Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

22/02/2014

Raymond Queneau, Chansons,

          images.jpg

               Chansons

 

                     I

 

Il y a des gens qui s' cass'nt la tête

Parc' qu'ils voudraient gagner d'l'argent

                     Beaucoup d'argent

Ils cherch'nt partout des recettes

Pour dev'nir rich's immédiatement

                     Et copieusement

Ou bien ils travaill'nt tout' leur vie

Ou bien ils préfèr'nt êt' bandits

                     De grand chemin

Tout ça c'est bien trop compliqué :

Pour êtr' célèbre et honoré

                      Y a qu'un moyen

      Faites comme moi

      Dev'nez champion

      C'est si facile

      Et c'est si bon

 

Ah quel plaisir d'être champion

On n'a qu'à se mettr' sur les rangs

Pour écraser les concurrents

Ah quel bonheur d'être champion

Même un champion de trottinette

Tout l'monde accourt pour lui fair' fête

Ah quelle joie d'être un champion

C'est si facile et c'est si bon.

 

                        *

          Une vie sans toi

 

Une vie sans toi

Qu'est-ce que ça veut dire ?

Ça veut dir' la pluie

Tout au long des mois

Ça veut dir' l'ennui

Ça veut dir' le pire

Ça veut dir' tout ça

Et encore tout ça

 

Ça veut dir' la neige

Au mois de juillet

Ça veut dir' la fleur

Mourant sur la branche

Ça veut dire l'oiseau

Crevant en plein ciel

Ça veut dir' tout ça

Et encore tout ça

 

Ça veut dir' tout ça

Ne pas te revoir

Si jamais la vie

Voulait t'éloigner

À toujours de moi

Comme serait gris

Comme serait noir

Un monde sans toi

 

Raymond Queneau, Chansons, dans Œuvres

complètes, I, édition établie par Claude

Debon, Pléiade / Gallimard,1989, p. 972 et 969.

 

 

 

 

 

21/02/2014

Étienne de la Boétie, Œuvres complètes, Sonnets

 

Étienne de la boétie,Œuvres complètes,sonnet,poème d'amour,cupidon,serment

                          Sonnets            

                               X

 

Ores je te veux faire un solennel serment,

Non serment qui m'oblige à t'aimer davantage,

Car meshuy je ne puis ; mais un vrai tesmoignage

À ceux qui me liront, que j'aime loyaument.

 

C'est pour vrai, je vivrai, je mourrai en t'aimant.

Je jure le hault ciel, du grand Dieu l'héritage,

Je jure encor l'enfer, de Pluton le partage,

Où les parjurs auront quelque jour leur tourment ;

 

Je jure Cupidon, le Dieu pour qui j'endure ;

Son arc, ses traicts, ses yeux & sa trousse je jure :

Je n'aurois jamais fait : je veux bien jurer mieux,

 

J'en jure par la force & pouvoir de tes yeux,

Je jure ta grandeur, ta douceur & ta grace,

Et ton esprit, l'honneur de cette terre basse.

 

Étienne de la Boétie, Œuvres complètes, II, introduction, bibliographie et notes de Louis Desgraves, Conseil général de la Dordogne / William Blake ans Co, 1991, p. 120.

20/02/2014

Henri Droguet, Variations saisonnières, dans PO&SIE

Henri Droguet, Variations saisonnières, dans PO&SIE, soir, papillon, vent, ombre

               À perte

 

C'est un soir et le temps

qui court   Dame souris

trotte et chicote

à la maison du nouveau mort

étendu dans la chambre

plus ou moins noire où sphinx

(tête idoine) et bombyx

cernent la lampe et demain

seront miettes et poudres

 

déjà l'enfant perdu

court au jardin sauvage

ça sent le frai la laine et l'argile

 

le vent revient de loin

un ange passe

                                     13 août 2007

  

             Voyures

 

Quoi s'éloignait là ? disais-tu

le vent fouettard à son branle

qui tombait dans l'éparse grâce de la mer

le soleil entre l'ombre et l'ombre

tout feu tout flamme déboulé

dans un panier de nuages

la neige à venir et l'herbe à Robert

un improbable accès aux replis des collines

les menues semences

l'eau douce à la saulaie

les grandes nuits lointaines

C'est ça le vrai jour et l'aboi neuf

ça râpe et ça rit

ça rabote

                                       2 mai 2008

 

Henri Droguet, Variations saisonnières, dans PO&SIE

n°136, 2ème trimestre 2011, p. 41 et 48.

