10/12/2017
Franz Kafka, Journal (traduction Marthe Robert)
18 novembre [1913]
Je vais recommencer à écrire, mas que de doutes, entre temps, sur ma création littéraire ! Au fond, je suis une être incapable et ignorant qui, s’il n’avait été mis de force à l’école — je n’y allais que contraint, sans aucun mérite personnel, sentant à peine la contrainte — serait tout juste bon à rester blotti, dans une niche à chien, à sauter dehors quand on lui apporte sa pâtée et à rentrer d’un bond quand il l’a engloutie.
Franz Kafka, Journal, traduction Marthe Robert, Grasset, 1954, p. 297-298.
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09/12/2017
Jacques Réda, Les ruines de Paris
(Le marché aux puces, Paris)
(…) Quand le courant, le gaz ni l’eau n’arriveront plus dans les étages, et qu’avec la vie rétablie sous des bâches, au ras du sol, le troc redeviendra la base naturelle du commerce ; quand les vents auront semé des arbres sur les terrasses des tours, et qu’on cédera le nickel soustrait aux épaves du Périphérique en échange des légumes provenant des emprises du Chemin de Fer. Même les quartiers aujourd’hui neufs ne seront plus qu’une foire, tous rendu à des foules peut-être dangereuses de Belleville à Passy. Je vois cela dans la convoitise encore sans vrai but des visages, dans ma propre obsession dominicale à roder par ici. Comme si j’apprenais à gagner ma future subsistance, par exemple au long de ce chemin, jonché de boîtes et de bouteilles et de clous sûrement récupérables, et qui m’aspire entre deux murs, commençant à m’intimider, ainsi de plus en plus étroit sous le ciel, lui, de plus en plus vaste, plein de mouvements échappés de ces fringues à plat sur le pavé.
Jacques Réda, Les Ruines de Paris, Gallimard, 1977, p. 110-111.
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08/12/2017
Umberto Saba, Trente poèmes
Printemps
Printemps que je n’aime pas, je veux
rapporter que tournant au coin
d’une rue, le présage de ta venue me blessait
comme un coup de couteau. L’ombre mince encore
des rameaux, sur la terre encore
nue, me trouble aujourd’hui comme si je pouvais,
comme si je devais renaître. La tombe elle-même
semble mal sûre à ton retour, antique
printemps, qui, plus que nulle autre saison,
cruellement, ressuscites et tues.
Umberto Saba, Trente poèmes, traduction Georges Mounin,
L’Apprentypographe, 1986, p. 17.
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07/12/2017
Jean Dubuffet & Valère Novarina, Personne n'est à l'intérieur de rien
1er décembre 1984
Très cher Jean Dubuffet,
On sort des labyrinthes par les labyrinthes : tout à l’heure j’ai passé un long moment chez Jeanne Bucher au milieu de vos Mires(1), ce qui m’a bien vivifié… Vos signaux d’aventure m’envoient toujours autant d’énergie. Animons la matière ! Voilà donc quatre mois que je n’étais sorti en ville, perdu moi aussi dans un labyrinthe : dans mon île des Buttes-Chaumont j’ai vécu cet été assez complètement coupé du monde… Et j’ai maintenant sur ma table 200 pages écrites, pas du tout comme un livre mais plutôt comme un trou menaçant où il me faut maintenant me pencher pour voir un peu. Ça s’adresse si peu à l’humanité que je crois que je vais appeler ça Le Discours aux animaux. Vous êtes le premier animal parlant à qui j’avoue ce sombre titre.
Jean Dubuffet & Valère Novarina, Personne n’est à l’intérieur de rien, L’Atelier contemporain, 2014, p. 109.
