06/07/2022
Elke Erb, Sonance
Ça, on ne le sait pas.
On ne sait pas. Ça se pourrait bien.
Laisser tranquille.
Les oiseaux aussi de manière préexistante.
Le grand piano. Le grand piano ouvert
à tout. Pianogrosso. Lui,
le grand piano ouvert à tout et
omniscient. Grand. Lui. Grosso
piano.
Il est dans le coin. Front.
Les touches jaunes et bleu de Stockholm.
Ère glaciaire. On ne sait pas.
Ou ère glaciaire intermédiaire.
Régnant aussi de loin. Le merle retentit.
Les petits chats miaulent encore à peine.
Elke Erb, Sonance, traduction de l’allemand
Vincent Barras, dans L’Ours blanc, n°33, 2022.
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25/09/2021
Étienne Faure, Et puis prendre l'air
L’ennui léger à la fenêtre enduré dès l’enfance, à regarder passer dans le ciel quelque chose, attendre un événement venu des nues, infime : un nuage effilé par le vent, la vitesse de l’avion disparu par l’embrasure des arbres, un V d’oiseaux très haut en solitude rebroussant leur chemin et lançant des signaux aux autres animaux restés au sol, cet ennui lentement scruté derrière la vitre avait changé progressivement de sens, glissé par la force des ans — nouveaux cirrus, autre altitude — parmi les nuages qui commençaient à s’amonceler, non plus singuliers mais pluriels — les ennuis. Et de loin le rire clair qui tout balaie au ciel de mars, à nouveau en mouvement.
Étienne Faure, Et puis prendre l’air, Gallimard, 2020, p. 103.
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08/04/2021
Philippe Jaccottet, Taches de soleil, ou d'ombre
15 juin 1962
Des oiseaux au-dessus de nous, lointains, qui disent la distance, qui disent : ici est la forêt, ici est le ruisseau dans la forêt, le val qui s’élève en sinuant, qui s’éloigne de nous en s’élevant, qui disent : la beauté est bien visible, mais distante, nous sommes sa voix, son vol, et je voudrais les écouter, les suivre, qui disent : la beauté ne t’appartient pas, mais elle te regarde et sourit. Au-dessus des forêts, leur chant lointain, mais clair.
La nuit, le chant des rossignols comme une grappe d’eau.
Philippe Jaccottet, Taches de soleil, ou d’ombre, le bruit du temps, 2013, p. 46.
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26/10/2019
James Sacré, Paysage au fusil (cœur) une fontaine
Oiseaux qui sont au loin dans la plaine
Courlis qui sont passés loin quel
cri jeté brille encore à l’extrémité
(peut-être) d’une plaine oh si petite
ou d’une enfance oiseaux poursuivis
précaution fusil pour rien après
des guérets traversés des prairies rases
un autre cri jeté plus loin quel
poème brille (bonheur peut-être oiseaux
solitaires et vrais) que je chasse avec
un autre poème.
Oiseau ventolier les branches
mesurent son effort son aile
sait décliner croître pour
quel point haut dans l’air nul
secret ni leçon à montrer
le vent large l’emporte
un peu plus loin je regarde
à travers un poème un arbre comme
nul moment ni désir mais dans le vent
[...]
James Sacré, Paysage au fusil (cœur) une fontaine,
La Cécilia, 1991, p. 15.
© Photo Tristan Hordé
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15/10/2019
George Oppen, Poèmes retrouvés
Barbarie
Nous menons nos vies réelles
en rêve, disait quelqu’un signifiant par là
puisqu’il était éveillé
que nous sommes cloîtrés en nous-mêmes
Ce n’est pas de cela qu’il rêvait
dans chaque rêve
il rêvait l’étrange matin
d’un oiseau qui s’éveille
George Oppen, Poèmes retrouvés, traduction
Yves di Manno, Corti, 2019, p. 53.
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11/09/2019
Jean-Baptiste Para, Une semaine dans la vie de Mona Grembo
Sommeil du temps, de l’espace. Des entailles de corde, des cordes de poussière. Si loin déjà le soir, où gorge et couteau face à face se cabrent.
