14/02/2019
Paul Claudel, Positions et propositions
On ne pense pas d’une manière continue, pas davantage qu’on ne sent d’une manière continue. (…) Notre appareil à penser en état de chargement ne débite pas une ligne ininterrompue, il fournit par éclairs, secousses, une masse disjointe d’idées, images, souvenirs, notions, concepts, puis se détend avant que l’esprit se réalise à l’état de conscience dans un nouvel acte.Sur cette manière première l’écrivain éclairé par sa raison et son goût et guidé par un but plus ou moins distinctement perçu travaille, mais il est impossible de donner une image exacte des allures de la pensée si l’on ne tient pas compte du blanc et de l’intermittence.
Tel est le vers essentiel et primordial, l’élément premier du langage antérieur aux mots eux-mêmes : une idée isolée par un blanc. Avant le mot une certaine intensité, qualité et proportion de tension spirituelle.
(…)
Dans la prose les éléments primordiaux de la pensée sont en quelque sorte laminés et soudés, raccordés pour l’œil, et leurs ruptures natives sont artificiellement remplacées par des divisions logiques. Les blancs du stade créateur ne sont plus rappelés que par les signes de la ponctuation qui marquent les étapes dans le train uniforme du discours. Dans la poésie, au contraire, le lingot a été accepté tel quel et soumis seulement à une élaboration additionnelle (…).
*
Pas plus que l’inspiration, la poésie n’est un phénomène réservé à un petit nombre de privilégiés. Pas plus que les couleurs ne sont réservées aux peintres. Partout où il y a langage, partout où il y a des mots, il y a une poésie à l’état latent.Ce n’est pas assez de dire et j’ai envie d’ajouter : partout où il y a silence, un certain silence, partout où il y a attention, une certaine attention, et surtout partout où il y a rapport, ce rapport secret, étranger à la logique et prodigieusement fécond, entre les choses, les personnes et les idées qu’on appelle l’analogie1et dont la rhétorique a fait la métaphore, il y a poésie. La texture même du langage, et par conséquent de la pensée, est faite de métaphores… La poésie est partout. Elle est partout, excepté dans les mauvais poètes.
(1) Saint Bonaventure a donné la formule de l’analogie : A est à B comme C est à D.
Paul Claudel, "Réflexions et propositions sur le vers français" et "La Poésie est un art", dans Positions et propositions, Œuvres en prose, Pléiade, 1965, p. 3-4 et 54-55.
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01/07/2016
Jacques Bens, Sonnets irrationnels
Nostalgique
Je ne hanterai plus les graves officines
Où mes amis, tout doucement, prennent racines,
Racines que j’envie sous mes airs fanfarons,
Car, au-delà de tout, j’aime l’odeur des livres.
Si j’ai troqué la plume pour les mancherons
C’est façon de parler, poétique et vaccine),
Si j’ai, dis-je, choisi les champs et les fascines,
Je n’ai pas renié mon sang d’écriveron :
Toujours, par dessus tout, j’aime l’odeur des livres.
Ah, connaître à nouveau ce monde qui m’enivre !
Retrouver, chaque jour, mes cousins correcteurs !
Renifler le parfum froid des clichés de cuivre !
Revivre, enfin, la vie qui déjà m’a fait vivre,
Et, parbleu ! débarquer comme un triomphateur !
Jacques Bens, Sonnets irrationnels, Gallimard, 1965, p. 31.
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17/05/2016
Ludovic Degroote, Pensée des morts
Photo Michel Durigneux
notes, fragments, poèmes, bouts de tout, mais en serrant les dents comme un crâne, bien serrer les dents pour lâcher le moins, le moins le mieux, on a beau penser à sa santé, trop de forme vous tue
sales petits morts qui ont laissé des mots partout.
comment tirer une forme non tronquée d’un tel état de décomposition, d’où que forme libre si forme libre possible en cas de non tronqueriez ou non décomposition de soi-même
ils en sont venus aux vers
Ludovic Degroote, Pensée des morts, Tarabuste, 2002, p. 45.
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31/10/2015
Rainer Brambach (1917-1983), Cinq poèmes
La prudence serait de rigueur
Qu’est-ce qui te pousse à écrire des vers ?
Pourquoi ne vends-tu pas du sel,
des maisons, des fusils, du tabac ?
La prudence serait de rigueur, tu le sais, car bientôt
reviendront les corbeaux — noirs prédicateurs
sans huile dans la voix — pour brailler ta misère
alors que toi tranquille encore tu te promènes.
