15/08/2015
Murasaki-Shikibu, Poèmes
D’un homme qui, las d’avoir frappé ma porte, s’en était retourné, le lendemain, au matin :
Fût-ce sur les bords
de la mer occidentale
balayée des vents
a-t-on jamais vu la grève
aux vagues inaccessibles ?
En réponse à ces reproches :
Retournée chez elle
peut-être comprendra-t-elle
qu’elle s’est lancée
à l’assaut d’un rude écueil
la frivole vaguelette
Au retour de l’an, comme l’on me demandait si ma porte était désormais ouverte :
De qui rossignol
a-t-il donc en ce printemps
hanté la demeure
pour ainsi se présenter
au logis voilé de brume
Murasaki-Shikibu, Poèmes, traduction du japonais par René Sieffert, P. O. F, 1986, p. 47.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : murasaki-shikibu, poèmes, mer, printemps, rossignol | Facebook |
08/08/2015
Guillevic, Accorder - Présences terraquées
Présences terraquées
I
Mer parsemée d’îlots,
Après un long regard sur vous,
Vous faites revivre
Le cinglant esprit d’épopée
Qui raconte la très ancienne histoire
Du mariage de la terre et de l’eau.
En sourdine
Montent les cantiques
Que e chante l’océan
Quand il rencontre
Un continent.
Ensemble,
Se refusant à tout dire
De la création du monde,
Ils laissent à des îlots
Le soin de la rêver.
II
Oui, roc,
Je te connais
Autant qu’on peut connaître
Du dehors
Quand on n’est pas la chose ?
Moi, il me semble
Que j’ai été roc
Et que pour ça,
Oui, je te connais.
Guillevic, Accorder, poèmes, 1933-1996,
édition établie par Lucie Albertine Guillevic,
Gallimard, 2013, p. 262-263.
| Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : guillevic, accorder, présences terraquées, terre, mer, roc | Facebook |
03/08/2015
Pierre Dhainaut, Plus loin dans l'inachevé
Oiseaux d’ici
Rieuses, dit-on de ces mouettes
tête noire et bec rouge,
d’autant plus blanches
lorsque les ailes se déploient
sur la digue, sur le port,
sans trêve, le vent,
le vent est favorable
à la véhémence
de la trajectoire, à l’acuité
du cri : elles gravissent l’air,
elles s’y précipitent, là même
où nous ne voyons rien,
quelle était
leur victime ? cette clameur
de vagues qui s’abattent
nous rattrape, nous blesse
jusque dans les rêves.
Pierre Dhainaut, Plus loin dans l’inachevé,
Arfuyen, 2010, p. 69 .
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre dhainaut, plus loin dans l'inachevé, mouette, mer, vent, cri, proie, vol | Facebook |
06/07/2015
Rose Ausländer, Pays maternel
À la mer
Pourvue de profondes empreintes digitales
La houle déferlante
Nous atteint
Nos minutes
Lavées
De la poussière de la ville
L’eau
Met en musique nos mots
Sages aquatiques
Cernés de sable
Tu es la voix
Sois indulgent envers moi
Étranger
Je t’aime
Toi que je ne connais pas
Tu es la voix
Qui m’envoûte
Je t’ai perçue
Reposant sur du velours vert
Toi haleine de mousse
Toi cloche du bonheur
Et du deuil inextinguible
Rose Ausländer, Pays maternel, traduction Edmond
Verroul, Héros-Limite, 2015, p. 21, 63.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rose ausländer, pays maternel, mer, ville, voix, étranger | Facebook |
27/04/2015
Jean Follain, Appareil de la terre
Gestes
Au soir éblouissant
ceux qui font ce geste :
clore un vêtement noir
regrettent une jaune terre
où se prenaient leurs pieds.
D’autres que cernent la mer
sur le banc de sable
agitent les bras.
Certains gardent enfin
en fermant les yeux
mais la fleur aux lèvres
le courage des muets.
Un se courbe
pour ramasser le morceau de pain
gonflé d’eau grise.
Matière aux songes
Parfois du milieu d’un champ
on entend les orgues d’église
et point le vent
les plantes gonflent
de rosée invincible
d’aucuns songent
devant la pierre violâtre
l’habit ravagé
les gants prêtés pour la journée
le chat dormant qui a voyagé
Jean Follain, Appareil de la terre, Gallimard,
1964, p. 40, 62.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Follain Jean | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean follain, appareil de la terre, geste, rêve, mer, fleur, eau | Facebook |
17/04/2015
Raymond Queneau, Fendre les flots
Quel est ton nom ?
Quel est ton nom ?
— Mon nom est naufrage
mon nom découpe l’horizon
seul, seul un mât surnage
survivrai-je à cet orphéon ?
