20/05/2022
Michel Lzeiris, Langage tangage ou Ce que les mots me disent,
âge — agite puis assagit ?
baroque — braqué, arqué, cabossé de beaux raccrocs cabrés
chaussures — assurent chaude et sèche la marche
démon — mon dé
étang — hanté
femme — affame, puis se fane
gloire — gel glauque des rois
hasard — vaste bazar !
individu — nid divin de l’unique
jazz — jase en zigzag
luxure — exalte les corps et fait que, nus, ils exultent
maladie — la dîme
norme — morne
œuvre = verrou ?
penseur — sans peur
Michel Leiris, Langage tangage ou Ce que les mots me disent, Gallimard, 1985.
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09/07/2021
Christian Prigent, Chino au jardin
Mais pressons pressons. Déjà cent étoiles au ciel. Prends ton chapeau, mets tes bretelles : si tu rates la messe, la soupe après c’est pas l’oignon, c’est la grimace. On se précipite, pite, patte, deux pattes quatre à quatre au trot toutes jambes caro cari cara caracole hop là au galop. Qui botte en tra tra versant cataclop le carré tchouc tchouc aux choux tagada le cul de qui qui encombre ? GM, de Ki, le chien qu’a un œil qui dit kaoc’h à l’autre. S’il en avait deux qui diraient merde, ce serait Kiki. Avait qu’à pas japper beurton en large sur le seuil en plus d’aboyer chinot en long dans l’allée : va voir si y a pas du lapin ailleurs dans les Pointus d’Hiver.
Christian Prigent, Chino au jardin, P.O.L, 2021, p. 175.
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06/06/2019
Ghérasim Luca, La paupière philosophale
L’émeraude
Elle est comme la mère d’une robe
Elle a l’air de rogner ses coudes amers
comme une rondelle
mais elle n’aime pas son rôle de laine
Elle est roche des odes
et rotules des ondes
Émergée de la mer de tulle
d’un thème rose
elle rode dans le lemme d’air
d’un ver
comme l’arôme ronde de l’aronde
qui ronge une rondelle d’hirondelles
à l’aube sur la roche de l’arroche
Lorsque d’un gant extrêmement arrogant
la rose arrose l’arobe des robes
de l’autre côté du tréma de son unité
elle gêne tout autrement
la gerbe à traîne ardente
de ses trente dents à la ronde
Ghérasim Luca, La paupière philosophale, Corti,
2016, p. 71-74.
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25/12/2018
Jacques Prévert, Aphorismes, épigrammes et graffiti
L’opinion publique
« Je suis heureux !
— De quel droit ? »
Et on le fusille du regard
en attendant mieux.
Et la Vierge Marie vendit Joseph à madame « Putiphar » pour un plat de lentilles.
Il fallait bien nourrir le Petit.
Jésus-Christ était
cruciverbiste.
Si on avait compté les siècles après Eros ou Vénus au lieu d’après Jésus-Christ, on n’en serait pas là.
Jacques Prévert, Textes divers, dans Œuvres complètes, II,
Pléiade / Gallimard, 1996, p. 931, 936, 936, 936.
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23/11/2018
Jacques Moulin, Sauvagines
Regard de clairière
Paupières feuillues
Œil de lynx
Oreilles sylvestres
Nez en l’air jusqu’à terre
Nez en flair avec
L’humus l’humeur des vents
L’ardeur des fumées
L’honneur du poil ou de la plume
Mains moussues
Corps tendu vers l’attente l’accueil
Il avance sans appareil photo
— l’appareil ne l’appareille jamais
Il avance toutes antennes offertes
Live sauvagement live
Il ne vient pas faire photo
Gonfler l’album thésauriser le cliché
Jouer la montre la démonstration
Il vient comprendre attendre entendre
Goûter à l’espace apprécier les lieux
Se dissoudre en eux
Garantir sa communion avec le vivant
Il est vivant au sein du vivant
Comme la pierre il est posé là
Dans le mitan du monde
Un coup de sécateur — sa dentition sauvage
Et il attend il observe il écoute il respecte
Il est à l’affût il s’affûte corps et esprit
[…]
Jacques Moulin, Sauvagines, éditions la clé à molette, 2018, p. 27-28.