19/02/2014

Nicolas Pesquès, La face nord du Juliau, cinq

               imgres.jpg

                         Histoire de la perdrix

 

Prologue

 

Les choses ne sont pas ce que les mots produisent. Elles émergent de ce qu'ils séparent. Elles deviennent visibles, visibles et nues, comme elles ne le sont pas elles-mêmes. Visibles après le bain. Issues de l'ombre positive d ela langue, de l'implacable et lumineux glissement de sa négativité.

 

Cette ombre pour respirer. Cette ombre pour plonger.

 

Survie phrasique jusque dans l'extrême nuance opaque du poème. Lecture sans le moindre émouvante - ou bien molle, injuste, sans le moindre tranchant.

Voici la découpe où je vis : l'emporte pièce, autant de bandes, brunes jaunes. Adorable limaille.

 

Et vivable vraiment la présence due aux mots ; sans eux on n'échapperait pas à la chaotique filature du temps ni à la puissance de l'instant laissé à lui-même — seuls les animaux y excellent.

 

Pierre parmi les pierres. Foin dans le foin, j'écris le maquillage de la perdrix.

Je déracine et brandis son théâtre d'un bloc. Sa brûlure n'est pas extatique, mais douloureuse comme la totalité.

 

Une précipitation d'apparence.

Une explosion de perdrix pierreuse.

 

Le théâtre est clos ; à l'intérieur, la ressemblance est infinie.

 [...]

 

Nicolas Pesquès, La face nord du Juliau, cinq, André Dimanche, 2008, p. 57-58.

18/02/2014

François Rannou, Rapt

François Rannou, Rapt, d'amour si longtemps tu, ailleurs, Bretagne, moisson, femme

                                   D'amour si longtemps tu

 

                                                      se resserre

                                                      aux quatre coins

                                                      enfoncée dans

                                                      l'os

d'amour si longtemps tu ne sais où   la lumière                                        te mord

                                                    (il y a là une femme qui aimait

                                                    son rire sa façon de disparaître

                                                    du lit après l'amour pour écrire)

 

[...]

                                                                    *

 

                                  14 stelles

 

                                     ailleurs

  

                          sous les phrases la

                                  ligne de

                       sable chardons dans

                                   l'herbe

                     clairsemée raide courte

 

                           le chant de marie

                             qu'on encule

                       sous la lune blanche

 

                                 Bretagne intérieure

 

 

                                moteur lancinant des

                                   des moissons la

                                         nuit on n'

                                             entend

                                       plus la route

 

                                           il reste

                                               les

                                    « mottes tuées »

 

                      François Rannou, Rapt, La Termitière / La Nerthe,

                       2013, p. 29, 75-76.

 

 

 

 

                                                  

 

17/02/2014

Guy Goffette, Un manteau de fortune (2)

                         images.jpg

Psaumes pour le temps qui me dure d'être sans toi

 

Le jour est si fragile à la corne du bois

que je ne sais plus où ni comment ce matin

poser mes yeux, ma voix, poser ce corps d'argile

si drôlement qui craque à la croisée des ombres.

 

J'ai peur soudain, oui, peur de n'être que cela :

une poignée de terre qu'un souffle obscur à l'aube

tient dans sa paume, et qu'il ne s'épuise d'un coup

et me laisse tomber dans la poursuite du temps,

 

comme ces fruits qu'aucune bouche n'a touchés

et qui roulent sans fin dans la nuit des famines.

Seigneur, si vous êtes ce souffle obscur et si

fragile à la corne du bois, et si je suis

 

ce corps, resserrez votre paume, resserrez)la.

 

                         Aux marges

 

Il reste deux ou trois choses

à dire sous le ciel, deux

ou trois seulement par quoi

les poètes comme les chevaux

 

les chiens perdus, les lisières

se reconnaissent — c'est un

creux, une ride, une veilleuse

dans la nuit de l'œil _ deux

 

ou trois choses à peine

qu'on peut entendre et qui

nous tiennent comme l'ét

dans la langue d'avril

 

à la merci des marges.

