11/04/2020
Jean de Sponde, Les Amours
XI
Tous mes propos jadis ne vous faisoient instance
Que de l’ardent amour dont j’estois embrazé :
Mais depuis que vostre œil sur moy s’est appaisé
Je ne vous puis parler rien que de ma constance.
L’Amour mesme de qui j’esprouve l’assistance,
Qui sçait combien l’esprit de l’homme est fort aisé
D’aller aux changements, se tient comme abusé
Voyant qu’en vous aimant j’aime sans repentance.
Il s’en remonstre assez qui bruslent vivement,
Mais la fin de leur feu, qui va se consommant,
N’est qu’un brin de fumée et qu’un morceau de cendre.
Je laisse ces amans croupir en leurs humeurs
Et me tient pour content, s’il vous plaist de comprendre
Que mon feu ne sçaurait mourir si je meurs.
Jean de Sponde, Les Amours, dans Œuvres littéraires,
Droz, 1978, p. 59.
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14/10/2019
Jean de Sponde, Œuvres littéraires, Sonnets d'amour
Sonnets d’amour, XI
Tous mes propos jadis ne vous faisoient instance
Que de l’ardent amour dont j’estois embrazé.
Mais depuis que votre œil sur moy s’est appaisé
Je ne puis vous parler rien que de ma constance.
L’ammour mesme de qui j’esprouve l’assistance
Qui sçait combien l’esprit de l’homme est fort aisé
D’aller aux changements, se tient comme abusé
Voyant qu’en vous aimant j’aime sans repentance.
Il s’en remonstre assez qui qui bruslent vivement,
Mais la fin de leur feu, qui s’en va consommant,
N’est qu’un brin de fumée et qu’un morceau de cendre.
Je laisse es amans croupir en leurs humeurs
Et me tiens pour content, s’il vous plaist de comprendre
Que mon feu ne sçaurait mourir si je meurs.
Jean de Sponde, Œuvres littéraires, Droz, 1978, p. 59.
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14/11/2017
Jean de Sponde, Œuvres littéraires
Tandis que dedans l’air un autre air je respire,
Et qu’à l’envy du feu j’allume mon désir,
Que j’enfle contre l’eau les eaux de mon plaisir,
Et que me colle à Terre un importun martyre,
Cet air tousjours m’anime, et le désir m’attire,
Je recherche à monceaux les plaisirs à choisir,
Mon martyre eslevé me vient encore saisir,
Et de tous mes travaux le dernier est le pire.
À la fin je me trouve en un estrange esmoy,
Car ces divers effets ne sont que contre moy ;
C’est mourir que de vivre en cette peine extrême.
Voilà comme la vie à l’abandon s’espard,
Chaque part de ce Monde en emporte sa part,
Et la moindre à la fin est celle de nous mesme.
Jean de Sponde, L’essay de poèmes chrétiens, dans Œuvres
littéraires, Droz, Genève, 1978, p. 259.
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22/08/2017
Jean de Sponde, Les amours
Les amours, XVII
Je sens dedans mon ame une guerre civile,
D’un parti ma raison, mes sens d’un autre parti,
Dont le bruslant discord ne peut estre amorti,
Tant chacun son tranchant contre l’autre affile.
Mais mes sens sont armez d’un verre si fragile,
Que si le cœur bien tost ne s’en est départi,
Tout l’heur vers ma raison s’en verra converti,
Comme au parti plus fort, plus juste et plus utile.
Mes sens veulent ployer sous ce pesant fardeau
Des ardeurs que me donne un esloigné flambeau ;
Au rebours, la raison me renforce au martyre.
Faisons comme dans Rome, à ce peuple mutin
De mes sens inconstans, arrachons-les en fin !
Et que nostre raison y plante son Empire.
Jean de Sponde, Œuvres littéraires, édition Alan
Boase, Droz, 1978, p. 65.
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30/01/2016
Jean de Sponde (1557-1595), Les Amours
Mon Dieu, que je voudrois que ma main fut oisive,
Que ma bouche et mes yeux reprissent leur devoir !
Escrire est peu : c’est plus de parler et de voir,
De ces deux œuvres l’une est morte et l’autre vive.
Quelque beau trait d’amour que notre main escrive,
Ce sont tesmoins muets qui n’on pas le pouvoir
Ni le semblable poix, que l’œil pourroit avoir
Et de nos vives voix la vertu plus naïve.
Mais quoy ? n’estoyent encor ces foibles estançons
Et ces fruits mi-rongez dont nous le nourrissons
L’Amour mourroit de faim et cherroit en ruine :
Escrivons, attendant de plus fermes plaisirs,
Et si le temps domine encor sur nos desirs,
Faisons que sur le temps la constance domine.
Jean de Sponde, Les Amours, dans Œuvres littéraires, édition
Alan Boase, Droz, 1978, p. 54.
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27/02/2014
Jean de Sponde, Œuvres littéraires, Les amours
Les amours
XXIII
Il est vray, mon amour estoit sujet au change,
Avant que j'eusse appris d'aimer solidement,
Mais si je n'eusse veu cest astre consumant,
Je n'aurois point encor acquis ceste loüange.
Ore je voy combien c'est une humeur estrange
De vivre, mais mourir, parmy le changement,
Et que l'amour luy mesme en gronde tellement
Qu'il est certain qu'en fin, quoy qu'il tarde, il s'en vange.
Si tu prens un chemin apres tant de destours,
Un bord apres l'orage, et puis reprens ton cours,
En l'orage, aux destours, s'il survient le naufrage
Ou l'erreur, on dira que tu l'as merité.
Si l'amour n'est point feint, il aura le courage
De ne changer non plus que fait la verité.
Jean de Sponde, Œuvres littéraires, introduction et notes par Alan Boase, Droz, 1978, p. 71.
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27/05/2013
Jean de Sponde, Les Amours
Les vents grondoyent en l'air, les plus sombres nuages
Nous desroboyent le jour pesle mesle entassez,
Les abismes d'enfer estoyent au ciel poussez,
La mer s'enfloit de montz, et le monde d'orages :
Quand je vy qu'un oyseau delaissant nos rivages
S'envole au beau milieu de ses flots courroucez,
Y pose de son nid les festus ramassez
Et rappaise soudain ses escumeuses rages.
L'amour m'en fit autant, et comme un Alcion,
L'autre jour se logea dedans ma passion
Et combla de bon-heur mon âme infortunée.
Après le trouble, en fin, il me donna la paix :
Mais le calme de mer n'est qu'une fois l'année,
Et celuy de mon âme y sera pour jamais.
Jean de Sponde, Les Amours, dans Œuvres littéraires, suivis
d'écrits apologétiques avec des Juvénilia édités avec une
introduction et des notes par Alan Boas, Genève, Droz,
1978, p. 74.
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