03/07/2024
Michel Leiris, La ruban au cou d'Olympia
A l’inverse d’Olympia nue, Nana corsetée et juponnée n’a auprès d’elle pour l’honorer ni domestique d’une autre raee ni animal d’une autre espèce mais seulement montré assis et de profil dans la partie droite du tableau — un bourgeois d’êge moyen à haut de forme ,habit noir et plastron blanc, miché par qui la femme objet semble jaugée tout comme l’œuvre elle-même le sera par l’amateur.
Olympia, Nana : nullement femmes fatales mais fabricantes de plaisir comme il y a des gens qui fabriquent des armes et d’autres du chocolat.
Michel Leiris, Le ruban au cou d’Olympia, Gallimard, 1981, p. 259.
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02/07/2024
Michel Leiris, Le ruban au cou d'Olympia
Le colza dont le jaune agace les dents et qu’on rangerait du côté du citron plutôt que de celui de l’huile.
Innombrables sont les choses qui ne ressemblent pas à ce qu’elles sont (une feuille, par exemple, que rien ne révèle poumon, un avion qu’on dirait trop lourd pour imiter l’oiseau, un ordinateur que rien n’indique cerveau) et nombreuses celles qui ont un aspect trompeur (l’ours à l’air bonasse, le serpent corde sur le sol, le poisson dont les ouïes ne sont pas des oreilles, la lune disque haut suspendu, l’arbre fantôme, le mort homme endormi)
Ne pas brouiller les cartes mais tailler dans le vif, ne pas biaiser mais prendre l’équivoque par les cornes ou la trancher comme un nœud gordien, voilà ce qui est peut-être l’ABC de la poésie.
Michel Leiris, Le ruban au cou d’Olympia, Gallimard, 1981, p. 121.
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01/07/2024
Michel Leiris,
Souveraine fuite
Éveil des mains secrètes
aux replis du courage rapide,
cabrée la trajectoire corporelle des urnes,
sens incurvé sur les abîmes.
L’évidence des retraites
agite le frein vagabond.
vaste seuil de couronnes frôlant le total nu.
Michel Leiris, Simulacre (1925), dans Mots sans mémoire,
Gallimard, 1969, p. 23.
7
Entre chien et loup,
quand le pauvre ne sait quelle mouche se pose
ou quelle encre le pique,
l’alphabet s’émancipe.
En route mauvais troupe !
Michel Leiris, Marrons sculptés pour Miró (1956), dans
Mots sans mémoire, Gallimard, 1969, p. 141.
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08/01/2023
Michel Leiris, Le ruban au cou d'Olympia
Lumière chaude,
Frôlement trouble
Baiser de miel,
Bruit percutant.
Contour mou,
Alcool dur.
Mélodie plate,
Accords chatoyants.
Parfum pimenté,
Harmonie fade.
Vue insipide,
Peinture savoureuse.
Goût râpeux,
Musique caressante.
Parler rocailleux,
Sonorité brillante.
Ton aigre,
Voix veloutée.
Couleur acide,
Chant sirupeux.
Michel Leiris, Le ruban
au cou d’Olympia, Gallimard,
1981, p. 119-120.
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22/05/2022
Michel Leiris, À cor et à cri
En ce temps où les media occupent tous les horizons et où de leur fait nous vivons par procuration dans une large mesure, mourir c’est non seulement ne plus pouvoir parler mais n’être plus à même d’écouter et de lire les paroles douces ou aigres que, si vous êtes parvenu à i-un peu de notoriété, radio, télévision et journaux imprimés déversent temporairement sur vous. Mourir : passer gibier de presse qui n’existe plus que sur papier ou sur ondes et, en tant que personne dont les cinq sens étaient autant de fenêtres, devenir étranger à tout, faute de disposer du moindre actif ou passif de communication avec quiconque.
Michel Leiris, À cor et à cri, Gallimard, 1988, p. 79.