 

Guy Goffette, Un manteau de fortune, suivi de L'adieu aux lisières et de Tombeau du Capricorne, Préface de Jacques Réda, Poésie/Gallimard, 2014, p. 159, 192.

 

 

 

 

 

 

16/02/2014

Guy Goffette, Un Manteau de fortune

           Guy Goffette, Un Manteau de fortune, Verlaine, enfant, poésie, vin

                      Défense de Verlaine

 

Pauvre Lélian, mon vieux Verlaine, vil défroqué,

qu'ils disent, toute débauche et sale et laid comme

un cochon de Chine, et poivrot par-dessus et,

par-dessous la vase verte quoi ? quoi qui sonne

 

et qui reste à ton crédit ? une âme qui file

doux sous la laine et vague un peu dans les brouillards ?

mais cette âme-là, cachée sous le noir sourcil,

est d'un ange, ô fruste certes, louche et braillard

 

comme un arbre peint par la tempête d'un ange,

vous dis-je, qui se fiche bien du tiers et du

quart, pourvu que l'eau des yeux dans son vers se change

en un vin léger qui tremble quand on l'a bu,

 

tremble encre, tremble longuement, tremble et trouble

jusqu'au lit où, rivières, nous couchons nos vies

petites, blêmes, racornies et parfois doubles

aussi, moins exposées aux vents de toute envie

 

que toi, Verlaine, parmi les plumitifs et les

rassis, toi, vieil enfant rebelle à tout ce qui

pèse ou qui pose, boiteux à la route ailée

avec l'âme tendre à jamais dans son maquis.

         

       I. Travaux d'aveugle

 

 

Ô bucheron assis dans l'ombre

que réveillait l'enfant des bois

près de Rambervilliers, tais-toi,

laisse chanter la voix sans nombre

 

de l'arbre couché dans ses feuilles.

 

Elle a comme une femme blonde

dans le sillage de ses pas

jeté le sel du rêve, elle a

cousu nos âmes vagabondes

 

à la voile bleu de son œil.

 

Et nous voici, tâchant dans l'ombre

avec des mots de rien des voix

perdues, et des touchers de soie

comme un marieur de décombres

 

dans tes dentelles, ô poésie.

 

Guy Goffette, Un Manteau de fortune, suivi de

L'adieu aux lisières et de Tombeau du Capricorne,

Préface de Jacques Réda, Poésie/Gallimard, 2014,

p. 71-72, 83.

15/02/2014

Malcom Lowry, Poèmes, traduction Jean Follain

imgres.jpg

                     Dans la prison d'Oaxaca

 

J'ai connu la cité d'atroce nuit

bien plus atroce que celle que connurent

Kipling ou Thomson...

une nuit où la dernière graine d'espérance s'est envolée

de l'esprit évanescent d'un petit-fils de l'hiver.

 

Dans le cachot cet enfant alcoolique frissonne

réconforté par l'assassin car la compassion ici aussi se montre ;

les bruits nocturnes y sont appels au secours

provenant de la ville, du jardin d'où l'on expulse les destructeurs ?

 

L'ombre du policier se balance sur le mur

l'ombre de la lanterne forme tache noire sur le mur

et sur un pan de la cathédrale oscille lentement ma croix

— les fils et le grand poteau télégraphique remuant au vent —

 

Et  moi je suis crucifié entre deux continents.

 

Aucun message n'arrive du dehors en pleurnichant

pour moi qui demeure ici

mais que de messages pour moi venant d'ici

où l'on signe syphilis et chaude pisse avec du Sloane liniment

mais selon l'un ou l'autre on varie la dose

 

Malcom Lowry, Poèmes, traduction Jean Follain, dans Les Lettres Nouvelles, "Malcom Lowry", mai-juin 1974, p. 225.

14/02/2014

Jean Genet, Le condamné à mort, l'enfant criminel, le funambule

                    imgres.jpg

                         La galère

 

Un forçat délivré rude et féroce lance

Un chiourme dans le pré mais d'une fleur de lance

Le marlou Croix du Sud l'assassin Pôle Nord

Aux oreilles d'un autre ôtent ses boucles d'or.

Les plus beaux sont fleuris d'étranges maladies.

