21/02/2023
Jude Stéfan, Laures
et Louise Labé
tant nous aurons nos deux purs corps
médité debout et nous congratulant
pis lascivement aux caresses jou-
ant avant de succomber à la courte
gloire de n’être plus nous-mêmes sur
même couche d’amour et de mort
car hors toi ma passion fut l’ennui
qui mine ma vie comme tu l’illumines
si chaude et blanche et profanable
présence sous chairs ô rite nu
tant nous aurons à deux mimé l’amour
perdu — tels vent caressant fustigeant
la mer nos mains et yeux étrange pays
de lichens et de lianes
Jude Stéfan, Laures, Gallimard, 1984, p. 15.
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16/10/2022
Julia Lepère, Par elle se blesse
Elle sur le ponton moi dans la mer
Évitant les méduses
Sans territoire
Ses bleus virant au virage de mes cernes
Ayant bu les écumes les planches
Des demi-dieux leurs longs cheveux de sable souviens-toi
Presque pour morte
Il te laissa
Et hors de moi
J’ai joui tant de fois pour oublier que quelque part
J’attends encore de me réveiller
Julia Lepère, Par elle se blesse, Poésie/Flammarion, 2022, p. 101.
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22/07/2022
Denise Levertov, Poèmes
Au lecteur
Tandis que tu lis un ours blanc à loisir
pisse, en donnant à la neige
une couleur safran ;
tandis que tu lis un grand nombre de dieux
se vautrent dans les lianes ; yeux d’obsidienne
qui observent les générations des feuilles ;
tandis que tu lis
la mer tourne ses sombres pages,
tourne
ses sombres pages.
Denise Levertov, Poèmes, traduction
Alain Bosquet, Actes Sud, 1986, p. 23,
cité dans L’Ours blanc, printemps 2022.
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17/07/2022
Henri Thomas, La joie de cette vie
Il y a la puissance des machines, des engins de mort accumulés dans un endroit où tout est préparé pour les utiliser ô les moyens de déclenchement et la cible.
Nous vivons dans un monde fait d’épaisseurs superposées, terre, mer, brume, nuages, ciel invisible. Tout cela paraît à peine bouger, sinon la légère ligne ou bave d’écume le long des plages qui s’incurvent vers la droite.
J’écris, comme si écrire était mon unique moyen de vieillir sans douleur, et sans jouer un rôle dans les rouages, comme Paulhan, où l’on disparaît quand la machine se modifie pour votre mort.
Incapable de désespérer — en cela pareil aux animaux auxquels nous attribuons l’indifférence devant la mort.
Henri Thomas, La joie de cette viee, Gallimard, 1991, p. 12, 17, 21, 25.
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27/09/2020
Julien Bosc, Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa
La mer
Immense large d’huile âtre
À l’infini scintillante d’adamantines constellations déchues
Ainsi la découvrit-elle au réveil
Ramenant sur elle le plaid sable dont la marée l’avait dévêtue à son insu
Mais
Sans affecter ses fleurs ni leur tige
(Ainsi
Si n’eût été son effroi
Non le vent mais la marée bel et bien)
Julien Bosc, Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa,
La tête à l’envers, 2018, p. 40.
Photo Tristan Hordé, novembre 2017
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30/05/2020
Patrizia Cavalli, Mes poèmes ne changeront pas le monde
Toutes les morts terrestres
les grâces endormies
les genèses et les constellations
les créations audacieuses, les fugues,
la licorne, la chasse, l’incendie,
les lacs,
les voix les voix
sont sur ta terre
que moi je vois de loin
en me penchant par la fenêtre
au dernier étage.
Je ne peux pas descendre, il n’y a pas d’escalier ;
ni ne peux sauter parce qu’après
mutilée estropiée je ne pourrais plus marcher.
Je m’efforce de voir la mer.
Patrizia Cavalli, Mes poèmes ne changeront pas le monde,
traduction Danièle Faugeras et Pascale Janot,
éditions des femmes, 2007.
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19/05/2020
Antoine Emaz, Personne
Passants
loin sur le sable au matin
des passants qui semblaient
ressembler
passants
rien d’autre
mais assez pour lever zn tête
après leur passage
d’autres passés
que l’on poursuit de l’œil dedans
alors que l’espace est devant
vide
à nouveau
on ne sait comment faire
pour bloque rles deux yeux
dedans dehors
malgré tout l’effort
ça passe
trop poreux
revenir seulement aux vagues
leur calme lancinant fatigué
à marée base
leur énergie qui se replie
tirer dedans comme un drap
lourd d’écume et de sel
du ciel un peu aussi
et dans les plis
les êtres
passés
pas plus
des ombres
des bouts
[...]
Antoine Emaz, Personne, éditions
Unes, 2020, p. 21-23.
© Photo Tristan Hordé, 2012
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25/03/2020
Christopher Okigbo, Labyrinthes
Et comment dit-on NON en plein tonnerre ?
On trempe sa langue dans l’océan ;
Campa avec le chœur des dauphins
Inconstants, près de minces bancs de sable
Arrosés de souvenirs ;
On étend ses branches de corail
Les branches s’étendant dans le silence
Des sens ; ce silence se distille
En jaunes mélodies.
Christopher Okigbo, Labyrinthes, traduit de l’anglais
(Nigeria) Christiane Fioupou, Gallimard, 2020, p. 141.