1. Exposition « Jean Dubuffet Mires » à la galerie Jeanne Bucher, du 15 octobre au 10 décembre 1984.
Jean Dubuffet & Valère Novarina, Personne n'est à l'intérieur de rien
1er décembre 1984
Très cher Jean Dubuffet,
On sort des labyrinthes par les labyrinthes : tout à l’heure j’ai passé un long moment chez Jeanne Bucher au milieu de vos Mires(1), ce qui m’a bien vivifié… Vos signaux d’aventure m’envoient toujours autant d’énergie. Animons la matière ! Voilà donc quatre mois que je n’étais sorti en ville, perdu moi aussi dans un labyrinthe : dans mon île des Buttes-Chaumont j’ai vécu cet été assez complètement coupé du monde… Et j’ai maintenant sur ma table 200 pages écrites, pas du tout comme un livre mais plutôt comme un trou menaçant où il me faut maintenant me pencher pour voir un peu. Ça s’adresse si peu à l’humanité que je crois que je vais appeler ça Le Discours aux animaux. Vous êtes le premier animal parlant à qui j’avoue ce sombre titre.
Jean Dubuffet & Valère Novarina, Personne n’est à l’intérieur de rien, L’Atelier contemporain, 2014, p. 109.
1. Exposition « Jean Dubuffet Mires » à la galerie Jeanne Bucher, du 15 octobre au 10 décembre 1984.
04/12/2017
Benjamin Péret, Le grand jeu
Testament de Parmentier
Pomme de terre qu’as-tu fait de ta mère
Ma mère était une putain
qui n’avait pas de robe de chambre
Pomme de terre qu’as-tu fait de ton père
Mon père était un ivrogne
qui m’écrasait sur son nez
Pomme de terre tu vas mourir
et ta peau drapera plus d’un fantôme
égaré dans de noirs escaliers
mais avant regarde-toi dans ton miroir
et dis-moi s’il va pleuvoir
Benjamin Péret, Le grand jeu, Poésie / Gallimard,
1969, p. 187.
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03/12/2017
Carolin Callies, Inventaire (Inventar)
Inventaire
ce que tu as, caillots, goulots, taches de vin,
clous, bouchons, veiné de rouge ;
qu’étaient ces rides, ces coupes blancs-de-marbre,
ces cols immaculés ; ce qui git là, sa fin lui échappe des mains.
Qu’était-ce, peau martelée, pulpe des doigts,
Album des jours, ivre de lin,
& l) l’embouchure
tes lèvres seules cousues à la main
inventar
du hast gerinnsel, hälse, male,
pflöcke, korken, rotgeädert ;
waq warn das falten, marmorschale
kragen da lehnt das lezte aus den händen
was warn das hautbeschläge, fingerkuppen,
tagealben, linnentrunken
& dort am mundstück
nicht mehr als deine handvernähten lippen
Carolin Callies, dans Achtervahn / Le grand 8,
Wallstein Verlag / Le Castor Astral, 2017, p. 37 et 36.
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02/12/2017
Valérie Rouzeau, Va où
Il faut m’arracher allumer d’une autre étoile de chance pas bêcheuse
Quitter ce jardin de palabres où pour un peu me serais crue sans savoir
ni quand ni comment ni bien quoi semer à tout vent
Croquemorte de moi-même quelle idée ici je rends mon tablier mon
houx ma haie ma mauvaise pioche
Je m’en vais trouver de la vie par tous les temps
Cela commence à présent je change lalalère change d’air là
Valérie Rouzeau, Va où, Le temps qu’il fait, 2002, p. 85.
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01/12/2017
Jacques Roubaud, Autobiographie chapitre dix
Évolution
primate de savane sèche, bipède autrefois omnivore, opportuniste, malin et prudent, j’ai été gagné par la crainte en même temps que par la conscience.
Jadis, je m’en souviens, mon cadre naturel était l’herbe plantée de très peu d’arbres cantonnés au bord du lac où se jetait la petite rivière d’Abyssinie. Lucy, jeune australopithèque gracile, m’aidait à chasser l’hipparion, le crabe, le crocodile, l’éléphant même aux défenses alors dirigées vers le bas comme un Vercingétorix.
Lucy est morte, voici trois millions d’années. J’ai conservé près de moi 40% de son squelette, au moment de traverser le boulevard sinistre contre la gueule des camions je recule, et je retourne en arrière jusqu’à ma chambre, pleurer à larmes chaudes sur ses vertèbres.