L’ouragan étend ses trompettes
la mer multiplie ses trempettes
survivrai-je à ce rigodon ?
tout se tait puis tout se calme
la constance me tend sa palme
merci ! encore un effort
pour trouver quelque dictame
dans la perspective d’un port
Un chemin d’eau
Mon avenir est-il sur l’eau
souventes fois me le demande
Où est-il le temps des limandes
où nageant comme un serpentin
je traçais à travers les ondes
mon petit tout petit chemin
mais le crauleur s’est assagi
en restant sur la terre ferme
marcher sur l’eau est difficile
prendre le bateau bien banal
l’Océan dans mon esprit
engendre ici ces poésies
Je marche le long du canal
en regardant les chalands lents
poursuivre leur chemin fatal
vers le port de débarquement
Raymond Queneau, Fendre les flots,
Gallimard, 1969, p. 57 et 170.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Queneau Raymond | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : raymond queneau, fendre les flots, naufrage, mer, terre, chemin, nom | Facebook |
01/04/2015
Saint-John Perse, Exil
Photo Lucien Clergue (1974)
Portes ouvertes sur les sables, portes ouvertes sur l’exil,
Les clés aux gens du phare, et l’astre roué vif sur la pierre du seuil :
Mon hôte, laissez-moi votre maison de verre dans les sables...
L’Été de gypse aiguise ses fers de lance dans nos plaies,
J’élis un lieu flagrant et nul comme l’ossuaire des saisons,
Et, sur toutes les grèves de ce monde, l’esprit du dieu fumant déserte sa couche d’amiante.
Les spasme de l’éclair sont pour le ravissement des Princes en Tauride.
· * *
À nulles rives dédiée, à nulles pages confiée la pure amorce de ce chant...
D’autres saisissent dans les temples la corne peinte des autels :
Ma gloire est sur les sables ! ma gloire est sur les sables !... et ce n’est point errer, ô Pérégrin,
Que de convoiter l’aire la plus nue pour assembler aux syrtes de l’exil un grand poème né de rien, un grand poème fait de rien...
Sifflez, ô frondes par le monde, chantez, ô conques sur les eaux !
J’ai fondé sur l’abîme et l’embrun et la fumée des sables. Je me coucherai dans les citernes et dans les vaisseaux creux,
En tous lieux vains et fades où gît le goût de la grandeur.
Saint-John Perse, Exil, éditions de La Baconnière, Neufchâtel, 1952, p. 7-9.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : saint-john perse, exil, lucien clergue, solitude, mer, sable | Facebook |
26/02/2015
Maël Guesdon, Voire
[...]
Se frôlent au goût de ce qui. Marchent ensemble. Les rues nous perdent. Avez-vous déjà écouté ma voix quand je suis loin.
Il serre sous la peau les reliefs dont le récit.
On oubliera le nom. Ne reste que. Nos articulations, ce ne sera plus comme avant, les images filmées le café les images de la mer. Elle répète : les images filmées ou la mer.
Et les autres découvrent.
Qui manque. Suit les contours. Nous nous retrouverons derrière la forme — si. Tu as l’air toutes choses, assieds-toi, cela ne restera pas ainsi, pose un pied, viens.
Lorsqu’il découvre. Qu’il ne voit plus ce que voient ses yeux. S’arrête, dehors là il s’effondre.
Maël Guesdon, Voire, Corti, 2015, p. 22-24.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maël guesdon, récit, voix, image, mer | Facebook |
21/01/2015
Henri Thomas, La joie de cette vie
L’invisible chemin des longues plages, tout de suite effacé, regagne le temps. Marcher contre le vent, sans penser, tu reviens un peu sur l’enfance, les compagnons surprenants sont là, par instants, la longue vague, les oiseaux en équilibre sur l’eau qui monte et descend, l’horizon qui est après l’horizon, la myriade de débris, les témoins arrêtés des années…
Jeunes femmes vêtues d’un sac crevé, tenant aux épaules maigres, creuses, mais belles, par deux rubans en ficelle, et le haut du sac vient à mi-dos. Un slip en dessous, c’est parfait. « Je vous vois, mes filles, mes reines. » Il faudra décidément que je vérifie toutes mes citations de Rimbaud.
Les couleurs de la mer changent en une journée, les étendues vert clair, et celles plus sombres et l’air fraîchit, et les îlots jaunissent, s’intensifient. Des bandes brumeuses s’étirent sur l’horizon. L’esprit change, un autre esprit s’approche dans l’air, une balise gémit par intervalles.
Cette herbe déjà jaunie, en pente sur la mer, c’était ma place. J’y ai fait de bonnes lectures, et je descendais dans l’eau transparente. C’était une place pour moi, raisonnablement. Aujourd’hui, je n’y parviens plus, je ne l’ai même pas revue.