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19/11/2019
Rose Ausländer, Pays maternel
À la mer
Pourvue de profondes empreintes digitales
La houle déferlante
Nous atteint
Nos minutes
Lavées
De la poussière de la ville
L’eau
Met en musique nos mots
Sages aquatiques
Cernés de sable
Tu es la voix
Sois indulgent envers moi
Étranger
Je t’aime
Toi que je ne connais pas
Tu es la voix
Qui m’envoûte
Je t’ai perçue
Reposant sur du velours vert
Toi haleine de mousse
Toi cloche du bonheur
Et du deuil inextinguible
Rose Ausländer, Pays maternel, traduction Edmond
Verroul, Héros-Limite, 2015, p. 21, 63.
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21/10/2019
Antoine Emaz, Soirs
on peut décrocher d’ici et retrouve la mer le ciel – cette image fixe d’un ciel plat sur une mer sans vague – bleu fer bleu vert – sans rien d’autre : deux plaques de mots dans l’œil ferment l’angle et mettent devant un paysage à la fois calme stable et dur – aucune sorte d’éternité retrouvée – aucun soleil d’ailleurs à y bien regarder.
on pourrait se contenter
de ce trajet
quelque part on se dit
on devrait
c’est déjà beaucoup
mais toujours pas le repos
attendu
comme s’il fallait prendre au filet
non pas tant des poissons
que l’eau
à peu près
ça
Antoine Emaz, Soirs, Tarabuste,
1999, p. 62-63.
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13/09/2019
Laurent Fourcaut, Or le réel est là...
La mer semée de bouées jusques à l’horizon
c’est Grandcamp port romain comme son nom l’indique
on le trouve pas dieu merci sur Amazon
c’est au bout de la terre un demi-dieu sadique
fit breveter la lame à couper le gazon
marin depuis ici jusqu’à l’orient indique
l’eau se confond au ciel entrons en oraison
priant que vienne enfin le moment fatidique
où le haut et l’envers se conjoignent en bas
le ciel est somptueux châle bleu sur la chose
dont les trous flous donnent sur le rien caramba
de la même façon les mots du sonnet causent
vire le bleu au noir d’un monde indifférent
comment sur ce décor ne pas finir errant
Laurent Fourcaut, Or le réel est là..., Le Merle
moqueur, 2017, p. 62.
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31/05/2019
Julien Bosc, La demeure et le lieu
la locution « à bord de nuit »
comme dans « se promener à bord de nuit »
est-elle propre à cette famille de paysans
(de qui je l’affectionne et la tiens)
ou est-elle plus largement répandue
quoi qu’il en soit
si elle touche la corde sensible
c’est que
révélatrice des transmutations et métamorphoses
— où s’accordent mots et songes —
elle fait du crépuscule un navire
des cieux la mer
et
de la nuit
l’augure d’une traversée merveilleuse
— si
à bord
et au large déjà
la côte est laissée derrière soi
Julien Bosc, La demeure et le lieu, Faï fioc, 2018, p. 39.
© Photo Chantal Tanet
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08/05/2019
Bernard Delvaille, Poèmes 1951-1981
Désordre, 3
Il en va souvent des itinéraires de la passion
Comme de ces vents d’octobre qui fleurent la fougère
Ils bercent en silence le sommeil de notre maison
Et se retranchent dans les tranchées et les domaines du mystère
L’amour vient de la mer et y retourne Nous le savons ô fable
Immortelle et complice À chaque amour suffit sa peine
Lorsque les vagues auront effacé votre nom sur le sable
Il m’a soudain semblé que toute plainte serait vaine
Quand viendra le moment précis de votre mort je serai là
Douloureux et retrouvé fidèle muet et amoureux
Nous partirons alors vers ces plats pays où au ras
De l’eau volent quelques oiseaux malhabiles au creux
Des falaises du soir sous un ciel en lutte aux embruns
Vous savez qu’il sera trop tard que je ne serai plus jaloux
Que de ces pays brûlés nous soyons ou non riverains
Sachez simplement que ce grand jardin ravagé est à vous
Bernard Delvaille, Poèmes (1951-1981), Seghers, 1982, p. 107.
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15/12/2018
Paul Claudel, Connaissance de l'Est
La terre quittée
C’est la mer qui est venue nous rechercher. Elle titre sur notre amarre, elle décolle de l’appontement le flanc de notre bateau. Lui, dans un grand tressaillement, agrandit peu à peu l’intervalle qui le sépare du quai encombré et de l’escale humaine. Et nous suivons dans son lacet paresseux le fleuve tranquille et gras. C’est ici l’une de ces bouches par où la terre dégorge, et, crevant dans une poussée de pâte, vient ruminer la mer mélangée à son herbage. De ce sol que nous habitâmes, il ne reste plus que la couleur, l’âme verte prête à se liquéfier. Et déjà, devant nous, là-bas un feu dans l’air limpide indique la ligne et le désert.
Paul Claudel, Connaissance de l’Est, Poésie / Gallimard, 1974, p. 139-139.
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02/07/2018
Antoine Emaz, Prises de mer
Le craquement des coquillages sous le pied, et les vagues, très près. Leur bruit assez sourd, d’air et d’eau, continu parce que constitué de plusieurs sons qui s’entremêlent le claquement de l’eau à la retombée, les souffle de l’écume, mais aussi la fin de la vague précédente qui s’étale et diminue son chuintant puis repart en raclant un peu.
Une sorte de magma : plusieurs sons se percutent, se superposent, se fondent, et varient doucement à l’intérieur d’une amplitude globale qui reste sensiblement la même.
Antoine Emaz, Prises de mer, le phare du cousseix, 2018, p. 13.
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