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres

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Tous les jugements sur les hommes ou sur les œuvres qui sont louanges ou blâmes, sont des jugements de concierges : jugements de cerveaux qui sont à la porte des choses.

 

« Confier sa peine au papier »

Drôle d’idée. Origine de plus d’un livre, et de tous les plus mauvais.

 

Nous avons de quoi saisir ce qui n’existe pas et de quoi ne pas voir ce qui nous crève les yeux.

 

Quelle que doit la valeur, le pouvoir pénétrant d’une explication, c’est encore et toujours la chose qu’elle explique qui est la plus réelle, — et parmi sa réalité, précisément ce mystère qu’on a voulu dissiper.

 

Le naturel est ennuyeux.

 

Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres, dans Œuvres, II, Gallimard / Pléiade, 1960, p. 865, 866, 866, 871, 874.

08/06/2024

Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres

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Conte

Il y eut autrefois un homme qui devint sage.

Il apprit à ne plus faire de geste ni de pas qui ne fussent utiles.

Peu après, on l’enferma.

 

Chaque homme sait une quantité prodigieuses de choses  qu’il ignore, qu’il sait. Savoir tout ce que nous savons ? Cette simple recherche épuise la philosophie.

 

Ce qui est simple est toujours faux, ce qui ne l’est pas est inutilisable.

 

L’espoir fait vivre, mais comme sur une corde raide.

 

Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres, dans Œuvres, II, Gallimard / Pléiade, 1960, p. 851, 863, 864, 864.

05/06/2024

Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres

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                                                    Histoire

Dans l’histoire, les personnages qui n’ont pas eu la tête coupée, et les personnages qui n’ont pas fait couper de têtes disparaisssent sans laisser de traces.

Il faut être victime ou bourreau, ou sans aucune importance.

Si Richelieu n’eût pas usé de la hache, Robespierre de la guillotine, l’un serait moindre, l’autre effacé. Tout ceci est d’un mauvais exemple.

Le supplice du Christ fut l’origine d’une onde immense, et plus agissant sur les êtres que tous les miracles : sa mort plus sensible aux hommes que sa résurrection.

 

Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres, dans Œuvres, II, Gallimard / Pléiade, 1960, p. 837.

04/06/2024

Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres

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L’homme se cramponne à ce qu’il croit valoir.

 

Être soi-même !... mais soi-même en vaut-il la peine ?

 

On ne pense réellement à soi et que l’on est soi que quand on ne pense à rien.

 

« Mets les rieurs de ton côté » — et le bateau chavire. Il te verse avec eux dans le vulgaire.

 

Chacun de nous est le seul être au monde qui ne soit pas toujours une mécanique.

 

Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres, dans Œuvres, II, Gallimard / Pléiade 1960, p. 806, 811, 814, 827, 828.

03/06/2024

Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres

 

                                  paul valer, mauvaises pensées et autres, mystère, sottise,

Parfois la sottise, parfois la puissance de l’esprit, s’obstine contre le fait.                                 

Ce qu’on appelle mystère du monde, mystère de la vie, n’est en soi pas plus profond que l’impuissance des yeux à voir le dos de leur homme.

La nuque est un mystère pour l’œil.

Il est impossible de penser sérieusement — avec des mots comme Classicisme, Romantisme, Humanisme, Réalisme…

On ne s’enivre ni ne se désaltère avec des étiquettes de bouteilles.

La lecture des histoires et romans set à tuer le temps de deuxième ou troisième qualité.

Le temps de première qualité n’a pas besoin qu’on le tue. C’est lui qui tue tous les livres. Il en engendre quelques-uns.

 

Le besoin de nouveau est signe de fatigue ou de faiblesse de l’esprit, qui demande ce qui lui manque.

Car il n’est rien qui ne soit nouveau.

  

Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres, dans Œuvres, II, Gallimard / Pléiade, 1960, p. 791, 797, 801, 801, 803.

04/12/2021

Paul Valéry, Cahiers, II, Poésie

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Je ne puis séparer mon idée de la poésie de celle de formations achevées — qui se suffisent, dont le son et les effets psychiques se répondent, avec un certain « indéfiniment ».

Alors, quelque chose est détachée, comme un fruit ou un enfant de sa génération et du possible qui baigne l’esprit — et s’oppose à la mutabilité des pensées et à la liberté du langage fonction.

Ce qui s’est produit et affirmé ainsi n’est plus de quelqu’un mais vomme la manifestation de propriétés intrinsèques, impersonnelles, de la fonction composée. Langage — se dégageant rarement dans des conditions aussi rarement réunies que celles qui font le carbone diamant. (1942)

03/12/2021

Paul Valéry, Cahiers, II, Poésie

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Des vers du poème, les uns furent trouvés, les autres faits.

Les critiques disent des sottises qui parlent sur ce poème comme d’un tout, et qui ne considèrent pas la position de l’auteur : combiner, appareiller les vers de ces deux espèces.

Le travail du poète est de faire disparaître cette inégalité originelle ; d’ailleurs, tout travail intellectuel consiste à mettre d’accord pour un but, ce qu’on trouve, et des conditions données d’autre part.

 

Paul Valéry, Cahiers, II, Poésie, Pléiade/Gallimard, 1974, p. 1066.

07/02/2021

Catherine Pozzi, Paul Valéry, La flamme et la cendre, Correspondance

 

À Catherine Pozzi

Paris, vendredi 25 février 1921

 

Catherine Pozzi, Paul Valéry, Correspondance, aimer, lettre

(...) Tu comprends, mon petit nigaud, que je t’aime comme sœur et comme femme et comme Psyché et comme Éros, comme infiniment intime, et je ne puis rien ôter de ton adorable collier. Je ne peux pas briser le fil qui retient les perles. La rareté incomparable du joyau vient de cette réunion. Une perle considérée me jette à l’autre, et d’orients en orients je te parcours indéfiniment. C’est t’aimer chérie trop complète trop nécessaire trop fermée autour de L.

   Donnez-moi mon souci quotidien. N’est-ce pas mon petit et de quoi voulez-vous que je vive ? Je ne pense pas que tu comprennes ce besoin impossible qui tout à coup après une nuit et un demi-jour de peine tendre et sombre, se soulève et me brise contre moi-même car c’est moi aussi qui suis obstacle à moi vers toi, puisque si j’étais autre, peut-être il n’y aurait pas d’obstacle.

 

Catherine Pozzi, Paul Valéry, La flamme et la cendre, Correspondance, édition Lawrence Joseph, Gallimard, 2006, p. 133.

03/04/2020

Paul Valéry, Carnets, II

 

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                         Éros

 

La passion de l’amour est la plus absurde. C’est une fabrication littéraire et ridicule.

De quoi un antique auteur pouvait-il parler ? après la guerre et les champs _ il tombait dans le vin et l’amour.

Mais si l’on sépare les choses indépendantes — on trouve bien un sentiment singulier devant l’être vivant, devant l’autre — mais ce n’est pas l’amour — quoique cela puisse finir dans certaines expériences ­ de physique.

 

Paul Valéry, Carnets, II, Pléiade/Gallimard, 1974, p. 396.