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28/10/2018
Michel Leiris, Mots sans mémoire
Bagatelles végétales
Absolu. Absalon.
Adages de jade :
Apprendre à parier pour la pure apparence.
Idées, édits. Édifier, déifier.
La manne des mânes tombe des tombes.
L’âtre est un être, les chaises sont des choses.
Le sang est la sente du temps. L’ivresse est le rêve et l’ivraie des viscères.
Ne rien renier. Deviner le devenir.
Pense au temps, aux taupes et à ton impotence, pantin !
Affirmer, affermir, affermer.
Afrique qui fit — refit — et qui fera.
Aimer le mets des mots, méli-mélo de miel et de moelle.
Michel Leiris, Mots sans mémoire, Gallimard, 1969, p. 119.
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05/04/2018
Jean-Pierre Verheggen, Ni Nietzsche, Peau d'Chien
Le cas Cosima (Mystère ?) Le cas Vaginer ?
Turin, 3 octobre 1888
Lorsqu’il le veut diminué, réduit, c’est : Wagner est un bébé 8 Un bébé mongol et incontinent qui fait du pisse-copiemusical dans ses Pampersifal !
Lorsqu’il le voir trop encombrant, c’est : Wagner est un Persifalstaf de Mes Deux qui fait couac sur couac comme un violoneux.
C’est évidemment excessif. Discourtois. Voire bêtasse et injurieux !
De plus, c’est injuste pour l’opéra de son exami.
Mais c’est ainsi !
Nietzsche fait de tout un cas
Un cas Pohl !
Un cas Nohl !
Un pot d’Kohl !
Un cas Fritzsh !
Des caprices !
Tout sauf un cas cliNietzsche !
Le cas des cas !
Celui pour lequel il fait le grand Caruso béat !
Son aria !
Son Ariane !
Sa Wagner’s Madame
Son.
Sa.
(C’est cosiment ça !)
Cosima !
Jean-Pierre Verheggen, Ni Nietzsche, Peau d’Chien !,
TXT, 1983, p. 34.
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09/10/2016
Ana Tot, Méca
Méca : ce titre pourrait être une abréviation de mécano et, alors, évoquer un jeu de construction ; ici, une grande partie des 69 textes se construit à partir d’un procédé simple : mots de sens opposés (vide / plein, accepter / refuser, différent / pareil, etc.), expressions courantes qui ouvrent un texte (il faut tenir le coup, ça va aller, ça n’a aucune importance, etc.), exploration de ce qui peut être dit d’une ‘’entrée’’ comme « si j’étais », « je suis bien épaisse », répétitions, énumération de ce qui peut suivre un pronom : « elle est bonne. Elle voit. [etc.] », passage d’un mot (matière) à un autre (histoires), etc. On aurait donc de cette manière des jeux avec les ressources de la langue, des exercices de style qui aboutissent d’ailleurs parfois à des énoncés cocasses : la proposition d’ouverture « tout a une fin », après des considérations sur le rapport entre la fin et le commencement, entraîne : « Tout a une fin, sauf le saucisson ». Mais ce n’est pas si simple.
Dans la page titre, différente de ce qu’on lit sur la couverture, sous méca vient camées ; ce renvoi à un travail minutieux de mise en relief ne contredit pas le sentiment premier de jeu. L’anagramme phonique [mé-ca /ca-mé] oriente cependant dans une autre direction : la lecture ne peut s’arrêter à une signification, ce qui est explicite dans un texte où l’on passe d’un sens à l’autre du mot « langue » ; si « je te mets ma langue dans la bouche. Ce n’est pas la langue du plaisir, ce n’est pas une présence. C’est mécanique. C’est la langue. », d’où : « Alors tu sors de toi. C’est désagréable. Ce n’est pas mécanique. C’est enfin la création de ta langue grâce à la langue mécanique. » Ce qui permet de conclure : « C’est enfin la réaction qui te fait réagir. Tu dis, tu réagis, tu jouis, non [dans la bouche] ». Le jeu existe, certes, mais pour dire une expérience.
