25/01/2018
Guillevic, Relier, 1938-1996
Hautbois
À voir autour de lui
Tant de coquelicots
Le bluet
Préférait le rouge
*
Il fait très beau. La terre
Monte les escaliers.
*
À défaut d’océan,
Il y a ta paume
À regarder.
*
À cause
de la branche du frêne,
L’heure est gagnée.
*
Pas la peine, tilleul,
De te cacher en toi,
Je te connais.
*
Le poulain se surprend
Au cri du chat-huant.
*
Dans le verger,
Les pierres des murs,
Les prunes
Comptaient par siècles.
Guillevic, Relier, 1938-1996, Gallimard,
2007, p. 597 et 599.
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24/01/2018
Malcolm Lowry, "Poèmes inédits, traduction Jean Follain
Divagation à Vera Cruz
Où s'est-elle enfuie la tendresse demanda-t-il
demanda-t-il au miroir du Baltimore Hôtel, chambre 216.
Hélas son reflet peut-il lui aussi se pencher sur la glace
en demandant où je suis parti vers quelles horreurs ?
Est-ce elle qui maintenant me regarde avec terreur
inclinée derrière votre fragile obstacle ? La tendresse
se trouvait là, dans cette chambre même, à cet endroit même
sa forme vue, ses cris par vous entendus.
Quelle erreur est-ce là, suis-je cette image couperosée ?
Est-ce là le spectre de l'amour que vous avez reflété ?
Avec maintenant tout cet arrière-plan
de tequila, mégots, cols sales, perborate de soude
et une page griffonnée à la mémoire de ceux-là
qui sont morts, le téléphone décroché.
De rage il fracassa toute cette glace de la chambre. (Coût 50 dollars)
Malcolm Lowry, "Poèmes inédits", traduction Jean Follain, dans Les Lettres Nouvelles, "Malcolm Lowry", Mai-juin 1974, p. 226.
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22/01/2018
Maryline Desbiolles, Poèmes saisonniers
buis l’odeur
du buis reçue brève et
insistance (comme le ui de son nom)
en pleine joue bouche et même palais
odeur tout de suite perdue
le souvenir du buis ne sent rien
Maryline Desbiolles, Poèmes saisonniers,
éditions Telo Martius, 1992, np.
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20/01/2018
Haïku, anthologie du poème court japonais
Pas de pont —
le jour se couche
dans les eaux du printemps
Yosa Buson
Au printemps qui s’en va
les oiseaux crient —
les yeux des poissons en larmes
Matsuo Bashô
Jour de brume —
les nymphes du ciel
auraient-elles du vague ) l’âme ?
Kobayashi Issa
À la surface de l’eau
des sillons de soie —
pluie de printemps
Ryôkan
Dans les jeunes herbes
le saule
oublie ses racines
Yosa Buson
Haïku, anthologie du poème court japonais,
traduction Corinne Atlan et Zéno Bianu,
Poésie / Gallimard, 2002, p. 29, 32, 34, 36, 53.
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19/01/2018
Pierre Jean Jouve, Sueur de sang
À celle qui s’amuse
Inguérissable amour ! Inguérissable plaie
Inguérissable rouge feuilles dans du noir
Ou du blond mais toujours du sombre
Inguérissables maigres démons nus
Vous laissez en vous tordant contre les ombres
Inapaisés inguérissables trous sanglants.
Tu voles pourtant un sourire enragé
Tes yeux se promènent comme deux pierres
Ta chevelure est un jeu de frisons sur la tombe
Ton masque est mort pour mieux regarder
Pour mieux regarder des feux d’entrailles
La déraison cherchant à devenir raison
Inscrit un numéro sur la tenture.
Pierre Jean Jouve, Sueur de sang, dans Œuvre, I,
Mercure de France, p. 253.
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18/01/2018
Louis Scutenaire, Mes inscriptions
Le marquis de Sade sortit à cinq heures.
Ce monsieur est un gros poète.
C’est un livre admirable, comme il y en a tant.
L’idée de discipline me fait blêmir.
Dans ce monde où l’on n’a que la terreur pour se défendre de l’angoisse.
Il n’y a pas d’utopie.
Louis Scutenaire, Mes inscriptions, éditions Labor, 1990, p. 22, 24, 33, 42, 43, 44.
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17/01/2018
Saint-John Perse, Oiseaux
L’oiseau, de tous nos consanguins le plus ardent à vivre, mène aux confins du jour un singulier destin. Migrateur, et hanté d’inflation solaire, il voyage de nuit, les jours étant trop courts pour son activité. Par temps de lune grise couleur du gui des Gaules, il peuple de son spectre la prophétie des nuits. Et son cri dans la nuit est cri de l’aube elle-même : cri de guerre sainte à l’arme blanche.
Saint-John Perse, Oiseaux (1963), dans Œuvres complètes, Pléiade / Gallimard, 1972, p. 409.
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16/01/2018
Joseph Joubert, Carnets II
Ces esprits secs qui n’ont besoin que de doctrines ou de sèches pensées.
Pourquoi, disait-on à la pierre, offres-tu si peu de poli ? C’est que je ne suis pas du marbre.