Même pas de pluie, qui rafraîchirait mon pauvre esprit et ses souvenirs, et ferait peut-être frissonner l’avenir.
Henri Thomas, La joie de cette vie, Gallimard, 1991, p. 36 et 53.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, MARGINALIA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : henri thomas, la joie de cette vie, rimbaud, femme, mer | Facebook |
30/11/2014
Claude Dourguin, Journal de Bréona
Notes sur la montagne
La contemplation de la montagne implique une intériorité plus grande que celle de la mer. D'ailleurs, s'il n'est pas rare de rencontrer sur les quais, sur les rivages des personnes (de toutes sortes) accoudées ou assises face à la mer en observations silencieuse, le cas est beaucoup moins fréquent en montagne. À cause de l'agitation permanente, des mouvements de l'eau, des vagues même peu marquées, la mer donne l'idée de la vie — changeante, imprévisible —suscitant une curiosité sinon une attente — que va-t-il se passer maintenant ? « La mer, toujours recommencée ! » C'est toute une trame anrrative, avec ses anecdotes en sus, le passage d'un bateau de pêche, l'apparition d'une voile là-bas, le train des nuages au ciel, qui se met en place. La montagne, elle, souvent déserte, immobile ne connaît que les modifications de la lumière, beaucoup moins rapides sous les climats qui sont les siens. Quant à l'intérêt pour les météores il exige une attention subtile, une patience attentive indifférente à la monotonie.
Claude Dourguin, Journal de Bréona, Isolato, 2014, p. 55-56.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : claude dourguin, journal de bréona, mer, montagne, mouvement, immobilité | Facebook |
05/11/2014
René Char, Fenêtres dormantes et porte sur le toit
Venelles dans l'année 1978
Nous nous avançons devant la haie d'une double réalité : la première est la plus coûteuse (la vie continuellement allumée et qui monte jusqu'à la fleur), la seconde est supposée nulle puisqu'elle n'a pouvoir que de lentement nous déshabiller et de nous réduire en poudre. L'avantage de la première sur la seconde est de se savoir fiable, de n'être pas aveugle, de mentir comme elle respire, l'enchantement consommé.
On ne partage pas ses gouffres avec autrui, seulement ses chaises.
Elle ne peut se souffrir seule, l'épouse de l'espoir, serait-ce dans un bain de vagues. Mais sur le berceau convulsé de la mer, elle rit avec les écumes.
La terre prête filles et fils au soleil levant puis les reprend la nuit venant. Leur repas du soir expédié, la cruelle les presse de s'endormir, consentant chichement quelques rêves.
René Char, Fenêtres dormantes et porte sur le toit, Gallimard, 1979, p. 61.
© Photo Jacques Robert (Gallimard)
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rené char, fenêtres dormantes et porte sur le toit, rélité, enchantement, gouffre, solitude, mer, rêve | Facebook |
10/10/2014
Dylan Thomas, Poèmes, traduction Patrick Reumaux
La lumière point là où le soleil ne brille pas
La lumière point là où le soleil ne brille pas.
Là où la mer ne s'étend pas, les eaux du cœur
Épandent leurs marées,
Et, spectres brisés, des vers luisants plein la tête,
Les choses de lumière
Passent à travers la chair là où la chair n'habille pas les os.
Une chandelle dans les cuisses
Échauffe la jeunesse et la graine et brûle la graine de la vie.
Là où la graine ne lève pas
Le fruit de l'homme s'ouvre dans les étoiles
Brillant comme une figue.
Là où la cire n'est pas, la chandelle montre ses cheveux.
L'aube point derrière les yeux.
Des pôles du crâne et de l'orteil, le sang venteux
Glisse comme une mer.
Ni clôturées, ni jalonnées, les giclées du ciel
Fusent à la verge
Révélant dans un sourire l'huile des larmes.
La nuit dans les orbites arrondit
Comme une lune de poix la limite des globes.
Le jour éclaire l'os.
Là où le froid n'est pas, la morsure des vents fait tomber les épingles
Qui retiennent les robes de l'hiver.
La taie du printemps pend au bord des paupières.
La lumière point sur des lots secrets
Sur des crêtes de pensées où les pensées sentent dans la pluie.
Quand meurent toutes les logiques
Le secret de la glèbe pousse à travers l'œil
Et le sang saute dans le soleil.
Au-dessus des lopins incultes l'aube fait halte.