Quand les glaçons prendront au bec des fontaines,
te restera pour logis la salle d’attente
où se faisant écho en de multiples langues
s’unissent l’adieu et l’arrivée.
Rainer Brambach, Cinq poèmes, traduit de l’allemand par Marion Graf, dans La revue de belles lettres, 2014, I, p. 17.
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07/07/2015
Philippe Beck, Opéradiques
Variations I
Ancienneté Bœuf danse droit.
Allant.
Un Bashô franciscain ?
Non.
A. tire le sillon devant.
Le sillon longeur est un bœuf
lancé en arrière — il avance
à l’arrière — proupe, soc de mer
ancienne, terrée,
aimant traceur, pointe de char
suivi et continué.
Sur les petites fleurs
de ballet vertical.
Prose-pays et spirale interdite
ou Cascade-de-la-Vue-Inverse.
Charrue-proue capable de sillon.
Sillage antique est un bœuf.
Bien. Il prose l’arrière
et le vers premier, durci,
et fait glisser pays
sur pays.
Passé précède verdure contée.
Usif, à cause des filles de la voix.
Cardaire est un soc,
près du Tireur, Tracteur,
ou Câble Animal.
Au puits d’alcali
où descend
pèlerin poétique.
Philippe Beck, Opéradiques, Poésie /
Flammarion, 2015, p. 381-382.
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17/05/2015
Tristan Corbière, Las Amours jaunes
À un Juvénal de lait
Incipit, parve puer, risu cognoscere
À grands coups d’aviron de douze pieds, tu rames
En vers... et contre tous — Hommes, auvergnats, femmes. —
Tu n‘as pas vu l’endroit et tu cherches l’envers.
Jeune renard en chasse... Ils sont trop verts — tes vers.
C’est le vers solitaire. — On le purge. — Ces Dames
Sont le remède. Après tu feras de tes nerfs
Des cordes-à-boyaux ; quand, guitares sans âmes,
Les vers te reviendraient, déchantés et soufferts.
Hystérique à rebours, ta Muse est trop superbe,
Petit cochon de lait, qui n’as goûté qu’en herbe,
L’âcre saveur du fruit encore défendu.
Plus tard, tu colleras sur papier tes pensées,
Fleurs d’herboriste, mais, autrefois ramassées,
Quand il faisait beau temps au paradis perdu.
Tristan Corbière, Les Amours jaunes, dans Charles Cros,
T. C., Œuvres complètes, édition établie par Louis Forestier
et Pierre-Olivier Walser, Pléiade / Gallimard, 1970,
p. 764-765.
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03/03/2015
Robert Duncan, L'ouverture du champ
Tenir la rime
Par accent et syllabe
Par changement de rime et de contour
le vers long à la cadence bizarre atteint sa période même.
Le vers court
nous raffinons
et vouons à la candeur.
Nous nous en souvenons
la braise de la flamme
prend le mot dès lors qu'il s'entend
(« Nous devons comprendre ce qui se passe »)
et surgit au désir,
air
à la justesse de l'oiseau.
C'est la bûche du solstice d'hiver qui réchauffe décembre.
C'est l'herbe neuve qui surgit de la terre.
Robet Duncan, L'ouverture du champ, traduction Martin Richet, éditions Corti, 2012, p. 110.
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04/06/2014
Daniel Pozner, /D'un éclair/ : recension
Dans son précédent livre, Trois mots (Le Bleu du Ciel, 2013), Daniel Pozner suivait une contrainte rigoureuse : chaque vers des 69 poèmes ne comprenait que trois mots, le premier vers de la première strophe devenant le second vers de la suivante, et cela jusqu'à la fin ; la contrainte ne lassait pas, des fragments de citations étant introduits, plus ou moins reconnaissables : des paroles de chansons, un vers d'Apollinaire, etc., et bien lisible les premiers mots de Du côté de chez Swann. Pourquoi ce retour sur Trois mots ? Parce que /d'un éclair/ est construit à partir d'un extrait de Proust donné en exergue avec la référence (« Rien qu'un moment du passé ? Beaucoup plus peut-être (...] », Marcel Proust, Le Temps retrouvé), précisément le poème reprend les mots du passage — passage qui se poursuit ainsi : « ; quelque chose qui, commun à la fois au passé et au présent, est beaucoup plus essentiel qu'eux deux »(1).
