27/05/2023
Marie de Quatrebarbes, Vanités
« Fleurs » : j’ai dit ce mot par prudence, mais il importe peu. Tout ce qui bat et s’agite, cherche refuge.
On l’appelle aussi « petite chose », comme on le dit d’une personne hors de portée, aspirant l’air par les pieds
Plutôt que de prendre racine, nous passons ; construire une maison n’est plus notre propriété
Où nos pas nous portent, nous allons les pas chargés d’indices, suivant les lignes futures d’un mystère probable.
Marie de Quatrebarbes, Vanités, Érid Pesty éditeur, 2023, np.
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13/06/2021
Bashô Seigneur ermite
Amoureux mélancoliques —
l’éclosion des fleurs
dans le champ hivernal
Contemplant les fleurs sans lassitude
mon carnet de haïkus
rarement sorti du sac
Lee vent souffle
— le cerisier sauvage a l’air d’un chien
remuant la queue
Revenant au pays natal
— à cent lieues sous les nuages
profitant de la fraîcheur
Bashô Seigneur ermite, traduction Makoto Kemmoku et Dominique Chipot, La Table ronde, 2012, p. 44, 47, 49, 51, 62.
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14/04/2021
Camille Loivier, Cardamine
(fleur)
quand je cueille une fleur dans le jardin
je le fais toujours en lui parlant
je n’entre pas dans les détails mais explique
aucune fleur ne consent à être coupée
même le gel qui viendra la brûler en une nuit
ne la fait quitter le jardin sans regret
je peux mesurer la portée de mon geste
à sa faiblesse
une fleur que l’on invite à l’intérieur
on la brise
on lui dit tu n’es plus une fleur
Camille Loivier, Cardamine, Tarabuste, 2021, p. 34.
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24/03/2021
Fernando Pessoa, Poèmes jamais rassemblés
En écoutant mes vers quelqu’un m’a dit : en quoi c’est nouveau ? »
Tout le monde sait qu’une fleur est un fleur et qu’un arbre est un arbre.
Moi j’ai répondu : pas tout le monde, personne.
Tout le monde aime les fleurs parce qu’elles sont belles, moi je suis différent.
Tout le monde aime les arbres parce qu’ils sont verts et qu’ils donnent de l’ombre, pas moi.
Moi j’aime les fleurs parce que ce sont des fleurs, tout simplement.
J’aime les arbres parce que ce sont des arbres, sans que j’y pense.
29 mai 1918
Fernando Pessoa, Poèmes jamais rassemblés d’Alberto Caeiro, traduction J-L. Giovannoni, I. Hourcade, R. Hourcade et F. Vallin, éditions Unes, 2019, p. 31.
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10/08/2019
Colette, Pour un herbier
Jacinthe cultivée
Du côté de Marly, dans la forêt, on m'assure que sous les feuilles mortes les cornes des jacinthes sauvages sont déjà longues d'un doigt. Menaces, autant que promesse, du dix-neuf janvier dix-neuf cent quarante-huit. Je recueille les pronostics des bouches informées qui s'en vont « voir », en fin de semaine, « si le printemps s'avance ». Or, il s'avance en effet, diversement accueilli. Une folle bat des mains : « Les sureaux verdissent ! On ira camper à Pâques !» Mais une sage baisse le sourcil : « Et les bourgeons de marronniers qui changent déjà de forme ! Et les marguerites déjà dans les prés ! Et les bourgeons des lilas qui gonflent ! Nous serons jolis, à la lune rousse ! »
J4écoute, je recueille ceci et cela. Avant — je veux dire avant que cette jambe ne m'entravât — c'est moi qui jetait le cri, qu'il fût d'alarme ou de joie. Au bord des eaux agitées des Vaux de Cernay, c'est moi qui troussais les feuilles, tombées en novembre, et qui interrogeait les petits rostres pâles, dardés par les bulbes anxieux. Aujourd'hui, mon morose privilège me vaut, avant tout le monde, un bouquet de jacinthes blanches. C'est elles, dans ce vase vert, qui parfument ma chambre. Elles ont déjà tellement bu dans leur serre natale, elles ont si fort distendu leurs veines avides que le moindre choc les lèse. Leur grosse tige congestionnée d'eau bave à sa section comme un escargot, et porte des clochettes lourdes, opaques, d'un blanc de berlingot à la menthe. Qu'ont-elles de commun avec cette haute et grêle fille des bois, que la population parisienne à chaque printemps ravage sans pouvoir la détruire, avec la jacinthe sauvage ? Cueillie sans pitié ni mesure, celle-ci penche la tête, perd son faible parfum, et meurt. Il faut ne l'apercevoir que vivante, et par multitudes, à travers le taillis encore nu, et d'un bleu si également répandu que de loin elle vous trompe : « Tiens, un étang... »
Mais, ô ma grosse jacinthe blanche cultivée, née dans un bain de siège en forme de carafe qui berça son bulbe durant qu'il dormait sur la table entre le chat, la théière et les cahiers de petit garçon — ô ma citadine bien en chair, je te sais gré de remplacer ce qui me manque et désormais me manquera : la floraison forestière bleue et fragile, innombrable assez pour que j'y puise l'illusion de côtoyer un lac, ou un champ de lin bleu en fleur.
