15/09/2024
Paul Claudel, Dodoitzu
PARTOUT !
La lune au levant
Le soir au couchant
La lune là-haut
L’étoile dans l’eau
Sens dessus dessous
Mon amant partout !
EVERYWHERE
Moon rising
Stars setting
Moon all over
Star in water
Topside down
— I love my own!
Paul Claudel, Dodoitzu,
Gallimard, 1945, np.
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23/11/2023
Emily Dickinson, Du côté des mortels
Je n’oserais pas quitter mon ami,
Au cas où — au cas où il devrait mourir
Pendant mon absence — et que — trop tard —
Je rejoigne le Cœur qui m’attendait —
Si je devais décevoir les yeux
Qui ont scruté — tant scruté — pour voir —
Et ne pouvaient se résoudre à se fermer avant
Qu’ils m’aient « aperçue » — ils m’ont aperçue —
Si je devais poignarder la foi patiente
Si sûre de ma venue —
Bien sûr je suis venue —
À l’écoute — à l’écoute — endormi —
En prononçant mon nom doucement —
Mon ©œur souhaiterait se briser avant ça —
Se briserait alors — alors brisé —
Serait aussi inutile que le prochain soleil du matin —
Là où le givre de minuit — s’étendait !
Emily Dickinson, Du côté des mortels, traduction
François Heusbourg, éditions Unes, 2023, p. 105.
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15/01/2023
Selima Hill, Portrait de mon amant en animal étrange
Portrait de mon amant en animal étrange
Ne me demandez pas pourquoi
mais je me suis bientôt mise à nourrir l’animal,
de chenilles, de crottes en chocolat, de baies sucrées —
ou autre, tant que c’était petit.
Sa bouche était aussi petite et serrée qu’une alliance.
Les nuits de clair de lune il aimait regarder les étoiles
et se blottir contre moi comme un flan géant.
Puis vint la nuit où il m’a semblé l’entendre parler.
Il prononçait mon nom !
Mon Dieu, comme c’était beau !
Mais il est vrai qu’alors l’épuisement m’avait fait perdre la tête.
Je m’étais laissée tomber à genoux sur le sable tant j’étais épuisée.
Et les sacs que j’avais portés ne contenaient sue des racines.
Quant à mon nom —
ce n’était que le bruit de ses mâchoires
broyant le corps
de son dernier roitelet.
Selima Hill, dans L’Île rebelle, Anthologie de poésie britannique au tournant du XXIe siècle,
Édition bilingue, choix de Martine De Clerq, Préface de Jacques Darras,
tous deux traducteurs, Poésie/Gallimard, 2022, p. 237.
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06/10/2022
Jean Gente, Le voleur
Le voleur
Vous êtes hypocrite immortelle écuyère
En robe d’organdi sur un cheval blond !
En pétales perdus vos beaux doigts s’effeuillèrent
Adieu mon grand jardin par le ciel terrassé !
***
Ainsi je reste seul oublié de lui qui dort dans mes
bras. La mer est calme. Je n’ose bouger. Sa pré-
sence serait plus terrible que son voyage hors
de moi. Peut-être viendrait-il sur ma poitrine.
Et qu’y pourrais-je faire ? Trier ses vomissures ?
Y chercher parmi le vomi, la viande, la bile, ces
violettes et ces roses qu’y délaient et délient
les filets de sang ?
(...)
Jean Genet, Le pêcheur du Suquet, dans Le condamné à mort, L’arbalète, 1958, p. 104-105.
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23/07/2021
Samuel Beckett, Bande et sarabande
Madame bboggs avait un amant dans la Délégation à l’urbanisme, au point que de, du reste, certaines dames malveillantes de sa connaissance ne perdaient pas une occasion de souligner la disparité frappante tant en ce qui concerne le physique que le caractère entre monsieur bboggs et Thelma : lui si sanguin, si blond et trapu à tous points de vue, attributs qui, remarquez bien, pouvaient non moins servir adéquatement de prédicat à sa fille Una ; une petite créature si frêle et noiraude. Anomalie des plus étranges, pour dire le moins, et qu’aucun ami de la famille ne pouvait vraisemblablement ignorer.