Jacques Roubaud, Autobiographie chapitre dix, Gallimard, 1977, p. 109-110.
Les amis éditent : Anne-Marie Albiach, inédits et études
La revue Nu(e), dirigée par Béatrice Bonhomme et Hervé Bosio, espace éditorial où s’expérimente la poésie, est également le lieu de l’exercice de l’amitié. Son prochain numéro est consacré à
Anne-Marie AlbIach
Anne-Marie Albiach publie ses premiers poèmes à la fin des années soixante. État paraît en 1971 au Mercure de France. Elle vient de « changer le visage de la poésie ». De son poème, « partition de mots, de phrases, de blocs et d’espaces » monte « une polyphonie d’intonations qui vont de l’austérité à la sensualité même ».
Le volume que lui consacre la revue Nu(e), coordonné par Régis Lefort, rassemble « Intermède ou lapsus », un texte publié dans la revue Amastra-N-Gallar en 2006, des brouillons d’Anne-Marie Albiach, des photographies, des hommages, des études critiques :
- Anne-Marie ALBIACH, « Intermède ou lapsus » • Anne-Marie ALBIACH, Brouillons de poèmes • Régis LEFORT, Le désir ou l’attente • Alain CRESSAN, Géométrie – discontinu – point : figure vocative • Florence JOU, Circuler dans l’œuvre d’Anne-Marie Albiach • Francis COHEN, De la pulsion tangente au volume • Éric DAZZAN, Anne-Marie Albiach : l’existence du terrible : la remémoration • Catherine SOULIER, Résonances circulaires, Notes sur L’EXCÈS : cette mesure • Marie-Antoinette BISSAY, Représentations mouvementées des corps dans l’entrelacs sde l’écriture poétique • Sandrine BÉDOURET-LARRABURU, Une poétique du corps dans Mezza Voce • Marie JOQUEVIEL-BOURJEA, A(nne)-M(arie) A(lbiach) : Nu(e) • Rémi BOUTHONNIER, Une étude linéaire de « Distance : “analogie” » • Françoise DELORME, L’abstraction et l’épreuve du feu, État, une traversée • Abigail LANG, État des lieux. Anne-Marie Albiach, “A”-9 et la poésie américaine
Pour ce numéro de caractère exceptionnel, la revue organise une souscription.
Le volume peut être obtenu au prix promotionnel de 17 euros avant le 30 juin 2018, en renvoyant le talon ci-dessous. Après cette date, la revue sera en vente au prix normal de 20 €.
________________________________________________________________
Mme/M.
Adresse :
Souhaite … exemplaire(s) du numéro spécial de la revue Nu(e) sur Anne-Marie Albiach au prix de 17 € le numéro (+ 3 € de frais de poste) et paie ce jour le montant :
soit au total € à l’ordre de l’Association Nu(e), avec la mention : « Souscription Anne-Marie Albiach »
par chèque, c/o Béatrice Bonhomme, 29 avenue Primerose, 06000 NICE
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30/11/2017
Esther Tellermann, Carnets à bruire
Dans l’épaisseur
qui rejoint
le trait enfoui
longtemps tu fis
surgir un lieu
grand ouvert
espaces entre
les syllabes défont
les brûlures de
la chaux coulées
tout à coup en amont
de l’érosion.
Esther Tellermann, Carnets à bruire,
La lettre volée, 2014, p. 7.
Les livres amis
Laurent Fourcaut
JOYEUSES PARQUES
Collection DOUTE B.A.T.
212 pages
21.5 cm x 14 cm
ISBN : 978-2-84587-376-6
18 €
Je, soussigné(e)………………………………..
Adresse…………………………………….......
………………………………………………….
