27/09/2020
Julien Bosc, Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa
La mer
Immense large d’huile âtre
À l’infini scintillante d’adamantines constellations déchues
Ainsi la découvrit-elle au réveil
Ramenant sur elle le plaid sable dont la marée l’avait dévêtue à son insu
Mais
Sans affecter ses fleurs ni leur tige
(Ainsi
Si n’eût été son effroi
Non le vent mais la marée bel et bien)
Julien Bosc, Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa,
La tête à l’envers, 2018, p. 40.
Photo Tristan Hordé, novembre 2017
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30/05/2020
Patrizia Cavalli, Mes poèmes ne changeront pas le monde
Toutes les morts terrestres
les grâces endormies
les genèses et les constellations
les créations audacieuses, les fugues,
la licorne, la chasse, l’incendie,
les lacs,
les voix les voix
sont sur ta terre
que moi je vois de loin
en me penchant par la fenêtre
au dernier étage.
Je ne peux pas descendre, il n’y a pas d’escalier ;
ni ne peux sauter parce qu’après
mutilée estropiée je ne pourrais plus marcher.
Je m’efforce de voir la mer.
Patrizia Cavalli, Mes poèmes ne changeront pas le monde,
traduction Danièle Faugeras et Pascale Janot,
éditions des femmes, 2007.
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19/05/2020
Antoine Emaz, Personne
Passants
loin sur le sable au matin
des passants qui semblaient
ressembler
passants
rien d’autre
mais assez pour lever zn tête
après leur passage
d’autres passés
que l’on poursuit de l’œil dedans
alors que l’espace est devant
vide
à nouveau
on ne sait comment faire
pour bloque rles deux yeux
dedans dehors
malgré tout l’effort
ça passe
trop poreux
revenir seulement aux vagues
leur calme lancinant fatigué
à marée base
leur énergie qui se replie
tirer dedans comme un drap
lourd d’écume et de sel
du ciel un peu aussi
et dans les plis
les êtres
passés
pas plus
des ombres
des bouts
[...]
Antoine Emaz, Personne, éditions
Unes, 2020, p. 21-23.
© Photo Tristan Hordé, 2012
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25/03/2020
Christopher Okigbo, Labyrinthes
Et comment dit-on NON en plein tonnerre ?
On trempe sa langue dans l’océan ;
Campa avec le chœur des dauphins
Inconstants, près de minces bancs de sable
Arrosés de souvenirs ;
On étend ses branches de corail
Les branches s’étendant dans le silence
Des sens ; ce silence se distille
En jaunes mélodies.
Christopher Okigbo, Labyrinthes, traduit de l’anglais
(Nigeria) Christiane Fioupou, Gallimard, 2020, p. 141.
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19/11/2019
Rose Ausländer, Pays maternel
À la mer
Pourvue de profondes empreintes digitales
La houle déferlante
Nous atteint
Nos minutes
Lavées
De la poussière de la ville
L’eau
Met en musique nos mots
Sages aquatiques
Cernés de sable
Tu es la voix
Sois indulgent envers moi
Étranger
Je t’aime
Toi que je ne connais pas
Tu es la voix
Qui m’envoûte
Je t’ai perçue
Reposant sur du velours vert
Toi haleine de mousse
Toi cloche du bonheur
Et du deuil inextinguible
Rose Ausländer, Pays maternel, traduction Edmond
Verroul, Héros-Limite, 2015, p. 21, 63.
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21/10/2019
Antoine Emaz, Soirs
on peut décrocher d’ici et retrouve la mer le ciel – cette image fixe d’un ciel plat sur une mer sans vague – bleu fer bleu vert – sans rien d’autre : deux plaques de mots dans l’œil ferment l’angle et mettent devant un paysage à la fois calme stable et dur – aucune sorte d’éternité retrouvée – aucun soleil d’ailleurs à y bien regarder.
on pourrait se contenter
de ce trajet
quelque part on se dit
on devrait
c’est déjà beaucoup
mais toujours pas le repos
attendu
comme s’il fallait prendre au filet
non pas tant des poissons
que l’eau
à peu près
ça
Antoine Emaz, Soirs, Tarabuste,
1999, p. 62-63.
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13/09/2019
Laurent Fourcaut, Or le réel est là...