Les mots en gras (qui s’accordent ici avec le double sens de « langue »), sont séparés de l’ensemble ; simples ou multiples, ils forment une sorte de synthèse à l’issue de chaque texte : à partir de leur réunion dans une table des matières, on esquisse sans trop de peine une vision peu avenante des choses du monde. Sont en effet récurrents des mots reçus avec un sens négatif à des degrés variables : « tout allait rien, rumination, ça-n’a-aucune-importance est, n’arrive pas, rien, basta, choquer, lasse, tout ce sang », le beckettien « pour en finir avec » et le dernier mot du livre, l’impératif « crève ».
Cette invitation à crever dans le texte final est faite non seulement à tous ceux qui, socialement, ont un rôle particulier (les artistes, les poètes), mais à l’humanité bien portante dans son ensemble et aux animaux qui l’accompagnent (chiens, chats) ; toujours dans le jeu des oppositions, à « crever » répond « vivre », qui inclut les rejetés de notre société où tout doit être propre, transparent, sans aspérités : « les vieillards inutiles, les hommes sans génie, les beautés sans Beauté, les choses sans Vérité, les vérités sans Machin-Chose, les fourmis, les microbes, les imbéciles et les incultes. [etc.] ». Opposition exprimée avec humour — il faudrait tout citer —, mais facile, qu’on peut estimer simpliste, et Ana Tot ne l’ignore pas : si la double proposition (crever /vivre) apparaît être un programme, somme toute assez commun, que ce programme lui-même disparaisse ! Que reste-t-il ? « [crève] ». Et peut-être que ce dernier mot du livre sur l’inanité des choses de la vie, renvoie au premier texte.
La phrase d’ouverture, « les choses ne sont pas comme elles sont », prend à rebours la proposition d’Aristote, si souvent commentée : « Le commencement de toutes les sciences, c’est l’étonnement de ce que les choses sont comme elles sont. ». Ana Tot laisse de côté le premier membre de la phrase et, de manière virtuose, semble démonter la proposition en jouant sur « comme elles sont » et en introduisant deux termes (cravates, chaussettes) et non un (choses), ce qui donne à l’issue du raisonnement : « si je te dis justement que tes cravates sont comme des chaussettes c’est que tes cravates sont [comme elles ne sont pas]. Ce n’est pas tant la réflexion philosophique qui est mise à l’épreuve que la lecture sans réflexion.
Par ailleurs, Ana Tot avance à différents endroits de Méca des propositions qui, réunies, interrogent une vision du monde. Ainsi, du statut du ‘’je’’, donc de l’humaine condition : partant de « nous ne créons rien », elle aboutit à « Nous sommes le poids d’un passé qui contient présent et avenir. […] Tout est passé, joué, donné, produit. » S’interrogeant sur ce qui peut être cherché par chacun de nous, qui manquerait, la narratrice affirme « personne, moi pas davantage qu’un autre, ne manque à quoi que ce soit » — ce qui ne peut en effet être discuté et conduit à conclure que « c’est rien qui manque », donc on ne peut que chercher rien… Etc.
Ces considérations importent, mais ne sont pas ce qui retient d’abord. Le lecteur est plus immédiatement sensible au fait d’être emporté dans un labyrinthe de mots et d’être contraint de relire pour saisir le fonctionnement d’une rhétorique souvent subtile. Emporté aussi dans la jubilation d’une écriture qui joue sans cesse avec la syntaxe ou, parfois, avec des consonances en série : « Breloques, bibelots, babioles ! mes bibles, mes bribes, mes billes ! Mes mots, mes mottes, mes montres… » Et séduit par un lyrisme discret, quand la narratrice, à plusieurs endroits, se dédouble, alors « L’une repose sur le lit de mes jours. L’autre s’enflamme / [sur le bord de mes nuits] ».On relit plusieurs fois ce petit livre foisonnant de vie et l’on remercie Le Cadran ligné de l’avoir publié.