Le coucou présomptif, s’il n’était pas précisément l’un de ces petits bureaucrates sémillants dont on jurerait qu’ils sont venus au monde vêtus par Austin Reed,(1) présentait cependant quelques-unes des particularités spécifiques les mieux connues : le menton à fossette, les yeux de toutou si attirants, bruns et brillants, la surface sans ride d’un vaste front pâle dont la superficie était au moins le double de celle du bas du visage.
Samuel Beckett, Bande et sarabande, traduction Édith Fournier, éditions de Minuit, 1994 (More Pricks than Kicks, 1934), p. 186-187.
1. Chaîne britannique de vêtements.
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21/10/2018
Charles Reznikoff, La Jérusalem d'or
58
Tu crois que tu es une femme
parce que tu as des enfants et des amants ;
mais dans la rue
quand il n’y a qu’Orion et les Pléiades pour nous voir,
tu te mets à chanter, tu joues à la marelle.
71
Lorsque le ciel est bleu, l’eau, sur fond de sable, est verte.
On y déverse des journaux, des boîtes de conserve,
un ressort de sommier, des bâtons et des pierres :
mais les uns, les eaux patientes les corrodent, les autres
une mousse patiente les recouvre.
Charles Reznikoff, La Jérusalem d’or, Unes, 2018, np.
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08/11/2016
E. E. Cummings, une fois un (traduction Jacques Demarcq)
l’amour est une source à laquelle
s’abreuvent ces fous qui ont grimpé
plus raides que les espoirs sont peurs
simplement pas toujours nommées
des montagnes plus si quand chaque
totalité connue s’évapore
insouciants sont les amants qui
plus hauts que leurs peurs sont espoirs
sont les amants genoux à terre
eux dont les lèvres heurtent des cieux
inimaginés plus profonds
que le paradis n’est l’enfer
E. E. Cummings, une fois un, traduction Jacques
Demarcq, La Nerthe, 2015, p. 31.
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04/10/2016
Carol Ann Duffy, Valentine
Valentine
Non une rose rouge ou un cœur de satin
Je te donne un oignon.
Une lune enveloppée dans du papier Kraft.
Il promet la lumière
comme l’amour délicatement déshabillé.
Tiens.
Comme un-e amant-e tu seras
Aveuglé-e par les larmes
Il fera de ton reflet
Une photo floutée de chagrin.
J’essaie d’être juste.
Ni jolie carte ni baisers postés.
Je te donne un oignon.
Son baiser sauvage tiendra à tes lèvres
fidèle et possessif
comme nous le sommes,
pour autant que nous sommes.
Prends-le.
Ses rondelles platine te feront une alliance miniature,
si tu veux.
Fatal
son parfum s’accrochera à tes doigts,
à ton couteau.
Carol Ann Duffy, traduit par Nathalie Koble, dans
- K., Drôles de Valentines, Héros-Limite, 2016, p. 150.
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01/09/2016
Paul de Roux, Poèmes des saisons
En hommage à Paul de Roux, décédé dans la nuit du 27 au 28 août
D’où viens-tu, Été qui n’est plus là quand même
ce serait ta saison, et qui soudain nous effleures et nous gagnes ?
toi qui te vêts des plus lourds, des plus fastueux atours,
des feuilles les plus larges et des denses poussières, Été
à la trop courte nuit, renversant villes et campagnes
sous des ciels où s’effrite longuement la lumière, nuit
inventant des labyrinthes pour ses amants,
levant des futaies pour de blanches larmes de lune, et toi
oublié ou absent, soudain
faisant mentir le poids des jours, l’effluve
du tilleul chevauchant une imperceptible brise
serait ta résidence parmi nous ?