Le poème alterne les parties en prose et en vers. Les premières amorcent ce qui est proposé dans les secondes, avec des décalages. Par exemple, l'annonce d'un récit dans la première séquence en prose se poursuit par le rappel des trois règles du théâtre classique (temps, lieu, action), mais l'unité « se défaisait[...] en petits morceaux » et de manière triviale, avec « la boue sur les bottes » (allusion au conte ?). Dans les poèmes, la tentative du récit est rompue par le fait que les mots sont incomplets, aisément identifiables quand il s'agit d'éléments de la citation : « Rien qu'un mo / Beaucoup plus / beaucoup plus / ce qu'au mo » (p. 8), beaucoup moins quand ils n'en font pas partie, mais ces mots réapparaissent, alors entiers (ou presque !) dans d'autres poèmes. Le poème s'élabore de manière analogue à la recherche proustienne et, dans les séquences en prose, les références au lent travail de remise en ordre des mots sont abondants. Il s'agit de « ramasser les miettes », on a affaire avec une « page à trous », un « morceau d'une chose brisée », un « fragment », des « traces », un « palimpseste », et le narrateur avoue : « J'avale mes mots », « je (...) biffe ». Peut-on retrouver une unité ?
L'unité réside dans le forme : les séquences versifiées sont toutes des sonnets. Ils sont tous rimés, mais la rime n'est pas toujours constituée par un mot entier (voir l'exemple ci-dessus) ; les vers comptent le même nombre de syllabes, mais l'un d'entre eux a une syllabe de plus ou de moins : premier sonnet en vers de 3 syllabes, sauf le dernier, 4 ; deuxième sonnet en vers de 6 syllabes, sauf le onzième, 7 ; troisième sonnet en vers de 4 syllabes, sauf le sixième, 3... Cela est encore observable pour le cinquième sonnet, mais les sonnets 4, 6 et 7 sont hétérométriques... Quant aux huitième et neuvième, ils reprennent deux vers "classiques", respectivement l'octosyllabe et l'alexandrin, et le dernier intègre des mots empruntés à la suite de l'exergue (« Rien qu'un mo du passé ? Beaucoup plus : quelque chose / beaucoup plus essentiel de ma vie, la réa /...».
Simple jeu avec un fragment ? Certes non. D'abord, comme le suggère le derrnier poème, c'est par le travail de l'imagination que se révèle la beauté de la réalité, celle de la langue ; ensuite, l'ensemble enseigne que tout s'écrit avec ce qui est déjà écrit (le lecteur repérera d'ailleurs des allusions à la chanson, à Verlaine,...). Vieille leçon sans doute, mais celle-ci encore : que le poème dans son bel ordre — sonnet en alexandrins rimés — est analogue à « la queue de la comète » dont on sait qu'elle est en partie constituée de poussières.
Daniel Pozner, /D'un éclair/, Passage d'encres, 2014, 44 p, 5 €.
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1. Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, Pléiade, tome IV, 1989, p. 450.
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21/03/2014
Yves di Manno, Champs, un livre de poèmes
Dissolution d'octobre
Un mois de pénurie. Un mois sans qu'on s'
Entende (rire, pleurer) — un mois d'échecs.
Pièces sur le damier : les jours aux jours
Pareils. Et qui s'insurge ? Si
La main revient au papier, le corps à la
Charrue : bourbiers : charniers : abstraits.
Un pas de plus, un mot de trop sans doute
Et nous n'y verrons rien. (La nuit tombée ?
Le froid, glacial ?) Ah quel tort de nous
Croire ! (EUX, rires.) Et la jambe pliée, le
Vers ancien — l'absinthe — la mouche sur la
Plinthe : plainte écartée, plaie rejetée.
L'usure (de l'inversion ?) qui nous conduit
À prendre de leurs mots une mesure neuve.
(interférence)
Yves di Manno, Champs, un livre de poèmes 1975-1985,
Flammarion, 2014, p. 123.
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04/12/2013
Dominique Meens, Vers
L'oiseau que je vais vous lire
a quelques mots à vous dire
cousin lointain des moineaux
c'est un des mille fringilles
enthousiaste des brindilles
où sont masqués les appeaux
lorsque sa plume baroque
griffe le ciel qu'il évoque
ses joues flambent de pudeur
un bouquet d'éclairs sous l'aile
son vol est une étincelle
tressée d'or et de rigueur
plus gai qu'une sauterelle
quand l'aigle transi grommelle
l'hiver il est sans regret
vient l'été repris dans l'orge
un chant l'attrape à la gorge
il se nomme chardonneret
Dominique Meens, Vers, P.O.L, 2012, p. 64.