Ana Tot, Méca, Le Cadran ligné, 2016, 72 p., 13 €.
Cette recension a été publiée sur Sitaudis le 21 septembre 2016.
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06/06/2016
Ghérasim Luca La Paupière philosophale : recension
Un numéro de la revue Europe consacré en grande partie à Ghérasim Luca paraît en même temps que La paupière philosophale : c’est une somme sur ce poète trop méconnu et nous y reviendrons. La prière d’insérer précise que le recueil de courts poèmes publié par les éditions Corti a été écrit en 1947, la même année que Passionnément, qu’il faut relire — mais peut-on se passer de relire Le chant de la carpe, La proie s’ombre, ou d’écouter Ghérasim Luca dire Comment s’en sortir sans sortir ? Pour l’instant, nous découvrons comment l’on peut écrire à propos de pierres précieuses.
Le livre est partagé en 10 courts ensembles, le premier non pas sur une paupière — il n’y a que des yeux ouverts sur le monde des mots —, mais amorçant la suite consacrée aux pierres, l’opale, l’onyx, le lapis-lazuli, etc. Ghérasim Luca les décrit à sa façon, en considérant que ce sont des mots : il s’agit de décomposer chaque nom et de composer d’autres mots à partir de là. ‘’Opale’’ contient le son ‘’o’’, qui peut donc prendre la forme écrite ‘’eau’’, ‘‘au’’ ; ‘’pale’’ se décompose en ‘’pal’’, ‘’al(e)’’, ‘’pa’’, ‘’p’’, et l’on peut encore ajouter ‘’op’’. Tous ces éléments phoniques ou graphiques, fragments de ‘’opale’’, sont assemblés de diverses manières de sorte que le lecteur puisse reconnaître (entendre ou lire) ‘’opale’’, ou un des éléments du nom. Ainsi dans le second poème pour cette pierre :
L’eau palpe le poulpe
Mais le hâle le pèle
Après la reprise du mot (« L’eau pal[pe] »), Ghérasim Luca introduit une variation de la suite ‘’al’’, et ‘’pal’’ devient ‘’poul’’, puis ‘’pèl’’ — ‘’poulpe’’ apparu dan le premier poème formé d’une série avec des mots de construction ‘’p + voyelle’’. Ces manipulations aboutissent à de mini récits souvent pleins d’humour et toujours évoquant un univers étrange ; la syntaxe étant respectée, on cherche assez spontanément à savoir « ce que ça veut dire ». Ça veut dire que défaire les mots (prononcés, écrits) et en agencer les éléments dans un autre ordre, aboutit à proposer des associations insoupçonnées.
Prenons la turquoise. Avec un principe de décomposition analogue, le mot offre ‘’tu’’, ‘’tur’’, ‘quoi’’, ‘’qu + voyelle’’, ‘’q’’, ‘’oi’’, donc ‘’oua’’, ‘’oa’’. Tous éléments à partir desquels se bâtit un poème nonsensique :
Sur le turf oiseux d’un tutu / Turlututus et turluttes / Sont disposés en quinconce
Trois-quarts en ouate pour les oiseaux / Trousse-queue en quartz pour les oasis
Le lecteur prendra plaisir à suivre les transformations opérées avec les mots onyx, lapis-lazuli, saphir, chrysophrase, améthyste, rubis et émeraude — ce dernier contient ‘’mer’’, donc ‘’mère’’, et ‘’raude’’, d’où avec changement de consonne ‘’raube’’, et Gérasim Luca écrit alors : « Elle [= l’émeraude] est comme la mère d’une robe ». Il prendra plaisir parce que l’on entre aisément dans cet univers qui, certes, se dérobe au sens, mais s’offre généreusement à l’imaginaire de chacun.
Ghérasim Luca, La Paupière philosophale, Corti, 2016, 80 p. ,14 €. Cette note de lecture a été publiée sur Sitaudis le 20 mai 2016.