Paul de Roux, Poèmes des saisons, dessins de Gabrielle
de Roux, le temps qu’il fait, 1989, non paginé.
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29/09/2015
Dodoïtsu : Les montagnes, les rizières et la mer
Dodoïtsu
Que les grenouilles
Coassent dans l’eau
Et se lèvent dans ma mémoire
Les jours anciens
Sans doute viendra-t-il, mon bien-aimé
Et les soirs où il vient
Derrière, sur l’étang aux lotus
Les canards s’envolent
Buvons, chantons
Que serons-nous demain ?
Aujourd’hui, à mi-chemin nous sommes
Dans la fleur de l’âge
Libérant leurs gosiers
D’un mutuel assaut
Des oiseaux par milliers
Sur la route des îles
Le long des berges
Par temps de pluie
Des grenouilles se tiennent
Vigiles de l’autre monde
Les montagnes, les rizières et la mer, 64
Dodoïtsu, traduction et préface Alain
Kerven, Calligrammes, 1984, np.
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22/09/2014
Sappho, fragment 31, dans Yves Battistini, Lyra erotica
Mes yeux sont éblouis : il goûte le bonheur des dieux
cet homme qui, devant toi,
prend place, tout près de toi, captivé,
la douceur de ta voix
et le désir d'aimer qui passe dans ton rire. Ah ! c'est bien pour cela,
un spasme étreint mon cœur dans ma poitrine.
Car si je te regarde, même un instant, je ne puis
plus parler,
mais d'abord ma langue est brisée, voici qu'un feu
subtil, soudain, a couru en frissons sous ma peau.
Mes yeux ne me laissent plus voir, un sifflement
tournoie dans mes oreilles.
Une sueur glacée ruisselle sur mon corps, et je tremble,
tout entière possédée, et je suis
plus verte que l'herbe. D'une morte j'ai presque
l'apparence.
Mais il faut tout risquer...
Sappho, fragment 31, dans Yves Battistini, Lyra erotica, VIe siècle de notre ère-IXe siècle avant Jésus-Christ, Imprimerie nationale éditions, 1992, p. 263-264.
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20/09/2014
Jack Spicer, c'est mon vocabulaire qui m'a fait ça
Un livre de musique
Arrivant à la fin, les amants
Sont épuisés comme deux nageurs. Où
Cela finissait-il ? On ne peut pas savoir. Aucun amour n'est
Comme un océan avec le cortège vertigineux des limites des vagues
Desquelles deux peuvent émerger épuisés, ni un long adieu
Comme la mort.
Arrivant à la fin. Plutôt, dirais-je, comme une longueur
De corde enroulée
Qui ne se déguise pas dans les dernières boucles de ses longueurs
Ses terminaisons.
Mais, diras-tu, nous aimions
Certaines parties de nous aimaient
Et ce qui reste de nous restera
Deux personnes. Oui,
La poésie finit comme une corde.
Jack Spicer, c'est mon vocabulaire qui m'a fait ça, traduction pat Éric Suchère, préface de Nathalie Quintane, Le Bleu du ciel, 2006, p. 116.
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04/09/2014
Georges Bataille, Poèmes, dans Œuvres complètes, IV
Le loup soupire…
Le loup soupire tendrement
dormez la belle châtelaine
le loup pleurait comme un enfant
jamais vous ne saurez ma peine
le loup pleurait comme un enfant
La belle a ri de son amant
le vent gémit dans un grand chêne
le loup est mort pleurant le sang
ses os séchèrent dans la plaine
le loup est mort pleurant le sang.
La Marseillaise de l’amour
Deux amants chantent la Marseillaise
deux baisers sanglants leur mordent le cœur
les chevaux ventre à terre
les cavaliers morts
village abandonné
l’enfant pleure
dans la nuit interminable
Georges Bataille, Poèmes, dans Œuvres complètes, IV,
Œuvres littéraires posthumes, Gallimard, 1971, p. 27 et 35.
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