Leur croupe de guitare éclate en mélodies.

L'écume de la mer nous mouille de crachats.

Sommes-nous remontés des gorges d'un crachat ?

 

On parle de me battre et j'écoute vos coups.

Qui me roule Harcamone et dans vos plis me coud ?

 

Harcamone aux bras verts hauts reine qui vole

Sur ton odeur nocturne et les bois éveillés

Par l'horreur de son nom ce bagnard endeuillé

Sur ma galère chante et son chant me désole.

 

Les rameaux alourdis par la chaîne et la honte

Les marles les forbans ces taureaux de la mer

Ouvragé par mille ans ton geste les raconte

Et le silence avec la nuit de ton œil clair.

 

[...]

 

Jean Genet, Le condamné à mort, l'enfant criminel, le funambule, L'Arbalète, 1958 [1945], p. 51-52.

13/02/2014

Brantôme, Recueil d'aulcunes Rymes de mes jeunes Amours

                                         Brantôme,  Recueil d'aulcunes Rymes de mes jeunes Amours, désir, secret, maîtresse

                           Sonnet

 

Vous, Amans, qui avez, jusques au ciel d'Amour,

Or tristes, or gaillards, développé voz ailes,

De voz desirs remplis de joyes immortelles,

Si vous avez senti ses secretz quelque jour,

 

Pour Dieu, ne desdaignez discourir à mon tour,

La joye et le plaisir qu'eurent ces ames belles,

Lors que dedans leur lit de si douces cordelles,

S'entrelaçant si fort, n'estoient point à sejour.

 

Je ne puis, quant à moy, chetif et miserable,

Vous discourir en rien cet heur si delectable ;

Le sort de mon amour est si fort malheureux

 

Que je n'en puis conter qu'une peine et tristesse,

Et un mal-traitement d'une rude maistresse ;

Je vis ainsi chetif et vous autres heureux.

 

Brantôme,  Recueil d'aulcunes Rymes de mes jeunes Amours, édition établie et préfacée par Louis Perceau, Georges Briffaut, 1927, p. 93.

12/02/2014

Joseph Joubert, Carnets, I

                                   41-Joubert-p-197.jpg

   Le seul moyen d'avoir des amis, c'est de tout jeter par les fenêtres, de n'enfermer rien et de ne jamais savoir où l'on couchera le soir.

 

   On ne devrait écrire ce qu'on sent qu'après un long repos de l'âme. Il ne faut pas s'exprimer comme on sent, mais comme on se souvient.

 

   Enseigner, c'est apprendre deux fois.

 

   Ceux qui n'ont à s'occuper ni de leurs plaisirs ni de leurs besoins sont à plaindre.

 

   Les enfants veulent toujours regarder derrière les miroirs.

 

   Aux médiocres il faut des livres médiocres.

 

   Les uns disent bâton merdeux, les autres fagot d'épines.

 

   L'un aime à dire ce qu'il sait, l'autre à dire ce qu'il pense.

 

   Évitez d'acheter un livre fermé.

 

   Ce monde me paraît un tourbillon habité par un peuple à qui la tête tourne.

 

Joseph Joubert, Carnets, I, textes recueillis par André Beaunier, avant-propos de J.P. Corsetti, préface de Mme A. Beaunier et A. Bellesort, Gallimard, 1994 [1938], p. 73, 79, 143, 143, 161, 165, 172, 176, 183, 183, 211.

11/02/2014

Philippe Beck, Lyre dure

           Les éditions NOUS ont quinze ans

 

                   Beck.jpg

 

 

           Lyre d'&   XIV

 

Une lyre loin, que dit-elle ?

Elle fait un bruit de corde de mer,

le chant-courrier des vagues dessous,

harpe d'ondes vers le nom-cercle,

comme une grille libre d'images.

Elle lance la tresse de mots

d'eau et d'air vers

famille portée.

Dicter = composer ;

décrire = copier ;

et enformer, débriser,

après Villon.

Comme pluie-soleil

et hommage.

Bien.

Elle soigne

des pensées,

des fleurs dehors

ou dessous.

Des enveloppes claires

comme demi-cercle

ou convexe + concave

pour un ovale.

