28/02/2020
Béatrice Bonhomme, Les boxeurs de l'absurde
Chef-d’œuvre
Il dit tu as accompli un chef-d’œuvre de nos vies
Un trésor où passe le vent
Et où rien n’est à personne
Il est fait de bric et de broc
D’instants de vie et de sourires
D’instants de larmes
Et de souffrance
Il est fait de tout et de rien
Il est construit de non-sens
Et donne un sens à ma vie
Il dit plus tard j’élèverai un château de cartes
Une architecture improbable
De terre et de limon
De branches et d’échappées
De nuit et de terre
Il sera comme un puzzle abandonné
Un sable qui n’a pas d’empreintes
Un paréo prêté au vent
Une figure sans dessin
Le temps baroque d’un passage.
Béatrice Bonhomme, Les boxeurs de l’absurde,
L’étoile des limites, 2019, p. 117.
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17/02/2020
Michel Leiris, À cor et à cri
Où que je sois
quoi que je fasse
je passe toute ma vie
à regarder couler ma vie
note unique qui ne suffit pas
à créer une mélodie
Michel Leiris, À cor et à cri,
Gallimard,1988, p. 111.
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24/11/2019
Ludovic Degroote, Si décousu
Dans la vie
il n’y a aucune désolation qui ne tienne quelque chose de vous debout
car ce qui reste est la matière durable de ce que nous avons été
et quand bien même cela tournerait vert-de-gris
sous quoi le vert-de-gris
nous, semblables et indistincts
et constamment issus de tout ce qui ne nous détruit pas encore
prenons les allures fantômes que laissent
nos pieds embourbés
dans la vie
Ludovic Degroote, Si décousu, éditions Unes, 2019, p. 74-75.
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04/11/2019
Marina Tsvétaïéva, Le ciel brûle
Les nuits sans celui qu’on aime
Avec celui qu’on n’aime pas , et les grandes étoiles
Au-dessus de la tête en feu et les mains
Qui se tendent vers Celui —
Qui n’est pas — qui ne sera jamais,
Qui ne peut être — et celui qui le doit...
Et l’enfant qui pleure le héros
Et le héros qui pleure l’enfant,
Et les grandes montagnes de pierre
Sur la poitrine de celui qui doit — en bas.
Je sais tout ce qui fut, tout ce qui sera,
Je connais ce mystère sourd-muet
Que dans la langue menteuse et noire
Des humains — on appelle la vie.
Marina Tsvétaïéva, Le ciel brûle, traduction
Pierre Léon et Ève Malleret, Poésie/Gallimard,
1999, p. 79.
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02/11/2019
Juan Gelman, Vers le sud, précédé de Notes
Note XIX
homme / la vie est une chose
misérable / immortelle / ouvreuse
de blessures et douleurs / mais homme véritable /
regarde-la défaire
les tourments comme un bœuf humain
qui labourerait de l’autre côté de l’ombre /
ou qui te m’aimerait la transparence
pour souffrir pareillement
à jorge cedron
Juan Gelman, Vers le sud, précédé de Notes, traduction
de l’espagnol (Argentine) Jacques Ancet, Poésie /
Gallimard, 2014, p. 57.
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08/02/2019
Georges Perros Poèmes bleus
Ce n’est pas cela que j’attends
De la vie à l’odeur forte
Couleur de lilas veuve morte
Tu m’indiffères printemps.
L’algue marine et les vents
Qui viennent frapper à ma porte
L’amour que le diable l’emporte
Me sont plus émoustillants
Homme qu’un désastre habite
Mes vœux de nulle saison
Ne se soucient. Ma prison
Ce corps qu’un feu noir excite
Rien n’en peut changer le sort
Sinon toi, mort de ma mort.
Georges Perros, Poèmes bleus,
Gallimard, 1962, p. 43.
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25/11/2018
Jules Supervielle, Le Forçat innocent
Le miroir
Qu’on lui donne un miroir au milieu du chemin,
Elle y verra la vie échapper à ses mains,
Une étoile briller comme un cœur inégal
Qui tantôt va trop vite et tantôt bat si mal.
Quand ils approcheront, ses oiseaux favoris,
Elle regardera mais sans avoir compris,
Voudra, prise de peur, voir sa propre figure,
Le miroir se taira, d’un silence qui dure.
Jules Supervielle, Le Forçat innocent, dans Œuvres complètes,
édition Michel Collot, Pléiade / Gallimard, 1996, p. 280.
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25/10/2018
Édith Azam, Le temps si long
Parfois ça nous reprend
ce drôle de sanglot
tout bas
qui nous secoue la cage.
On n’y cède pas
non
ce serait déjà
beaucoup trop
beaucoup trop
être soi-même.
Ce serait beaucoup trop
accepter d’écouter
ce que nous dit la vie
du vide tout autour.
Alors alors…
On ferme à double tour
le corps
sa tentative.
