11/01/2019
Mary Oliver, Les Oies sauvages
Les oies sauvages
Vous n’avez pas à être sages.
Vous n’avez pas à traverser à genoux
des centaines de kilomètres de désert, en repentance.
Vous avez juste à laisser le doux animal de votre corps
aimer ce qu’il aime.
Parlez-moi du désespoir, le vôtre, je vous parlerai du mien.
Pendant ce temps le monde avance.
Pendant ce temps le soleil et les limpides galets de pluie
traversent les paysages,
survolent les plaines et les forêts profondes,
les montagnes et les rivières.
Pendant ce temps les oies sauvages, là-haut dans le pur air bleu,
sont sur le chemin du retour.
Qui que vous soyez, en quelque solitude,
le monde s’offre à votre imagination,
vous appelle comme les oies sauvages, rude et passionnant —
et indéfiniment signale votre place
dans la famille des choses.
Wild Geese
You do not have to be good.
You do not have to walk on your knees
for a hundred miles through the desert, repenting.
You only have to let the soft animal of your body
love what it loves.
Tell me about despair, yours, and I will tell you mine.
Meanwhile the world goes on.
Meanwhile the sun and the clear pebbles of the rain
are moving across the landscapes,
over the prairies and the deep trees,
the mountains and the rivers.
Meanwhile the wild geese, high in the clean blue air,
are heading home again.
Whoever you are, no matter how lonely,
the world offers itself to your imagination,
calls to you like the wild geese, harsh and exciting —
over and over announcing your place
in the family of things.
Mary Oliver, Wild Geese, extrait de Dream Work, The Atlantic Monthly Press, 1986, p. 14. Traduction inédite de Chantal Tanet.
Les oies migratrices sont en danger. Je publie le communiqué de la Ligue pour la Protection des Oiseaux qui appelle à s'élever contre le prolongement du massacre des oies pour des motifs électoraux.
|
|
---|
|
---|
|
---|
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mary oliver, wild geese, extrait de dream work, oies sauvages, migration | Facebook |
04/03/2015
Mary Oliver, American Primitive
Première neige
La neige
a commencé ici
ce matin et continué
toute la journée, sa blanche
rhétorique partout
nous renvoyant au pourquoi, comment,
d’où vient une telle beauté
et quel en est le sens : une telle
fièvre oraculaire ! glissant
devant les fenêtres, une énergie qui semblait
ne jamais devoir se retirer, ne jamais s’apaiser
qu'en beauté ! seulement maintenant,
au coeur de la nuit,
elle s’est enfin arrêtée.
Le silence
est immense,
et les cieux retiennent encore
un million de bougies ; nulle part
les choses familières :
les étoiles, la lune,
l'obscurité que nous attendons
et repoussons tous les soirs. Les arbres
scintillent comme des châteaux
de rubans, les vastes champs
se consument à la lumière, le lit
d'un ruisseau amasse au passage
des collines luisantes
et bien que les questions
qui nous ont assaillis tout le jour
demeurent — pas une seule
réponse trouvée ;
sortir maintenant
dans le silence et la lumière
sous les arbres
et à travers champs,
semble en être une.
*
First snow
The snow
began here
this morning and all day
continued, its white
rhetoric everywhere
calling us back to why, how,
whence such beauty and what
the meaning; such
an oracular fever! flowing
past windows, an energy it seemed
would never ebb, never settle
less than lovely! and only now,
deep into night,
it has finally ended.
The silence
is immense,
and the heavens still hold
a million candles; nowhere
the familiar things:
stars, the moon,
the darkness we expect
and nightly turn from. Trees
glitter like castles
of ribbons, the broad fields
smolder with light, a passing
creekbed lies
heaped with shining hills;
and though the questions
that have assailed us all day
remain — not a single
answer has been found —
walking out now
into the silence and the light
under the trees,
and through the fields
feels like one.
Mary Oliver, "First snow", extrait de
American Primitive, Back Bay Books,
1983, p. 26-27. Traduction Chantal Tanet
et Melissa Nickerson.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mary oliver, american primitive, première neige, oracle, énergie, nature | Facebook |
29/10/2013
Mary Oliver, "Wild Geese", dans Dream Work
Les oies sauvages
Vous n’avez pas à être sages.
Vous n’avez pas à traverser à genoux
des centaines de kilomètres de désert, en repentance.
Vous avez juste à laisser le doux animal de votre corps
aimer ce qu’il aime.
Parlez-moi du désespoir, le vôtre, je vous parlerai du mien.
Pendant ce temps le monde avance.
Pendant ce temps le soleil et les limpides galets de pluie
traversent les paysages,
survolent les plaines et les forêts profondes,
les montagnes et les rivières.
Pendant ce temps les oies sauvages, là-haut dans le pur air bleu,
sont sur le chemin du retour.
Qui que vous soyez, en quelque solitude,
le monde s’offre à votre imagination,
vous appelle comme les oies sauvages, rude et passionnant —
et indéfiniment signale votre place
dans la famille des choses.
*
Wild Geese
You do not have to be good.
You do not have to walk on your knees
for a hundred miles through the desert, repenting.
You only have to let the soft animal of your body
love what it loves.
Tell me about despair, yours, and I will tell you mine.
Meanwhile the world goes on.
Meanwhile the sun and the clear pebbles of the rain
are moving across the landscapes,
over the prairies and the deep trees,
the mountains and the rivers.
Meanwhile the wild geese, high in the clean blue air,
are heading home again.
Whoever you are, no matter how lonely,
the world offers itself to your imagination,
calls to you like the wild geese, harsh and exciting —
over and over announcing your place
in the family of things.
Mary Oliver, "Wild Geese", extrait de Dream Work, The Atlantic Monthly Press, 1986, p. 14. Traduction inédite de Chantal Tanet et Melissa Nickerson.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mary oliver, oies sauvages, désespoir, espace | Facebook |