La mer semée de bouées jusques à l’horizon
c’est Grandcamp port romain comme son nom l’indique
on le trouve pas dieu merci sur Amazon
c’est au bout de la terre un demi-dieu sadique
fit breveter la lame à couper le gazon
marin depuis ici jusqu’à l’orient indique
l’eau se confond au ciel entrons en oraison
priant que vienne enfin le moment fatidique
où le haut et l’envers se conjoignent en bas
le ciel est somptueux châle bleu sur la chose
dont les trous flous donnent sur le rien caramba
de la même façon les mots du sonnet causent
vire le bleu au noir d’un monde indifférent
comment sur ce décor ne pas finir errant
Laurent Fourcaut, Or le réel est là..., Le Merle
moqueur, 2017, p. 62.
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31/05/2019
Julien Bosc, La demeure et le lieu
la locution « à bord de nuit »
comme dans « se promener à bord de nuit »
est-elle propre à cette famille de paysans
(de qui je l’affectionne et la tiens)
ou est-elle plus largement répandue
quoi qu’il en soit
si elle touche la corde sensible
c’est que
révélatrice des transmutations et métamorphoses
— où s’accordent mots et songes —
elle fait du crépuscule un navire
des cieux la mer
et
de la nuit
l’augure d’une traversée merveilleuse
— si
à bord
et au large déjà
la côte est laissée derrière soi
Julien Bosc, La demeure et le lieu, Faï fioc, 2018, p. 39.
© Photo Chantal Tanet
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08/05/2019
Bernard Delvaille, Poèmes 1951-1981
Désordre, 3
Il en va souvent des itinéraires de la passion
Comme de ces vents d’octobre qui fleurent la fougère
Ils bercent en silence le sommeil de notre maison
Et se retranchent dans les tranchées et les domaines du mystère
L’amour vient de la mer et y retourne Nous le savons ô fable
Immortelle et complice À chaque amour suffit sa peine
Lorsque les vagues auront effacé votre nom sur le sable
Il m’a soudain semblé que toute plainte serait vaine
Quand viendra le moment précis de votre mort je serai là
Douloureux et retrouvé fidèle muet et amoureux
Nous partirons alors vers ces plats pays où au ras
De l’eau volent quelques oiseaux malhabiles au creux
Des falaises du soir sous un ciel en lutte aux embruns
Vous savez qu’il sera trop tard que je ne serai plus jaloux
Que de ces pays brûlés nous soyons ou non riverains
Sachez simplement que ce grand jardin ravagé est à vous
Bernard Delvaille, Poèmes (1951-1981), Seghers, 1982, p. 107.
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15/12/2018
Paul Claudel, Connaissance de l'Est
La terre quittée
C’est la mer qui est venue nous rechercher. Elle titre sur notre amarre, elle décolle de l’appontement le flanc de notre bateau. Lui, dans un grand tressaillement, agrandit peu à peu l’intervalle qui le sépare du quai encombré et de l’escale humaine. Et nous suivons dans son lacet paresseux le fleuve tranquille et gras. C’est ici l’une de ces bouches par où la terre dégorge, et, crevant dans une poussée de pâte, vient ruminer la mer mélangée à son herbage. De ce sol que nous habitâmes, il ne reste plus que la couleur, l’âme verte prête à se liquéfier. Et déjà, devant nous, là-bas un feu dans l’air limpide indique la ligne et le désert.
Paul Claudel, Connaissance de l’Est, Poésie / Gallimard, 1974, p. 139-139.
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02/07/2018
Antoine Emaz, Prises de mer
Le craquement des coquillages sous le pied, et les vagues, très près. Leur bruit assez sourd, d’air et d’eau, continu parce que constitué de plusieurs sons qui s’entremêlent le claquement de l’eau à la retombée, les souffle de l’écume, mais aussi la fin de la vague précédente qui s’étale et diminue son chuintant puis repart en raclant un peu.
Une sorte de magma : plusieurs sons se percutent, se superposent, se fondent, et varient doucement à l’intérieur d’une amplitude globale qui reste sensiblement la même.
Antoine Emaz, Prises de mer, le phare du cousseix, 2018, p. 13.