On devrait lâcher prise
on se crispe
le mou !
Édith Azam, Le temps si long,
Atelier de l’agneau, 2018, p. 46.
©Photo Chantal Tanet
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21/04/2018
Malcolm Lowry, Pour l'amour de mourir
Des hommes dont le vent fait claquer le pardessus
Nos vies — mais nous n’en pleurons pas —
Sont comme ces cigarettes au hasard
Que, par les journées de tempêtes,
Les hommes allument en les protégeant du vent
D’un geste adroit de la main qui fait écran ;
Puis elles brûlent toutes seules aussi vite
Que s’aggravent les dettes qu’on ne peut pas payer,
Elles se fument si vite toutes seules
Qu’on a à peine le temps d’allumer
La vie suivante, qu’on espère mieux roulée
Que la première, et sans arrière-goût+
Au fond, elles n’ont pas de goût —
Et la plupart, on les jette au rebut..
Malcolm Lowry, Pour l’amour de mourir, traduction
J.-M. Lucchioni, préface Bernard Noël, La Différence,
1976, p. 81.
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10/01/2018
Samuel Beckett, Poèmes, suivi de mirlitonnades
je suis ce cours de sable qui glisse
entre le galet et la dune
la pluie d’été pleut sur ma vie
sur moi ma vie qui me fuit me poursuit
et finira le jour de son commencement
cher instant je te vois
dans ce rideau de brume qui recule
où je n’aurai plus à fouler ces longs seuils mouvants
et vivrai le temps d’une porte
qui s’ouvre et se referme
Samuel Beckett, Poèmes , suivi de mirlitonnades,
Editions de Minuit, 1978, p. 22.
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02/12/2017
Valérie Rouzeau, Va où
Il faut m’arracher allumer d’une autre étoile de chance pas bêcheuse
Quitter ce jardin de palabres où pour un peu me serais crue sans savoir
ni quand ni comment ni bien quoi semer à tout vent
Croquemorte de moi-même quelle idée ici je rends mon tablier mon
houx ma haie ma mauvaise pioche
Je m’en vais trouver de la vie par tous les temps
Cela commence à présent je change lalalère change d’air là
Valérie Rouzeau, Va où, Le temps qu’il fait, 2002, p. 85.
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23/06/2017
Henri Thomas, La joie de cette vie
J’écris, comme si écrire était mon unique moyen de vieillir sans douleur, et sans jouer un rôle dans les rouages.
J’ai l’impression d’appartenir à ma vie plus que ma vie ne m’appartienne, qu’il lui reste peu de choses à faire pour m’avoir tout à fait. Je ne lui échapperai pas — mais ce ne sera pas moi, cette vie qui m’a eu.
Si la mort est la solution du problème appelé la vie, nous ne comprenons pas plus le problème que la solution, et si nous pouvons constater cela, c’est grâce au langage, que nous ne comprenons pas davantage.
Henri Thomas, La joie de cette vie, Gallimard, 1992, p. 22, 25, 29.
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11/05/2017
Edmond Jabès, Le Soupçon Le Désert
Pratiquer l’écriture c’est pratiquer, sur sa vie, une ouverture par laquelle la vie se fera texte. Le vocable est l’étape vers l’inconnu où l’esprit paiera le prix de sa témérité ; cet inconnu sans lequel la pensée ne serait qu’une pensée morte et jamais une pensée à mourir, au plus vif, au plus écartelé de sa mort.
Edmond Jabès, Le Soupçon Le Désert, Gallimard, 1978, p. 81.
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16/01/2017
Andrea Zanzotto, Vocatif, suivi de Surimpressions, traduction Philippe Di Meo
Vide des toiles d’araignée
par les fissures et les vallées,
vide de naissance et de sang.
De l’eau et quel verbe pierreux
tu déposes au pied de ces monts, de ces collines,
et quel vert sans pitié
vous révélez dans un feu
inégal et néfaste
ou — c’est égal — dans un feu
effilé, équilibré
contre le mur où je pleure ; et le mur s’élève
depuis la tête lasse
lasse de naître et de naître encore
dans l’atroce vie bourdonnante.
Andrea Zanzotto, Vocatif suivi de Surimpressions,
traduit de l’italien et présenté par Philippe Di Meo,
Maurice Nadeau, 2016, p. 79.
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27/12/2016
Eugène Savitzkaya, À la cyprine
Crosse de la fougère née de la décomposition du monde, volubilis issu des boues, âpre arum urticant, ortie comme bouclier, boucle du liseron se propageant selon le métré précis qu’indique l’amas des racines, et coiffant les buissons de cassis, enroulement et déroulement, vie après mort, mort après vie, semant, perdant, poussant contre les murs du vide et du néant et rompant la pierre comme pain sec
Eugène Savitzkaya, À la cyprine, les éditions de Minuit, 2015, p. 60.
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