Il y a des bouquets de signes

bien rythmés,

un navire,

le cœur plaintif i

et  invocatif,

un poème de temps

rudement fait

plutôt qu'un rommant.

Il fait des notices

et un Livre Hystorial.

 

Tu accommodes le Livre

qui passe dans la distance.

Opticienne au bain

révélateur.

Dans les plis de l'eau passante.

Je veille.

 

Philippe Beck, Lyre dure, NOUS, 2009, p. 73-74.

 

Philippe Beck vient de publier Opéradiques, Poésie /Flammation.

 

 

 

 

 

 

 

10/02/2014

Milo De Angelis, Thème de l'adieu, préface de Jacques Demarcq

Les éditions NOUS ont quinze ans

 

                                     De Angelis jpeg.jpg

 

Pas de gloria in excelsis, mais un fouillis

nerveux, un grincer de sons et les yeux

fixes en bas, ce rien

qui garde froide la pensée, ce tremblement

d'ampoules et d'aiguilles, quelque chose

qui s'enferme dans son cri. Le visage

touchait déjà sa terre, voyait l'écoulement

pâle des phénomènes

                                  oh alors, disais-je, dors

 

et pourtant j'étais avec toi

et tu n'étais pas avec moi

 

                                     *

 

Dans l'infranchissable minute reviennent tous

les jardins de notre vie,, toutes les ombres

que nous avons piétinées, les feuilles,

les saluts, souffles en sursauts, étés, phrases

comme enterrées, enterrements

qui semblent avoir eu lieu.

 

Milo De Angelis, Thème de l'adieu, traduit de l'italien par Patrizia Atzei et Benoît Casas, Préface de Jacques Demarcq, 2010, p. 37, 76.

 

 

09/02/2014

Sanguineti, Corollaire, traduction Patrizia Atzei & Benoît Casas

             Les éditions NOUS ont quinze ans

 

              Sanguineti.jpg

 

pour toi je les ai éprouvés (et pour toi je les éprouve ma chérie) : et de ce que                                                                                                [tu vois,  

tu le vois, il s'agit :

                              il y a comme un pré, une rive (un rivage), avec des roseaux,

avec des herbes en fleur, avec des zones lacustres ou palustres (le cadrage est                                                                                                                 [serré :                                                                                               

 

on voit, et on devine, peu et mal) : et deux couples d'oiseaux aquatiques voilà,

justement, âprement se becquettent, se déchirent (et, déchirés, se déplument) :

                                                                                                                   mais

trois autres volatiles (mais inaccoutumés, inadaptés au vol), trottinant paisibles,

apaisés (ce que je désigne ici, respectivement, par S, et par T, et enfin par R),

se tiennent là dans un coin, gauchement sereins :

                                        (pourtant observe-les, ici, avec moi, ils palpitent) :

 

Edoardo Sanguineti, Corollaire, traduit de l'italien par Patrizia Atzei et Benoît Casas, préface de Jacques Roubaud, NOUS, 2013, p. 38.

08/02/2014

Dominique Buisset, Quadratures, postface de Jacques Roubaud

                     

                                                 Les éditions NOUS ont 15 ans...

          www.editions-nous.com

 

dominique buisset,quadratures,postface  de jacques roubaud,scève,amour,double

 

 

               Parascève

                    16

 

De tout faire une ligne de mots

tout réduire à cette noircissure

peu à peu dont se griffe la page

grincement où s'étouffe la rage

et se dénoue le piège d'émo-

tion que rend la vieille narcissure

à moi regardante et pas si sûre

d'aimer reconnaître au tavelage

du miroir un saugrenu jumeau.

 

                         *

 

              Quadratures

                     11

 

Universelle maison de l'équivoque

amour à travers tant de chambres couru

— et nous les habitons tantôt tantôt l'une

l'autre toujours si mal qu'elle nous le rend

bien — de ce monde où toute prise nous fuit

et c'est un leurre de tenir, où jamais

le milieu n'est juste ni l'instant rendu

— seule dure à perte la rage —, rends-le

nous, et sa piqûre dont s'ourlent de nous

les nuages filant par dessus tout vite

dans l'équivoque biais de l'universel.

 

Dominique Buisset, Quadratures, postface

de Jacques Roubaud, NOUS, 2010,

p. 91 et 19.