Oiseau, l’oiseau des cahiers d’enfance. Les ailes étaient une accolade. Mais aucun vol ne se bâtit dans le regret.
Si je dois dédier mon vol, est-ce aux hommes nus, poings fermés, qui cherchent des poches dans leurs flancs ?
Mieux que les poings, le vent s’engouffre.
Jean-Baptiste Para, Une semaine dans la vie de Mona Grembo, Arcane 17, 1985, p. 50, 51, 57.
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26/07/2019
Bashô seigneur ermite
Elles mourront bientôt
et pourtant n’en montrent rien —
Chant des cigales
Obscurité de la nuit —
Un pluvier pleure
son nid perdu
Jour après jour
les orges rougissent —
Chant d’alouettes
Souffle le vent d’automne —
Mais les bogues des châtaignes
encore vertes
Invisible printemps _
Des fleurs de pruniers dessinées
au revers du miroir
Bashô, seigneur ermite, édition bilingue
par Makoto Kemmoku et Dominique Chapot,
La table ronde, 2012, p. 255, 272, 276, 285, 293.
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29/06/2019
Hester Knibbe, Archaïques les animaux
Il y a toujours
Il y a toujours une première
appréhension. Dans les baies ça fermente sec, soûls
des oiseaux tanguent au-dessus de l’argousier, au plafond
pendent encore dans des toiles
de l’été des mouches mortes
racornies poussiéreuses.
Mais il est déjà trop tard pour sauver l’âme d’une cigale.
Le moût se clarifie
et se laisse boire, nous transvasons les bouteilles
dans les verres, laissons le dépôt pour des jours moins fastes
et trinquons
myopes à un avenir rouillé.
Hester Knibbe, Archaïques les animaux, traduction du néerlandais
Kim Andrings et Daniel Cunin, éditions Unes, 2019, p. 67.
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23/06/2018
Nelly Sachs, Brasier d'énigmes
Et tu as traversé la mort
comme en la neige l’oiseau
toujours noir scellant l’issue…
Le temps a dégluti
les adieux que tu lui offris
jusqu’à l’extrême abandon
au bout de tes doigts
Nuit d’yeux
S’immatérialiser
Ellipse, l’air a baigné
la rue des douleurs…
Und du gingst über den Tod
wie der Vogel im Schnee
immer schwarz siegelnd das Ende –
Die Zeit schluckte
was du ihr gabst an Abschied
bis auf das äusserste Verlassen
die Fingerspitzen entlang
Augennacht
Körperlos werden
Die Luft umspülte – eine Ellipse –
die Strasse der Schmerzen –
Nelly Sachs, Brasier d’énigmes et autres poèmes, traduit de l’allemand par Lionel Richard, Denoël, 1967, p. 258-259.
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26/04/2018
Charles Olson, dans Jacques Roubaud, Traduire, journal
Le printemps
Le cornouiller
éclaire le jour
La lune d’avril
fait la nuit flocons
Les oiseaux soudain
sont multitude
Les fleurs ravinées
par les abeilles, les fleurs à fruit
jetées au sol, le vent
la pluie bousculant tout. Bruit —
sur la nuit même le tambour
de l’engoulevent, nous sommes aussi
occupés, nous labourons, nous bougeons,
jaillissons, aimons Le secret
qui s’était perdu ne se cache
plus, ne se révèle, dévoile
des signes. Nous nous précipitons
pour tout saisir Le corps
fouette l’âme. En grand désir
exige l’élixir
au grondement du printemps,
transmutations. L’envie
se perd qui se traîne. Le défaut du corps et de l’âme
— qui ne sont un —
le coq matinal résonne
et la séparation : nous te saluons
saison de nul gâchis
Charles Olson, dans Jacques Roubaud,
Traduire, journal , NOUS, 2018, p. 86.