Souscris pour………. exemplaire(s) de
JOYEUSES PARQUES
au prix unitaire de 18 € (+ 2,50 € de frais de port)
Veuillez trouver ci-joint un chèque de…………€
libellé à l’ordre de :
ÉDITIONS TARABUSTE
Rue du Fort
36170 SAINT-BENOÎT-DU-SAULT
(Fax : 02 54 47 67 65 – Mail : laboutiquedetarabuste@orange.fr)
librairie en ligne : www.laboutiquedetarabuste.
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29/11/2017
Dominique Maurizi, Vacarmes (recension)
Vacarmes comprend des poèmes en prose et de courts poèmes en octosyllabes, extraits d’un recueil à paraître. Comme dans les autres recueils de Dominique Maurizi, l’ensemble forme un récit, conduit par un "je" toujours présent. On sait que le mot "vacarme" s’emploie pour un grand bruit, mais il peut aussi désigner une violente protestation ; les deux sens sont mêlés dans l’usage qui en est fait au pluriel. Vacarmes nombreux qui suscitent l’écriture : il y a d’abord des vacarmes dans le corps, venant des airs (« l’oiseau qui claque des ailes dans mon corps ») ou de la mer, mais "mer" appelle "mère" (« Est-ce la mer que tu entends en moi ? »). Tout aussi présent sont les vacarmes de l’enfance (« les bruits fous de l’enfance ») qui font revenir les moments toujours vifs de l’abandon, celui du père qui n’est que dans les mots (« nous ne nous sommes jamais rencontrés que dans mes phrases »). D’autres vacarmes interdisent à toute vie de s’épanouir, parce qu’impossibles à faire disparaître, ceux des morts dont les « bruits trépignent dans mon sommeil ».
Ces vacarmes suscitent le retour de « ça parle », de l’écriture ; ils en sont la matière même, motifs qui nourrissent la vie intérieure, qui emplissent le temps de vivre. En même temps ils mènent à la rupture avec les bruits du monde, du moins avec ce qui risquerait de troubler le monologue intérieur (« Je voyage dedans ») qui passe par l’écriture la nuit. Si, au fil du texte, des figures apparaissent, comme celle du père, il ne s’agit que de mots, des pronoms derrière lesquels aucun sujet n’est visible : vous, toi, elles, les.
Cependant, dans un poème en vers comptés où est dit le retrait du "je" (« chacun seul »), est exprimée une relation privilégiée à Emily Dickinson, ou plutôt à un aspect de sa poésie. Comme pour mimer un dialogue entre elle et la poétesse américaine, Dominique Maurizy cite les deux premiers vers d’un poème célèbre, en en traduisant en français un fragment, : « I’m Nobody ! Qui es-tu ? Are you — Nobody — Too ? ». Citons la première strophe entière :
I’m Nobody ! Who are you ?
Are you — Nobody _ too ?
Then thre’s a pair of us !
Dont tell ! they’d banish us you know !
Je ne suis personne ! Et vous ?
Personne — non plus ?
Alors nous faisons la paire !
Chut ! on nous bannirait — savez-vous ? (1)
Une autre écrivaine apparaît dans Vacarmes, dans le poème de clôture. Le choix est significatif puisqu’il s’agit d’Ingeborg Bachmann qui, d’un point de vue féministe, entreprit de renouveler la langue allemande. C’est aussi dans ce poème de clôture que sont évoqués des éléments de la nature (mer, eau, fleurs, branche d’un arbre) ; ils sont « donnés » à Bachmann par un "je" qui dit être née par la « voix du poème », et à la poétesse est associé le prénom de Celan, avec une allusion à sa volonté de rénovation de l’allemand (« pour Lenz, pour Paul et la montagne »).
Emily Dickinson et Ingeborg Bachmann, deux pôles différents de l’écriture, deux voies/voix dont on lit des échos chez Dominique Maurizy qui, d’un recueil à l’autre, pose la question de la création poétique à partir de la lente construction d’un univers particulier. Lisons maintenant Vacarmes avant de le retrouver intégré dans Plein feu, à paraître.