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21/05/2022
Michel Leiris, À cor et à cri
Que le discours même le plus sensé soit incapable d’imposer silence aux méchants dont les agissements ensanglantent notre planète et, même à froid, vont à l’encontre de la justice la plus élémentaire, cela ne dévalorise-t-il pas toute forme de parole et n’incite-t-il pas à tout simplement se taire, sans que — ressort autre que l’idée trop utopique de moraliser, prêcher ou chapitrer — la réflexion sur ce qu’on peut attendre encore de la parole devienne prétexte à un autre discours. Me borner, donc, aux demandes et réponses qu’exige la vie telle qu’elle est et me garder d’ajouter à ce strict nécessaire sans relief ni visage d’élégants exercices de funambule. Mais dans quel vide intolérable m’abîmerai-je, antennes coupées, si je tenais ma langue à ce point ! Littérairement me taire : je pourrai dire aussi bien me « terrer » voire « m’enterrer ».
Michel Leiris, À cor et à cri, Gallimard, 1988, p. 95.
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20/05/2022
Michel Lzeiris, Langage tangage ou Ce que les mots me disent,
âge — agite puis assagit ?
baroque — braqué, arqué, cabossé de beaux raccrocs cabrés
chaussures — assurent chaude et sèche la marche
démon — mon dé
étang — hanté
femme — affame, puis se fane
gloire — gel glauque des rois
hasard — vaste bazar !
individu — nid divin de l’unique
jazz — jase en zigzag
luxure — exalte les corps et fait que, nus, ils exultent
maladie — la dîme
norme — morne
œuvre = verrou ?
penseur — sans peur
Michel Leiris, Langage tangage ou Ce que les mots me disent, Gallimard, 1985.
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21/12/2021
Michel Leiris, Mots sans mémoire
Bagatelles végétales
ADAGE DE JADE :
Apprendre à parier pour la pure apparence
Idées, édits. Édifier, déifier.
La manne des mânes tombe des tombes.
L’âtre est un être, les chaises sont des choses.
Le sang est la sente du temps. L’ivresse est le rêve
de l’ivraie des viscères.
Ne rien renier. Deviner le devenir.
Pense au temps, aux taupes et à ton impotence pantin !
Affirmer, affermir, affermer.
Afrique sui fit refit et qui fera.
Aimer les mets des mots, méli-mélo de miel et de moelle.
ALERTE DE LAËRTE
« Ophélie
est folie
et faux lys :
aime-la »
Michel Leiris, Mots sans mémoire, Gallimard, 1970, p. 119.
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18/12/2021
Michel Leiris, Le ruban au cou d'Olympia
Qui ne crie qu’en silence mais qu’un rien, parfois, fait donner de la voix.
Qui tâche de panser avec des mots sa plaie sans origine repérable.
Qui jamais ne met bas le masque, lui qu’a façonné la langue que d’autres ont façonnée.
Qui supporte la solitude avec peine mais n’est guère plus à l’aise en compagnie.
Qui se défie de ses dopings, alcool et café noir, car ils ne font mieux courir que son tourment.
Qui, du repas amical qu’il attendait comme une fête, revient généralement déçu, s’accusant lui le premier de n’avoir pas été à la hauteur.
Qui se voudrait en marge comme y appelle la poésie, mais tient à faire œuvre tant soit peu militante et, sans chercher plus loin, se réjouirait de subjuguer en racontant de belles histoires au lieu de se raconter.
Qui, pour se fuir, furète au fond de son moi.
(...)
Michel Leiris, Le ruban au cou d’Olympia, Gallimard, 1981, p. 254.
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17/12/2021
Michel Leiris, Le ruban au cou d'Olympia
À l’inverse d’Olympia nue, Nana corsetée et juponnée n’a auprès d’elle pour l’honorer ni domestique d’une autre race ni animal d’une autre espèce mais seulement — montré assis et de profil dans la partie droite du tableau — un bourgeois d’âge moyen à haut-de-forme, habit noir et plastron blanc, miché par qui la femme-objet semble jaugée tout comme l’œuvre elle-même le sera par l’amateur.