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25/04/2013
Jean-Michel Maulpoix, La musique inconnue
Écrire de la poésie
Comment un faire aussi singulier, aussi étrange ou aberrant (aligner comme pour rien des mots sur du papier, sans grand espoir d'être lu, s'adresser au temps, aux morts aux arbres, faire tourner la langue et creuser le vers...), comment donc un travail aussi bizarre que celui-là, qui regarde vers la source de l'expression verbale et qui en mobilise tous les moyens, ne s'interrogerait-il pas en profondeur que sa raison d'être ?
Voilà un faire (exalté, passionné) qui touche à la langue, à ses ressources, à ses capacités de nomination, d'invention, de symbolisation, à son potentiel, à sa réalité plastique, phonétique, visuelle, sonore, à son entente...
Voilà un faire qui va par lignes brisées, segments métrés de sens (ces lignes qu'on appelle les vers), par « tourne » de rimes et de strophes, par coupes et liaisons, c'est-à-dire en tissant et en trouant, en nouant et en évidant... À même les mots, c'est un travail de Parque, qui tire et file et coupe son fil dans la nuit de la destinée.
Jean-Michel Maulpoix, La musique inconnue, "en lisant en écrivant", éditions Corti, 2013, p. 93-94.
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26/02/2013
Vera Pavlova, Immortalité, dans "Europe"
Immortalité
Éternise-moi juste un peu :
Prends de la neige et sculpte-moi
Puis de tes mains chaudes et nues
Frotte-moi jusqu'à ce que je brille...
*
Immortelle : ni vivante ni morte.
L'immortalité est un désastre.
Embrassons-nous. Tes bras sont
Les manches d'une camisole de force.
Embrassons-nous. Tes bras sont
Des bouées de sauvetage.
Telle est la damnation des poètes lyriques :
Une caresse est toujours de première main
Un mot — rarement.
*
Qui passera avec moi l'hiver de mon immortalité ?
Qui décongèlera avec moi ?
Quoi qu'il advienne, je n'échangerai pas
L'amour terrestre pour l'amour souterrain.
J'ai encore le temps de devenir fleur, argile,
Mémoire aux yeux blancs...
Et tant que nous sommes mortels, mon aimé,
Rien ne te sera refusé.
*
Les plus beaux vers sont ceux que j'écris
sur des surfaces tendres
avec la pointe souple de la langue : calligraphie
sur ta bouche, ton tronc, ton ventre...
Ô mon aimé, sagement, j'ai tracé mes lettres.
Veux-tu voir s'effacer entre mes lèvres
ton point d'exclamation ?
*
Nous sommes riches — nous n'avons rien à perdre.
Nous sommes vieux — rien ne nous presse d'aller nulle part.
Il nous faut battre les coussins du passé,
Remuer les braises de l'avenir,
Dire ce qui importe le plus
Tandis que décline le jour indolent
Et porter en terre nos immortels :
À moi de t'inhumer,
À toi ensuite de m'ensevelir.
Vera Pavlova, traduit du russe par Jean-Baptiste Para,
dans Europe, "Abécédaire", n° 1000-1001, août-septembre
2012, p. 109-110.
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05/10/2012
Dominique Meens, Vers
Une lune énorme a surgi du bois
les engoulevents pétaradaient moi
ahuri j'inventais l'œil rond du lièvre
et l'heure dont je goutais l'humeur mièvre
dans sa nuit que fait le poète il boit
j'étranglerai la mienne sans émoi
quelque chaleur moite la tourterelle
ronronne il est midi le ciel querelle
venteux dessous du vert qu'il voudrait bleu
deux geais ont grincé j'arrive avec eux
noué l'appel anxieux d'un crécerelle
à l'orage imprévu qui précisément grêle
*
Novembre aux embruns de mélancolie
m'a cloué le bec je mâche ma nuit
ravale mes pleurs et mon cœur s'enfuit
d'un lieu perdu comme un amour s'oublie
non la cause mais l'effet où tout sombre
tout et rien soit la parence des mots
dont s'éprennent les esprits animaux
à la peine à la peine à la pénombre
novembre courtois la chanson est neuve
paroles en l'air musique à l'envers
avec un pendu au diable vauvert
imagine autour la ronde des veuves
et la mandragore et ses cris plaintifs
l'orfèvre bientôt et ses pendentifs
Dominique Meens, Vers, P. O. L, 2012, p. 78 et 38.
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