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28/12/2016

Eugène Guillevic, Accorder

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Le rire de la saison

 

Des sacrilèges

Il en faudra

En toute saison.

 

Implacable autant

Que le rire de la saison

Par les gamins.

 

Une épeire, un buisson,

De l’herbe, un peu de vent.

Un passant qui hésite

À les déranger.

 

Un bois

Près de la rivière :

Les menhirs avant le cromlech.

 

Un ruisseau :

Il se couvrait de vert

Et de friselis.

 

Loisir de penser

Que ce ruisseau

Vient d’un paradis

Saluer le vallon.

Qu’il y remontera

Tout seul.

 

Eugène Guillevic, Accorder,

Gallimard, 2013, p. 223-224.

09/08/2015

Guillevic, Accorder - Être un arbre

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Être un arbre

 

Être un arbre

 

J’en ai vu

Me signifier

Qu’ils refusaient,

 

Me prenaient à témoin

De leur insurrection.

 

 

Ce n’est pas quand je le désire

Que je suis arbre,

 

Mais quand l’arbre,

À son heure,

 

Décide

Que je suis son double

 

Et jamais

Je ne me suis récusé

 

 

Non, je ne me dégagerai pas

Des racines

 

Je vis

Comme si toutes les racines

Passaient par moi,

 

 

Me nourrissant

D’une partie de cette sève

Qu’il leur faut composer.

 

Guillevic, Accorder, poèmes, 1933-1996,

édition établie par Lucie Albertine Guillevic,

Gallimard, 2013, p. 71-72.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

08/08/2015

Guillevic, Accorder - Présences terraquées

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Présences terraquées

 

I

 

Mer parsemée d’îlots,

Après un long regard sur vous,

Vous faites revivre

Le cinglant esprit d’épopée

Qui raconte la très ancienne histoire

Du mariage de la terre et de l’eau.

 

En sourdine

Montent les cantiques

Que e chante l’océan

Quand il rencontre

Un continent.

Ensemble,

Se refusant à tout dire

De la création du monde,

Ils laissent à des îlots

Le soin de la rêver.

II

Oui, roc,

Je te connais

Autant qu’on peut connaître

Du dehors

Quand on n’est pas la chose ?

Moi, il me semble

Que j’ai été roc

Et que pour ça,

Oui, je te connais.

 

Guillevic, Accorder, poèmes, 1933-1996,

édition établie par Lucie Albertine Guillevic,

Gallimard, 2013, p. 262-263.

08/03/2014

Guillevic, Accorder

 

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                         Pour Jean Tardieu

 

J'ai pour toi sur ma table un objet rond et lourd,

Un assez gros caillou pour qu'on le nomme pierre,

Ramassé l'an dernier près d'une sablière,

Couleur de longue pluie ainsi qu'était ce jour.

 

Je veux savoir de lui si je suis son recours,

Mais il répond toujours de façon outrancière,

Comme s'il refusait le temps et la lumière,

Comme un qui voit le centre te boude l'alentour,

 

Qui n'aurait pas besoin de se trouver soi-même

Et de chercher plus loin qu'on l'accepte ou qu'on l'aime,

Qui n'aurait le besoin, plutôt, de rien chercher.

 

Nous toujours à l'affût, toujours sur le qui-vive,

Nous qui rêvons de vivre une heure de rocher,

Cherchons dans le caillou la paix des perspectives.

 

                                                       28 décembre 1958

 

Guillevic, Accorder, édition établie et postfacée par Lucie Albertini-Guillevic, Gallimard, 2013, p. 91.

03/08/2013

Guillevic, Accorder, poèmes 1933-1996

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Ce qui dans la pleine nuit

Te manque

Ce n'est pas que la lumière.

 

Mais cette espèce de plafond

Qui dans le jour forme le ciel.

 

Cette absence

Gonfle l'immensité

Te diminue encore.

 

Te voici fourmi

Sans fourmilière,

 

Égaré comme dans le néant.

                                                                        24.01.95

 

 

Guillevic, Accorder, poèmes 1933-1996, édition établie et

postfacée par Lucie Albertini-Guillevic, Gallimard, 2013,

 

p. 283.

22/06/2013

Guillevic, Lexiquer, dans Accorder

 

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          G

 

 

Le mot garenne

 

Pour vivre en nostalgie

Dans le grouillement

 

Terreux

D'un sous-bois.

 

              *

 

Le geai,

 

On dirait à l'entendre

Qu'il connaît son nom.

 

               *

 

Des mots

Ne supportent pas

Leur généalogie.

 

                *

 

Tous les yeux

Relèvent

De la géologie.

 

                *

 

Une goulée de cidre

Est plus sinueuse

Qu'une gorgée d'eau.

 

                 *

 

Je pratique

La grammaire.

 

La grammaire

M'enseigne.

 

                 *

 

La grange reçoit

La fermentation de l'aube.

 

                  *

 

La grêle

En tombant

Doit se faire mal.

 

Guillevic, Lexiquer, dans Accorder, édition établie et postfacée par Lucie Albertini-Guillevic, Gallimard, 2013, p. 122-123.