Dylan Thomas, Poèmes, traduction Patrick Reumaux, dans
Œuvres, I, édition établie par Monique Nathan et Denis Roche,
Seuil, 1970, p. 368-369.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dylan thomas, poèmes, traduction patrick reumaux, lumière, mer, sang, aube, saison | Facebook |
15/07/2014
Valérie-Catherine Richez, Précipités
J'étais perchée sur ce miroir zébré de griffures. L'endroit où les blessures remontent à la surface. Sous l'eau miroitantes je voyais tournoyer les poissons carnassiers. Je me souvenais d'eux. Le les appelais par leurs noms. Dents acérées. Rien ne pourrait nous consoler. À certaines heures on aurait voulu tout renier. On se roulait sur le sol jusqu'à peser des pierres. Jusqu'à chuter.
Chaque nuit on jette un corps.
Bancs de lueurs flottantes passant comme des nuées dans la mer, glissant sans bruit sur nos paupières — Peut-être ne devrions-nous jamais parler que de cette nuit où nous marchons, jusqu'à la vider entièrement de son sens. Jusqu'au silence. Prendre si souvent chaque avenue, chaque rue, chaque ruelle, qu'on sache les parcourir les yeux fermés. Et chaque fois nous-mêmes, courants d'air comme usés, épuisées, incréés.
Quelqu'un qu'on ne verra jamais.
Valérie-Catherine Richez, Précipités, éditions isabelle sauvage, 2014, p. 5-6.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : valérie-catherine richez, précipités, miroir, eau, corps, mer, chemin | Facebook |
28/06/2014
Lewis Carroll, La Chasse au Snark, traduction Aragon
Crise première
L'atterrissage
L'endroit rêvé pour un Snark cria l'Homme à la Cloche
Qui débarquait l'équipage avec soin
Soutenant chaque homme à la crête des vagues
Par un doigt pris dans ses cheveux
L'endroit rêvé pour un Snark Ça fait deux fis que je le dis
C'en serait assez pour encourager l'équipage
L'endroit rêvé pour un Snark Ça fait trois fois que je le dis
Ce que je vous dis trois fois est vrai
L'équipage était au complet Il comprenait un Bottier
Un faiseur de Bonnets et Capuces
Un Avocat pour aplanir leurs différends
Et un Agent de Change pour faire valoir leurs biens
Un Champion de Billard dont l'habileté était immense
Il se peut bien qu'il ait gagné plus que son dû
Mais un Banquier engagé à prix d'or
Avait la garde de tout leur pécule
Il y avait aussi un Castor qui arpentait le pont
Quand il ne faisait pas de la dentelle sur l'avant
Et qui les avait souvent à en croire l'Homme à la Cloche
sauvés du désastre
Bien qu'aucun des marins ne sût comment
Il y en avait un réputé pour le nombre de choses
Qu'il avait oubliées en mettant le pied sur le navire
Son parapluie sa montre tous ses bijoux et bagues
Et les habits achetés pour l'expédition
Quarante deux malles qu'il avait Toutes soigneusement faites
Avec son nom en toutes lettres sur chacune
Mais comme il avait oublié de le dire
Elles étaient toutes restées sur la rive
[...]
Lewis Carroll, La Chasse au Snark, traduction Aragon, dans
Aragon, Œuvres poétiques complètes, I, édition sous la direction
d'Olivier Barbarant, Pléiade, Gallimard, 2007, p. 379-381.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Aragon Louis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lewis carroll, la chasse au snark, traduction aragon, mer, équipage, billard, castor, nom, oubi | Facebook |
23/05/2014
Antonio Gamoneda, extraits de Chansons de l'erreur
I
Tu as écouté la plainte de la mer. Elle annonce
une imminence.
Libère-toi
de la pensée : cette
imminence te dépasse.
Libère-toi
Ne réponds pas
à la plainte de la mer.
II
Le destin n'existe pas mais il est traversé de racines rouges. Ainsi
est, fut, ma pensée traversée
par l'étincelle de la négation.
Ainsi
les heures crient, prononcent
leur inutile prophétie :
la pourpre
et l'extinction
du lever du jour.
III
Oui, la négation avance
dans mes veines.
Elle loge
dans la sentine creuse
de la pensée.
À proprement parler
pas de pensée en moi. La fausseté
me possède, l'unique fruit
permis dans cette
épaisseur vivante.
IV
Il y a de la colère dans la grisaille. La lumière gagne les [cours
et les cordes divisent ombres et minéraux.
La lumière soutient doucement la majesté des oiseaux, réunit
en un même instant quiétude et vertige.
As-tu pensé la lumière hors de tes yeux ?
Pense la lumière.
Non ;
tu ne peux la penser : elle
te pense, toi.
Ferme les yeux.
Antonio Gamoneda, extraits de Chansons de l'erreur,
traduit de l'espagnol par Jean-Pierre Bériou et Martine Joulia,
dans Europe, avril 2014, n° 1020, p. 284-285.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : antonio gamoneda, extraits de chansons de l'erreur, mer, destin, pensée, négation, lumière | Facebook |