07/06/2020
Danielle Collobert, Survie
balancé au chaos sans armure
survivra ou non résistance au coups la durée longue de vie
je parti l’exploration du gouffre
tâtonnant contre jour
déjà menottes aux mains stigmates aux poignets
aux pieds les fers les chaînes
la distance d’un pas l’unité de mesure
je raclant mon sol avec ça
traîne le bruit dans l’espace
en premier sur la bande son du prométhée
le vautour dans la gorge
à coups au sang rabattu sans fin vers le silence
au milieu du front le plat désert futur
derrière caché peut-être le corps à s’agglomérer
Danielle Collobert, Survie, dans Changee n° 38, 1979, p. 35.
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06/01/2019
Paul Celan, La rose de personne
Le menhir
Gris de pierre
qui pousse.
Forme grise, sans
yeux, toi, regard de pierre, avec lequel
la terre a fait saillir vers nous, humains,
sur l’obscur, le clair, de ces chemins de lande,
le soir, devant
toi, gouffre du ciel.
De l’adultérin,
charroyé jusqu’ici, sombrait
par-dessus le dos du cœur. Moulin-
de-mer moulait.`
Aile-claire, tu étais suspendue le matin,
entre genêt et pierre,
petite phalène.
Noires, couleur
de phylactères, ainsi étiez-vous,
cosse
partageant les prières.
Paul Celan, La rose de personne, traduction
Martine Broda, Le Nouveau Commerce,
1979, p. 97.
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05/11/2014
René Char, Fenêtres dormantes et porte sur le toit
Venelles dans l'année 1978
Nous nous avançons devant la haie d'une double réalité : la première est la plus coûteuse (la vie continuellement allumée et qui monte jusqu'à la fleur), la seconde est supposée nulle puisqu'elle n'a pouvoir que de lentement nous déshabiller et de nous réduire en poudre. L'avantage de la première sur la seconde est de se savoir fiable, de n'être pas aveugle, de mentir comme elle respire, l'enchantement consommé.
On ne partage pas ses gouffres avec autrui, seulement ses chaises.
Elle ne peut se souffrir seule, l'épouse de l'espoir, serait-ce dans un bain de vagues. Mais sur le berceau convulsé de la mer, elle rit avec les écumes.
La terre prête filles et fils au soleil levant puis les reprend la nuit venant. Leur repas du soir expédié, la cruelle les presse de s'endormir, consentant chichement quelques rêves.
René Char, Fenêtres dormantes et porte sur le toit, Gallimard, 1979, p. 61.
© Photo Jacques Robert (Gallimard)
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11/10/2013
Pierre Reverdy, La Lucarne ovale
Les vides du printemps
En passant une seule fois devant ce trou j'ai penché mon front
Qui est là
Quel chemin est venu finir à cet endroit
Quelle vie arrêtée
Que je ne connais pas
Au coin les arbres tremblent
Le vent timide passe
L'eau se ride sans bruit
Et quelqu'un vient le long du mur
On le poursuit
J'ai couru comme un fou et je me suis perdu
Les rues désertes tournent
Les maisons sont fermées
Je ne peux plus sortir
Et personne pourtant ne m'avait enfermé
J'ai passé des ponts et des couloirs
Sur les quais la poussière m'aveugle
Plus loin le silence trop grand me fit peur
Et bientôt je cherchais à qui je pourrais demander mon chemin
On riait
Mais personne ne voulait comprendre mon malheur
Peu à peu je m'habituais ainsi à marcher seul
Sans savoir où j'allais
Ne voulant pas savoir
Et quand je me trompais
Un chemin plus nouveau devant moi s'éclairait
Puis le trou s'est rouvert
Toujours le même
Toujours aussi transparent Et toujours aussi clair
Autrefois j'avais regardé ce miroir vide et n'y avais rien vu
Du visage oublié à présent reconnu
Pierre Reverdy, La Lucarne ovale, dans Œuvres complètes, tome I,
édition préparée, présentée et annotée par Pierre-Alain Hubert,
"Mille et une pages", Flammarion, 2010, p. 80-81.
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