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22/04/2018
Fernando Pessoa, Le gardeur de troupeaux
Plutôt le vol de l’oiseau qui passe…
Plutôt le vol de l’oiseau qui passe et ne laisse pas de trace,
Que le passage d’une bête qui laisse sn empreinte sur le sol.
L’oiseau passe et oublie, et c’est très bien comme ça.
L’animal, là où il n’est déjà plus ne sert donc plus à rien.
Il montre qu’il était déjà là, ce qui ne sert à rien non plus.
La mémoire est une trahison de la Nature,
Parce que la Nature d’hier n’est pas la Nature.
Ce qui a été n’est rien et se souvenir c’est ne pas voir.
Passe, oiseau, passe, et apprends-moi à penser !
Fernando Pessoa, Le gardeur de troupeaux, traduction du portugais
Jean-Louis Giovannoni, Rémy Hourcade et Fabienne Vallin,
Editions Unes, 2018, np.
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24/02/2018
Laurent Albarracin, Plein vent, 111 haïkus
Dans le pré tendre
les vaches respirent
avec rudesse
Une libellule
les yeux exorbités
passe d’un trait
Vélo retourné
pour un pneu crevé —
rouet de l’enfance
S’envolant de la branche
l’oiseau y laisse
un léger balancement
Écrasant un escargot
je songe la frivole
gravité de mes pas
Laurent Albarracin, Plein vent,
111 haïkus, Pierre Mainard, 2017,
11, 13, 14, 15, 19.
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20/01/2018
Haïku, anthologie du poème court japonais
Pas de pont —
le jour se couche
dans les eaux du printemps
Yosa Buson
Au printemps qui s’en va
les oiseaux crient —
les yeux des poissons en larmes
Matsuo Bashô
Jour de brume —
les nymphes du ciel
auraient-elles du vague ) l’âme ?
Kobayashi Issa
À la surface de l’eau
des sillons de soie —
pluie de printemps
Ryôkan
Dans les jeunes herbes
le saule
oublie ses racines
Yosa Buson
Haïku, anthologie du poème court japonais,
traduction Corinne Atlan et Zéno Bianu,
Poésie / Gallimard, 2002, p. 29, 32, 34, 36, 53.
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21/08/2017
Erwann Rougé, L'enclos du vent, photographies Magali Ballet
une nudité peut-être
sans doute une clarté
sur l’encolure rouge des oiseaux
mais cela n’explique pas
la violence de l’air
dans la nervure des langues
les yeux ne sont plus des yeux
le cœur n’est plus le cœur
le corps d’une âme se dessine
sous les paupières
Erwann Rougé, L’enclos du vent, photographies
Magali Ballet, isabelle sauvage, 2017, p.20.
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21/05/2017
Samuel Beckett, Pour en finir encore et autres foirades
Au loin un oiseau
Terre couverte de ruines, il a marché toute la nuit, moi j’ai renoncé frôlant les haies, entre chaussée et fossé, sur l’herbe maigre, petits pas lents, toute la nuit sans bruit, s’arrêtant souvent, tous les dix pas environ, petits pas méfiants, reprenant haleine, puis écoutant, terre couverte de ruines, j’ai renoncé avant de naître, ce n’est pas possible autrement, mais il fallait que ça naisse, ce fut lui, j’étais dedans, il s’est arrêté, c’est la centième fois cette nuit, environ, ça donne l’espace parcouru, c’est la dernière, il est couché sur son bâton, je suis dedans, c’est lui qui a crié, lui qui a vu le jour moi je n’ai pas crié, je n’ai pas vu le jour, les deux mains l’une sur l’autre pèsent sur le bâton, le front pèse sur les mains, il a repris haleine, il peut écouter, le tronc à l’horizontale, les jambes écartées, les genoux fléchis, même vieux manteau, les basques raidies se dressent par–derrière, le jour point, il n’aurait qu’à lever les yeux, qu’à les ouvrir, qu’à les lever, il se confond avec la haie, au loin un oiseau […]
Samuel Beckett, Pour en finir encore et autres foirades, éditions de Minuit, 1976, p. 47-48.
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