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07/04/2018
Julien Bosc, Le Verso des miroirs
je vis aux lisières de la terre et de la mer
le long d’une rivière défaite
un vertige
une bascule
une volée d’étourneaux dans la brume
des portes se referment
le vent bégaie
une étincelle allume la bougie
les laves forgent un rivage
deux premiers mots murmurent
Julien Bosc, Le Verso des miroirs, Atelier de
Villemonge, 2018, p. 3. © Photo Chantal Tanet
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31/10/2017
Maurice Rollinat, Les névroses
Ballade des mouettes
En tas, poussant de longs cris aboyeurs
Aussi plaintifs que des cris de chouettes,
Autour des ports, sur les gouffres noyeurs,
Dans l’air salé s’ébattent les mouettes.
D’un duvet mauve et marqueté de roux,
Sur l’eau baveuse où le vent fait des trous,
On peut les voir se tailler des besognes
Et se risque sous le ciel en courroux,
Pour nettoyer la mer de ses charognes.
Flairant les flots, sinistres charroyeurs,
Et les écueils noirs dont les silhouettes
Font aux marins de si grandes frayeurs,
Elles s’en vont avec des pirouettes
De-ci, de-là, comme des girouettes.
Dans les vapeurs vitreuses des temps mous
Où notre œil suit les effacements doux
Des mâts penchant avec des airs d’ivrognes,
Ces grands oiseaux rôdent sur les remous,
Pour nettoyer la mer de ses charognes.
Et quand les flots devenus chatoyeurs
Dorment bercés par les brises fluettes,
On les revoit, avides côtoyeurs,
Éparpillant leurs troupes inquiètes
Aux environs des falaises muettes.
En vain tout rit, le brouillard s’est dissous ;
Ces carnassiers qui ne sont jamais soûls
Ouvrent encore leurs ailes de cigognes
Sur les galets polis comme des sous,
Pour nettoyer la mer de ses charognes.
Envoi
Vautour blafard, fouilleur des casse-cous,
Toi dont le bec donne de si grands coups
Dans les lambeaux pourris où tu te cognes,
Viens-là ! tes sœurs t’y donnent rendez-vous
Pour nettoyer la mer de ses charognes.
Maurice Rollinat, Les névroses, Bibliothèque
Charpentier, 1923, p. 241-242.
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02/04/2017
Jacques Borel, Commémorations
La collection
Pendant des années, je n’ai pas pu passer par cette étroite rue qui fait un coude, à l’angle d’une place irrégulière où saillent, au milieu, deux ou trois maisons plus anciennes et plus basses, aux hautes toitures de tuiles petites, brunies et rectangulaires comme il n’en existe plus nulle part dans la ville, mais dans des villages seulement, toujours plus reculées, aux alentours, sans m’approcher, une fois de plus, de cette boutique devant laquelle, enfant, adolescent, m’avait, au sortir du lycée, si souvent immobilisé la rêverie, et de nouveau, ramené par la même fascination, je n’étais plus que ce regard qui me quitte, franchit la cloison transparente et coule au loin, dans l’eau, dans l’air empoussiéré de la vitrine, à travers les étoiles de mer séchées, les éponges, les coquillages — corne d’abondance tarie et ridée de l’euplectelle, oreille déchiquetée de la strombe, pareille à celles, monstrueuses, démesurées , de ces idiots couverts de bave, à Ligenèse, spires, volutes, cœur pétrifié du cardium et, sur une étagère en retrait, cette conque aux lèvres entrouvertes où affleure le murmure d’une mer captive—,
(…)
Jacques Borel, Commémorations, Le temps qu’il fait, 1990, p. 165-166.
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07/03/2017
Apollinaire, Le Guetteur mélancolique
La nudité des fleurs c’est leur odeur charnelle
Qui palpite et s’émeut comme un sexe femelle
Et les fleurs sans parfum sont vêtues par pudeur
Elles prévoient qu’on veut violer leur odeur
La nudité du ciel est voilée par des ailes
D’oiseaux planant d’attente émue d’amour et d’heur
La nudité des lacs frissonne aux demoiselles
Baisant d’élytres bleus leur écumeuse ardeur
La nudité des mers je l’attire de voiles
Q’elles déchireront en gestes de rafale
Pour dévoiler au stupre aimé d’elles leurs corps
Au stupre des noyés raidis d’amour encore
Pour violer la mer vierge douce et surprise
De la rumeur des flots et des lèvres éprises
Apollinaire, Le Guetteur mélancolique, dans Œuvres
poétiques, Pléiade :Gallimard, 1965, p. 574.
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