Colette, Pour un herbier, dans Œuvres IV, édition Claude Pichois et Alain Brunet, Pléiade / Gallimard, 2001, p. 907-908.
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26/04/2018
Charles Olson, dans Jacques Roubaud, Traduire, journal
Le printemps
Le cornouiller
éclaire le jour
La lune d’avril
fait la nuit flocons
Les oiseaux soudain
sont multitude
Les fleurs ravinées
par les abeilles, les fleurs à fruit
jetées au sol, le vent
la pluie bousculant tout. Bruit —
sur la nuit même le tambour
de l’engoulevent, nous sommes aussi
occupés, nous labourons, nous bougeons,
jaillissons, aimons Le secret
qui s’était perdu ne se cache
plus, ne se révèle, dévoile
des signes. Nous nous précipitons
pour tout saisir Le corps
fouette l’âme. En grand désir
exige l’élixir
au grondement du printemps,
transmutations. L’envie
se perd qui se traîne. Le défaut du corps et de l’âme
— qui ne sont un —
le coq matinal résonne
et la séparation : nous te saluons
saison de nul gâchis
Charles Olson, dans Jacques Roubaud,
Traduire, journal , NOUS, 2018, p. 86.
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23/09/2017
Apollinaire, Enfance (Poèmes retrouvés)
Enfance
Au jardin des cyprès je filais en rêvant
Suivant longtemps des yeux les flocons que le vent
Prenait à ma quenouille, ou bien par les allées
Jusqu’au bassin mourant que pleurent les saulaies
Je marchais à pas lents, m’arrêtant aux jasmins,
Me grisant au parfum des lys, tendant les mains
Vars les iris fées, gardés par les grenouilles.
Et pour moi les cyprès n’étaient que des quenouilles,
Et on jardin, un monde où je vivais exprès
Pour y filer un jour les éternels cyprès.
Apollinaire, Poèmes retrouvés, dans Œuvres poériques,
Pléiade / Gallimard, 1961, p. 651.
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28/07/2017
Colette, Pour un herbier
Mes anémones que voici ont l’œil sec. Elles ont quitté en décembre la Nice horticole, la sévère industrie qui ne badine pas avec la fleur et n’admet pas cette poésie, le désordre des corolles, la confusion des couleurs. Elles ont voyagé sans boire et n’en sont pas mortes, mais évanouies seulement. Elles m’arrivèrent prostrées, closes, et ne montrèrent d’abord que l’extérieur de leurs pétales, terne, cannelé, un peu poilu, que leur feuillage de gros persil qui se réclame du potager plutôt que de la plate-bande. Les pâles promesses d’écarlate, de rose et de violet que me donnait leur syncope, pourraient-elles jamais, mes provençales arrachées au soleil d’hiver, les tenir ?
Colette, Pour un herbier, dans Œuvres, IV, Pléiade / Gallimard, 2003, p. 908.
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07/03/2017
Apollinaire, Le Guetteur mélancolique
La nudité des fleurs c’est leur odeur charnelle
Qui palpite et s’émeut comme un sexe femelle
Et les fleurs sans parfum sont vêtues par pudeur
Elles prévoient qu’on veut violer leur odeur
La nudité du ciel est voilée par des ailes
D’oiseaux planant d’attente émue d’amour et d’heur
La nudité des lacs frissonne aux demoiselles
Baisant d’élytres bleus leur écumeuse ardeur
La nudité des mers je l’attire de voiles
Q’elles déchireront en gestes de rafale
Pour dévoiler au stupre aimé d’elles leurs corps
Au stupre des noyés raidis d’amour encore
Pour violer la mer vierge douce et surprise
De la rumeur des flots et des lèvres éprises
Apollinaire, Le Guetteur mélancolique, dans Œuvres
poétiques, Pléiade :Gallimard, 1965, p. 574.