De ce qui est théâtral dans la vie, dans les discours, dans les actions, dans les pensées.
L’esprit militaire est un esprit favorable à la bougrerie.
Tout vieillit, même l’estime, si on n’y prend garde.
Joseph Joubert, Carnets, II, Gallimard, 1994, p. 409, 419, 422, 424, 426.
Publication en janvier 2018 :
PAPILLES n° 48 AU RESTAURANT
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15/01/2018
Jacques Roubaud, C et autre poésie (1962-2012)
1994
il n’y a pas de ciel
pas d’yeux
pas de voix
rien qu’une lampe
une lampe dans la lumière
s’écoule
et ne reviendra pas
même si elle semble
posée
en permanence
sur la photographie au mur
sur les livres
en l’absence du ciel
d’yeux
et de voix
Jacques Roubaud, C et autre poésie
(1962-2012), NOUS, 2015, p. 308.
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13/01/2018
Fabienne Raphoz, Parce que l'oiseau
Le journal fausse le passé, au moment de sa lecture, il force le souvenir. C’est un paradoxe temporel : écrit dans l’instant pour ne pas perdre l’instant, il laisse perdre tous les instants qu’il n’a pas consignés. Parfois, le journal fonctionne à la manière du carnet, comme un déictique, un propulseur, la note lacunaire ouvre un champ que le poème, même condensé, saura, ou ne saura pas, exprimer, mais s’il est trop rédigé, le fragment se suffit à soi-même.
Fabienne Raphoz, Parce que l’oiseau, collection Biophilia, Corti, 2018, p. 26.
* * *
La dernière livraison (n° 27, 12 €) de la revue Phœnix est en partie consacrée à l’écrivain Étienne Faure. À lire !
Étienne Faure publie ce mois-ci aux éditions le phare de cousseix, Écrits cellulaires, que l’on peut commander directement (7 € + 1 € frais de port):
Editions le phare de cousseix
Le Cousseix, n° 7
23500 Croze
Par ailleurs, la revue Phœnix invite Étienne Faure le 18 janvier, avec Stéphane Bouquet, Jean-Pierre Chevais et Marie de Quatrebarbes. Pour plus de précisions :
https://www.entrevues.org/actualites/phoenix-etienne-faure/
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12/01/2018
Manfred Peter Hein, L'érable contre la maison
Melencolia
Devant la fenêtre les trois
colonnades claires du bouleau
partageant l’obscurité
Obscurité mienne celle que j’écris
voix projetée dans l’obscur par-delà l’étoile
En ce jour de comète
pulvérisée lumière entre les prunelles de
Melencolia
Manfred Peter Hein, L’érable contre la maison,
traduction de l’allemand Natacha Ruedin-Royon,
Alidades, 2017, p. 25.
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11/01/2018
Jean Tardieu, Une Voix sans personne
Pouchkine
La parole amoureuse élit domicile à la sandale des nomades. Elle court dans l’avoine sans fin.
Vers le soir la passion du feu compense un clair marteau de cloche. Le vent gonfle la fureur du bronze.
Soudain l’éclair du couteau des étoiles ! Un violon sur les rochers d’ébène annonce le printemps de la mort.
Jean Tardieu, Une Voix sans personne, Gallimard, 1954, p. 109.
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Jean Tardieu, Une Voix sans personne
Pouchkine
La parole amoureuse élit domicile à la sandale des nomades. Elle court dans l’avoine sans fin.
Vers le soir la passion du feu compense un clair marteau de cloche. Le vent gonfle la fureur du bronze.
Soudain l’éclair du couteau des étoiles ! Un violon sur les rochers d’ébène annonce le printemps de la mort.
Jean Tardieu, Une Voix sans personne, Gallimard, 1954, p. 109.
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10/01/2018
Samuel Beckett, Poèmes, suivi de mirlitonnades
je suis ce cours de sable qui glisse
entre le galet et la dune
la pluie d’été pleut sur ma vie
sur moi ma vie qui me fuit me poursuit
et finira le jour de son commencement
cher instant je te vois
dans ce rideau de brume qui recule
où je n’aurai plus à fouler ces longs seuils mouvants
et vivrai le temps d’une porte
qui s’ouvre et se referme
Samuel Beckett, Poèmes , suivi de mirlitonnades,
Editions de Minuit, 1978, p. 22.
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09/01/2018
Emily Dickinson, Ses oiseaux perdus (dernières années, 1882)1886)
Tout à fait vide, tout à fait calme,
La Grive boucle son Nid et exerce ses Ailes —
Elle ne connaît pas la Route
Mais avance Machine toute
Vers des rumeurs de printemps —
Elle ne demande pas de Midi —
Elle ne demande pas de Merci —
Sans miettes et sans force, avec une seule requête —
Ses Oiseaux perdus —
Quite empty, quite at rest,
The Robin locks her Nest, and tries her Wings —
She doesnot know her Route
But puts her Craft about
For rumored springa —
She does not ask for Moon —
Se does not ask for Boon —
Crumbless and homeless, of but one request —
The Birds xhe lost —
Emily Dickinson, Ses oiseaux perdus, traduction François
Heusbourg, éditions Unes, 2017, p. 59 et 58.
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