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27/08/2014
Jacques Moulin, Comme un bruit de jardin
Fraisier
On ne joue pas avec la fraise. C'est un mot d'incandescence une cavité plaine.
On se dit de la fraise sans s'y afficher. À peine la finale rappelle-t-elle qu'on y est. Qu'on s'y fraie en sujet. Avec bonheur au vu du zézaiement qui pousse à l'écholalie.
On se rêve en la fraise akène grave glissé à l'infini des braises.
*
S'adonner de nouveau à la fraise aller
au mot point d'avidité avoir
raison de ses bordures
S'en tenir aux fièvres de sa forme
— on frise encore le fruit —sans
déranger la fleur
— on apaise ses craintes abrège sa perte
S'ouvrir à ses fragrances
aux graines de ses fuites
quand les stolons répandent
un jardin des errances
Composer avec elle prendre ses aises
demeurer enfin en sujet
dans l'éclat de son temps
Jacques Moulin, Comme un bruit de jardin, Tarabuste, 2014, p. 17-18.
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18/01/2013
Dominique Buisset, Quadratures
On ne sort pas vivant de l'à présent
Il n'a d'autre issue qu'en lui-même sans
Après sans rien nulle postérité
Sans aucun pas de côté apaisant
Pour aller souffler hors de l'incessant
On reste cloué au poste hérité
De qui on ne sait trop si même sang
Au chaudron fait même boudin cuisant
Mais régime riche ou sage eau riz thé
On rejoint toujours la majorité
*
J'ai aimé : trop long errata...
qu'aurais-je bien de plus à dire ?
On ne revient plus sur ses pas.
Pas aimé. Je n'ai pas plus à dire :
Que n'ai-je trié mes émois ?
J'ai mordu à bien trop d'appas,
et, bientôt, sur elles et moi,
un édredon de terre en tas...
Dominique Buisset, Quadratures, postface de
Jacques Roubaud, éditions NOUS, 2010, p. 69 et 42.
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27/11/2011
Michel Leiris, Le Ruban au cou d'Olympia
À main droite
ma manie de manipuler,
démantibuler,
désaxer et malaxer les mots,
pour moi mamelles immémoriales,
que je tète en ahanant.
Murmure barbare, en ma Babel,
tu me tiens saoul sous ta tutelle
et, bavard balourd, je balbutie.
À main gauche, mes machins,
mes zinzins,
mes zizanies,
les soucis (chichis et chinoiseries) qui me cherchent noise,
mes singeries, momeries et moraleries.
Ô gagâchis qu'agacé j'ai sagacement jaugé et tout de go gommé,
jugeant superfétatoirement enquiquinant son chuchotis ?
Au milieu
le mal mou qui me moud,
me mord,
me lime, m'annule,
m'humilie
et que, miel amer, je mettrais méli-mélo à mille lieues mijoter,
mariner,
macérer.
N'a-t-il dit que ce monde dément demande un démenti,
le démon qui m'enmantèle, m'enmêle et me démantèle.
Qu'est-ce que, pratiquement, je poursuis ?
— La combinaison de mots, phrases, séquences, etc., que je suis seul à pouvoir bricoler et qui — dans ma vie pareille, comme toute autre, à une île où les conditions d'existence ne cessent d'empirer — serait mon vade-mecum de naufragé, me tenant lieu de tout ce qui permet à Robinson de subsister : caisse d'outils, Bible, voire Vendredi (si je dois finir dans une solitude à laquelle je n'aurai pas le cœur d'apporter le catégorique remède).
... Ou plutôt ce qui me fascine, c'est moins le résultat, et le secours qu'en principe j'en attends, que ce bricolage même dont le but affiché n'est tout compte fait qu'un prétexte. Au point exact où les choses en sont au-dedans comme au dehors de moi, quoi d'autre que ce hobby pourrait m'empêcher de devenir un Robinson qui, travaux nourriciers expédiés, ne ferait plus que se glisser vers le sommeil, sans même regarder la mer ?
Michel Leiris, Le Ruban au cou d'Olympia, Gallimard, 1981, p. 176-177 et 195.
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