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30/10/2018

Peter Gizzi, Chansons du seuil

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Voile grise

 

Si j’étais un bateau

Je chavirerais sans doute

Si j’étais une prière

 

Si j’étais une douelle de bouleau

Une barque de bouleau

Si j’étais un bouquin

 

Je chanterai dans la rue

Seul au milieu du trafic

 

Si j’étais une toge

Je pourrais être un héros

À la crinière fleurie

 

Si j’avais un bateau

Je mangerais un sandwich

Dans la lumière étourdissante

 

Je rendrais des visites

Tel un livre saint

Si j’étais un bateau

Si j’avais une prière

 

Peter Gizzi, Chansons du seuil, traduction

Sréphane Bouquet, Corti, 2017, p. 30.

29/04/2017

Peter Gizzi, Chansons du seuil

                                             Peter Gizzi.JPG

Micro explosion

 

Juste une petite chanson avec un soupçon de méchanceté.

Un micro chardon sous la ceinture.

 

C’est ça, tu vois,

ce pincement au sein du céruléen fabuleux.

 

Ne t’enfuis pas. Tourne-toi vers l’intérieur

à l’aide de ta maigre force.

 

C’est le plus constant qui gagne l’aventure.

Ce crieur de loto. Ce pont des soupirs.

 

Et maintenant que tu es là sois brave.

Vis tous azimuts.

 

Peter Gizzi, Chansons du seuil, traduit par

Stéphane Bouquet, Corti, 2017, p. 44.

31/03/2015

Peter Gizzi, L'Externationale ; traduction Stéphane Bouquet

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La mémoire humaine est organique

 

Nous savons que le temps est une vague.

On voit ça dans le gneiss, migmatique

ou autre, tout s’effrite.

Ne désespérez pas.

C’est le message gelé dans les vieilles pierres.

Je suis juste un visiteur de ce monde

un intrus qui se dirige vraiment loin dans la glace.

Moi, me déplaçant sur une vaste étendue d’eau

bien que cela ne soit pas de l’eau peut-être du sel

ou la conscience elle-même

passant pour de l’empathie. Passant pour une vision.

Dotée d’un but la vue fleurit

et tombe en graines et recommence

à être une histoire comme n’importe quelle autre.

Être une historie ouverte et vulnérable

une mesure du temps, un jour, aujourd’hui on pourrait dire

un angle de lumière par exemple.

Examinons le vert. Allons ensemble

voir ce truc instable en devenir

violent et testant la gravité

si naturel dans sa faim.

L’existence organique de la gravité.

La nature organique de l’histoire.

L’histoire naturelle des larmes.

 

Peter Gizzi, L’Externationale, traduction Stéphane Bouquet,

Cori, 2013, p. 35-36.

02/12/2014

Stéphane Bouquet, Un peuple

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Walt Whitman : ce qui m'a touché le plus, au début, dans Feuilles d'herbe, est la fin d'un poème — peut-être bien Song of Myself . Chanson de moi-même : je suis là, je vous attends. Et aussi : d'ici, d'où je suis, je vous contiens déjà, respirations futures. C'est une définition rigoureuse de la poésie ; chaque poème espère quelqu'un, est la patiente diction de l'attente, chaque poème émet le vœu de contenir.

 

Quelqu'un donc : je voudrais qu'un poète, ou même un poème seulement, me soit une sensation aussi douce, aussi frôlement de paume, un sentiment pareil au coiffeur très beau (algéro-vietnamien) dont je sors, et qui me protégea les yeux d'une main pour leur éviter l'air chaud du sèche-cheveux. Je ne dis pas qu'un tel poème n'existe pas, heureusement, de temps à autre.

 

Stéphane Bouquet, Un peuple, Champ Vallon, 2007, p. 24.

09/04/2013

Peter Gizzi, L'externationale, traduction de Stéphane Bouquet

Peter Gizzi, L'externationale, Stéphane Bouquet, lumière, pensée, poème, mythe,

Samedi et son potentiel festonné

 

Les visages au contraire de la météo

ne reviennent jamais

peu importe à quel point

ils ressemblent à la pluie

 

Dans ce théâtre, le temps

n'est pas cruel, juste différent

 

Ça vous aide ?

 

Quand le trop large couloir aérien

se calme

les humains s'apaisent

 

Quand la notion de mythe

ou n'importe quoi de collectif

est défaite par les carillons éoliens

par un doux tintinnabule

 

Quand l'espoir est ouvert

par un doux tintinnabule

ou une lumière tachetée

criant de joie à la périphérie

 

Quand la lumière crie de joie

et tachetée fait si plaisir

à un corps au repos

 

Quand la pensée, ouverte

s'attache pour reposer

sur le front

 

Quand des brindilles se balançant

juste derrière

la grande vitre de la bibliothèque

font signe, griffent et s'unissent

à une idée de l'histoire

 

Quand des brindilles griffues

s'unissent à une idée du temps

à une image de l'être

 

Par exemple être à côté et se muer

être un autre et soi-même

être complet au sein du poème

 

être soi-même se muant en poème

 

Peter Gizzi, L'externationale, traduction de Stéphane

Bouquet, "Série américaine", éditions Corti, 2013,

p. 63-64.

06/11/2011

Paul Blackburn, Villes, suivi de Journaux

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La proposition

 

 

Après qu'elle

s'est plainte des

hommes


pendant une bonne heure

à la mère de sa copine

elle


rendait visite à sa copine

et à la mère de sa copine

à la campagne, son


amie était sortie

chercher le chat

et elle


continuait la ré-

pétitive lamentation que

la mère de sa copine


écoutait patiemment

sans rien dire

jusqu'à ce que (pendant que)


sa fille était sor

tie (chercher

le chat)


et elle dit pour la

centième fois combien vraiment

les hommes étaient


de purs bâtards et est-ce qu'elle croyait

pas (la mère) qu'il

EXISTAIT


d'autres choses in-

téressantes, ou

qu'il était


temps d'essayer quelque chose

de nouveau, la mère

après un long silence


dit : « ça serait

pas vraiment nouveau

pour moi, mais je suis


prête quand tu le seras. »

La copine de

retour (avec le chat)


fut pas qu'un peu sur-

prise quand son amie in-

sista pour rentrer par le dernier bus (elle


devait ABSOLUMENT corriger un

texte). « J'espère que je l'ai

pas offensée, ou rien.»


La mère, après avoir

reconduit la copine au bus,

expliqua


à sa fille, sur

le chemin du retour la plus que

probable raison qui


avait fait fuir

vers la ville son amie

si brutalement

 

 

L'OBSCURITÉ EST SUR LE MONDE ET L'AMOUR

                                                               est parti ail-

leurs, mon esprit, ganté et épuisé

même le hall est obscur tandis

que je me gerbe sur le lit

Ce n'est pas que

je ne t'aime

pas, ma chérie, nous

sommes tous les deux ailleurs.

 

Paul Blackburn, Villes suivi de Journaux, traduit par Stéphane Bouquet, Série américaine, José Corti, 2011, p. 128-129, 136.