———————————————————————————————————
- Emily Dickinson, Y aura-t-il pour de vrai un matin, édition bilingue ; traduit et présenté par Claire Malroux, José Corti, 2008, p. 252-253
Dominique Maurizi, Vacarmes, le phare du cousseix, 2017, 16 p., 7 €. Cette note d lecture a été publiée sur Sitaudis le 5 novembre 2017.
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28/11/2017
Cole Swensen, Le Nôtre (traduction Maïtreyi et Nicolas Pesquès)
Parce qu’un jardin doit finir
Le Nôtre mit fin au monde
par un saut-de-loup, qui consiste à mettre une bête sauvage dans l’allée centrale :
un plan de coupe dans un coin du dessin
le montre clairement — il est suspendu dans un arc
sous lequel les enfants courent en riant
s’engouffrant dans les portes fenêtres
où ils disparaissent comme du verre dans de l’eau pour le dire autrement
c’est une douve sèche
qui tient le monde à distance tandis que la vision va tout droit sans encombre,
le temps et le cadre
déployés le long d’une élégance que chevauche un tendre loup juste au-dessus du sol.
Topiaire-moi un ciel ; donne-lui la forme d’un esprit.
Cole Swensen, Le Nôtre, traduction Maïtreyi et Nicolas Pesquès, éditions Corti, 2013, p. 35.
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26/11/2017
Jean-Baptiste Courtois, Théorèmes de la nature
Un monstre urbain à tête de non monstre est né et croît. Pollen urbain et pollen périurbain, polluants urbains périurbains et extra urbains, polluants et polluants fusionnent en une seule molécule d’apparition croissante. Les polluants entraînent les pollens (stables plantes) davantage de polluants liant davantage de pollens (stables arbres). Il y a un et leur mélange est de corrélation stricte donnant (science chimique végétal) la règle des hausses d’introjections parce que hausse de projections. Les villes rénovent en circuit haute définition la haute consommation de leur hypersyntaxe florale.
Jean-Baptiste Courtois, Théorèmes de la nature, NOUS, 2017, p. 71.
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25/11/2017
Esther Salmona, Amenées
Déménagements
28 décembre 2013, 1h27. Les tasses en porcelaine de Limoges, les vertes, les sous-tasses, le maillot de bain motif arlequin doré orange marron bleu, le buffet Henri ii, les patères en plastique blanc, les boîtes en bois à crochet métal, le rond d’usure petit creux plus clair dans les fibres, les valises marron bordeaux sky beige, les cartons vides motif cannelé en relief, l’aquarelle du clocher, les deux chromos retouchés — scène de rivière —, le parquet à chevrons, le bac de douche carré, les cendriers en métal « Canada »,, « Machinery », le coquillage blanc — bords sombres — « Souvenir de Constantinople », la tenture rouge sombre devant la porte d’entrée, le papier cadeau, les Tupperware, le pèse-personne dessus vénilia orange, le petit plateau en bois au dessus en verre, un paon mordoré s’en allant par plaques […]
Esther Salmona, Amenées, Éric Pesty éditeur, 2017, np.
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24/11/2017
Georges Perros, Papiers collés
Papiers collés
En amour tout s’annule au fur et à mesure. Tout est à refaire à chaque instant. Deux amants sont hors du temps. Suspension de l’horaire. La mort ne retrouvera nulle part ces heures qui lui furent signalées. Elle déménagera tout, mais en vain cherchera le temps d’amour, qui est son sosie.
L’impossibilité d’aimer sans avoir envie d’être aimé soi-même retire toute grâce à ce sentiment.
On injurie perpétuellement ceux qu’on aime. Ils font semblant de ne pas s’en apercevoir, tout occupés qu’ils sont à cacher leur injure personnelle. Et ainsi de suite.
Ce qui m’intéresse, c’est ce qui m’échappe. Et ce qui m’échappe me donne la mesure de ce que je suis.
L’amour fait faire des choses qui annulent l’amour.
Georges Perros, Papiers collés, dans Œuvre, édition Thierry Gillybœuf, Quarto/Gallimard, 2017, p. 402, 409, 415, 417, 421.
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