Olympia, Nana — nullement femmes fatales, mais fabricantes de plaisir comme il y a des gens qui fabriquent des armes et d’autres du chocolat.
Michel Leiris, Le ruban au cou d’Olympia, Gallimard, 1981, p. 259.
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16/12/2021
Michel Leiris, Le ruban au cou d'Olympia
Lumière chaude.
Frôlement trouble.
Baiser de miel.
Bruit percutant.
Couteau mou.
Alcool dur.
Mélodie plate.
Accord chatoyants.
Pa rfum pimenté.
Ha rmonie fade.
Vue insipide.
Peinture savoureuse.
Goût râpeux.
Musique caressante.
Parler rocailleux.
Sonorité brillante.
Ton aigre.
Voix veloutée.
Couleur acide.
Chant sirupeux.
Michel Leiris, Le ruban au cou
d’Olympia, Gallimard, 1981, 119-120.
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08/02/2021
Michel Leiris, Marcel Jouhandeau, Correspondance, 1923-1977
Michel Leiris à Marcel Jouhandeau
[Beni-Ounif] Dimanche 10 mars [1940]
En ce qui concerne les gens, j’ai eu la chance inouïe — de par la nature même de la formation dont je fais partie — de me trouver en contact avec la foule la plus diverse qui se puisse imaginer : métropolitains, Africains du Nord, gens de toutes régions, de toutes classes, de toutes armes, de tous métiers. Ce que j’ai perçu clairement, c’est que ce qui fait la qualité humaine d’un individu (c’est-à-dire ce qu’il peut y avoir de séduisant, d’émouvant, de respectable) est tout à fait indépendant de sa position sociale, de ses croyances, de ses opinions. Pour m’exprimer dans un autre langage : il y a en chacun quelque chose qui lui est essentiel — une sorte de « part de Dieu » —, radicalement distinct de ce qu’il représente sur le plan des choses purement humaines.
Michel Leiris, Marcel Jouhandeau, Correspondance 1923-1977, éditions Denis Hollier et Louis Yvert, Les cahiers de la nrf, Gallimard, 2021, p. 157.
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27/10/2020
Michel Leiris, Le ruban au cou d'Olympia
Qu’Édouard Manet y ait songé ou non, son Olympia est agencée de manière telle que plusieurs tiges du somptueux bouquet de l’amour charnel se trouvent rassemblées dans la pièce exiguë qui constitue le décor :
la cible du désir (Olympia que font plus nue son ruban et autres menus accessoires) ;
l’appel à des ardeurs étrangères au monde journalier (la camériste à chaude couleur de peau et vêture d’un autre climat) ;
l’obscurité d’un mystère qui se laisse toucher mais nulle caresse ne séduire (le chat noir).
Michel Leiris, Le ruban au cou d’Olympia, Gallimard, 1981, p. 70.
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17/02/2020
Michel Leiris, À cor et à cri
Où que je sois
quoi que je fasse
je passe toute ma vie
à regarder couler ma vie
note unique qui ne suffit pas
à créer une mélodie
Michel Leiris, À cor et à cri,
Gallimard,1988, p. 111.
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28/10/2018
Michel Leiris, Mots sans mémoire
Bagatelles végétales
Absolu. Absalon.
Adages de jade :
Apprendre à parier pour la pure apparence.
Idées, édits. Édifier, déifier.
La manne des mânes tombe des tombes.
L’âtre est un être, les chaises sont des choses.
Le sang est la sente du temps. L’ivresse est le rêve et l’ivraie des viscères.
Ne rien renier. Deviner le devenir.
Pense au temps, aux taupes et à ton impotence, pantin !
Affirmer, affermir, affermer.
Afrique qui fit — refit — et qui fera.
Aimer le mets des mots, méli-mélo de miel et de moelle.
Michel Leiris, Mots sans mémoire, Gallimard, 1969, p. 119.
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