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04/02/2017
Bashô, Journaux de voyage
Senteur d’orchidée
aux ailes du papillon
s’est communiquée
À la rosée goutte à goutte
des souillures d’ici-bas
puisse-je me laver
Herbes pour appuie-tête
par l’averse trempé un chien
hurle dans la nuit
Par le montueux
sentier ne sais quel charme
répand la violette
Du cœur de la pivoine
l’abeille s’est arrachée
à grand regret
Bashô, Journaux de voyage, traduction René
Sieffert, P.O.F., 1984, p. 26, 28, 30, 32, 33.
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07/05/2016
Guillaume Apollinaire, Le Guetteur mélancolique
La nudité des fleurs c’est leur couleur charnelle
Qui palpite et s’émeut comme un sexe femelle
Et les fleurs sans parfum sont vêtues par pudeur
Elles prévoient qu’on veut violer leur odeur
La nudité du ciel est voilée par des ailes
D’oiseaux planant d’attente émue d’amour et d’heur
La nudité des lacs frissonne aux demoiselles
Baisant d’élytres bleus leur écumeuse ardeur
La nudité des mers je l’attife de voiles
Qu’elles déchireront en gestes de rafale
Pour dévoiler au stupre aimé d’elles leurs corps
Au stupre des noyés raidis d’amour encore
Pour violer la mer vierge douce et surprise
De la rumeur des flots et des lèvres éprises
Guillaume Apollinaire, Le Guetteur mélancolique, dans
Œuvres poétiques, édition M. Adéma et M. Décaudin,
Pléiade / Gallimard, 1965, p. 574.
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18/02/2016
José Carlos Beccera (1936-1970)
jardin d’hiver
plantes dont on extrait
de l’appareil végétatif les petits trous
avec lesquels on nettoie la maison
après l’enterrement
plantes aux articulations diurnes
amas de feuilles dont on obstrue la substance
s p o n g i e u s e
de la nudité devenue
insaisissable
fleurs pianistes (tan ta tan)
pétales finement striés pour provoquer
le son des anges quand nous nous lavons les mains
fleurs vivaces pour se parer
des conjonctures les plus subtiles
et pour orner les leucocytes de ceux
qui disparaissent
quand grincent (Hououou) les portes
plantes aux fleurs comestibles pour orner
la table servie
de ceux qui tirent leur discours (hum hum)
du plat de macaronis
et vous d’où venez-vous ?
José Carlos Becerra, Comment retarder l’apparition
des fourmis, traduit de l’espagnol (Mexique) par
Bruno Grégoire et Jean-François Hatchondo, dans
Rehauts, n° 36, septembre 2015, p. 5.
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16/02/2016
Claude Minière, C'est
C’est
C’est parti
c’est parti pour le jour et la nuit
comme c’est parti ça durera
une barque se détache du quai
on remonte l’ancre et les cordages
la mer est incertaine mais réelle
belle rebelle
à jamais
cette flèche est lâchée
elle résonne sur sa cible virtuelle
sa nudité
cette fleur me fait une fleur
Europe
anthropos
entropie
ces fleurs s’appellent héliotropes
le soleil défroisse leurs corolles
la beauté que nous avons aimée
seule la beauté peut nous sauver
un instant la phrase est parfaite
sans oubli je n’y touche plus
Claude Minière, C’est, dans il particolare, n° 29, 2015, p. 9.
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16/11/2015
Jean Tardieu, Margeries
Un oiseau loin de moi
Un oiseau loin de moi
Une fleur sous la neige
Une maison qui brûle
Un noir mourant de soif
Un blanc mourant de faim
Un enfant qui appelle
Le vent dans le désert
La ville abandonnée
L’étoile solitaire
En voilà bien assez
Pour que je vous ignore
Beaux jours de mon été.
Jean Tardieu, Margeries,
Gallimard, 1986, p. 167.
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07/11/2015
Jean-Luc Sarré, Bardane
Son chien l’ignore
son chat l’a quitté pour la voisine
même sa villa se gausse
lui tire une langue
haute de quinze marches
et de sa glycine qui embaume
il se sent si indigne
qu’il n’ose jouir de son ombre
*
Le voilà titubant dans son rôle de piéton
il l’a tenu cent fois dans cette rue
plus ou moins droit, fringant, nauséeux
enjambant les flaques de chagrin, de vinasse
mais ça, non, jamais — on ne boit pas
au goulot sous les arbres en fleur.
*
Crotté de boue mais désarmé
en jaune adorable se tient
le monstre sous le clocher.
L’air du dimanche l’enrobe de tulle,
c’est le repos de ce guerrier
qui en semaine culbute les roches.
Jean-Luc Sarré, Bardane Divertimento, farrago,
2001, p. 45-47.
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