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08/03/2024

Georges Perros, Œuvres

georges perros, œuvres, ciel, mer

Les poissons nagent dans l’eau

Bien mieux que l’homme sur terre

Savoir nager c’est misère

Quand on n’est pas maquereau

 

La mouette dans le ciel

Mieux que l’homme vole, vole,

Ah ! voler manque de sel

Quand on n’est pas un oiseau.

 

La mer est toujours à boire.

Le ciel à prendre d’assaut.
Mais si vous voulez m’en croire

Restons-en là.

          Ken Avo !

 

Georges Perros, Œuvres, Quarto/

Gallimard, 2020, p.528.

16/11/2023

Étienne Paulin, Poèmes pour enfants seuls

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Il y aura partout

 

dans le spectaculaire ennui

dans ton visage à claire- voie

des brins dans la forêt

 

tu ne seras pas sourd, grand corps affamé d’ombre

tu prendras quelque chose

 

un peu de mer vidée

des cendres qui s’attroupent

 

tous les désordres simples à confondre

à redire

 

c’est comme un minerai la mort

une caresse des extrêmes

 

Étienne Paulin, Poèmes pour enfants seuls,

Gallimard, 2023, p. 44.

06/10/2023

Jean-Luc Sarré, Les journées immobiles

 

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Enfance

 

la route vers la mer

est longtemps jaune et grise

elle va dans l’air chaud

et les vapeurs d’essence

c’est la route des insectes

et des peurs infimes

celle aussi d’une joie étrange

malmenée jusqu’à ce qu’on aperçoive

enfin entre les branches les barques

la rade endimanchée

 

Jean-Luc Sarré, Les journées immobiles,

Flammarion, 1990, p. 47.

21/02/2023

Jude Stéfan, Laures

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           et Louise Labé

 

tant nous aurons nos deux purs corps

médité debout et nous congratulant

pis lascivement aux caresses jou-

ant avant de succomber à la courte

gloire de n’être plus nous-mêmes sur

même couche d’amour et de mort

car hors toi ma passion fut l’ennui

qui mine ma vie comme tu l’illumines

si chaude et blanche et profanable

présence sous chairs ô rite nu

tant nous aurons à deux mimé l’amour

perdu — tels vent caressant fustigeant

la mer nos mains et yeux étrange pays

         de lichens et de lianes

 

Jude Stéfan, Laures, Gallimard, 1984, p. 15.

        

16/10/2022

Julia Lepère, Par elle se blesse

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Elle sur le ponton moi dans la mer

Évitant les méduses

Sans territoire

Ses bleus virant au virage de mes cernes

Ayant bu les écumes les planches

Des demi-dieux leurs longs cheveux de sable souviens-toi

Presque pour morte

Il te laissa

Et hors de moi

J’ai joui tant de fois pour oublier que quelque part

J’attends encore de me réveiller

 

Julia Lepère, Par elle se blesse, Poésie/Flammarion, 2022, p. 101.

22/07/2022

Denise Levertov, Poèmes

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           Au lecteur

 

Tandis que tu lis un ours blanc à loisir

pisse, en donnant à la neige

une couleur safran ;

 

tandis que tu lis un grand nombre de dieux

se vautrent dans les lianes ; yeux d’obsidienne

qui observent les générations des feuilles ;

 

tandis que tu lis

la mer tourne ses sombres pages,

tourne

ses sombres pages.

 

Denise Levertov, Poèmes, traduction

Alain Bosquet, Actes Sud, 1986, p. 23,

cité dans L’Ours blanc, printemps 2022.

17/07/2022

Henri Thomas, La joie de cette vie

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Il y a la puissance des machines, des engins de mort accumulés dans un endroit où tout est préparé pour les utiliser ô les moyens de déclenchement et la cible.

 

Nous vivons dans un monde fait d’épaisseurs superposées, terre, mer, brume, nuages, ciel invisible. Tout cela paraît à peine bouger, sinon la légère ligne ou bave d’écume le long des plages qui s’incurvent vers la droite.

 

J’écris, comme si écrire était mon unique moyen de vieillir sans douleur, et sans jouer un rôle dans les rouages, comme Paulhan, où l’on disparaît quand la machine se modifie pour votre mort.

 

Incapable de désespérer —­ en cela pareil aux animaux auxquels nous attribuons l’indifférence devant la mort.

 

Henri Thomas, La joie de cette viee, Gallimard, 1991, p. 12, 17, 21, 25.

27/09/2020

Julien Bosc, Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa

julien bosc,elle avait sur le sein des fleurs de mimosa,mer,marée

                          La mer

          Immense large d’huile âtre

À l’infini scintillante d’adamantines constellations déchues

 

 

           Ainsi la découvrit-elle au réveil

Ramenant sur elle le plaid sable dont la marée l’avait dévêtue à son insu

                           Mais

            Sans affecter ses fleurs ni leur tige

 

                            (Ainsi

                       Si n’eût été son effroi

             Non le vent mais la  marée bel et bien)

 

Julien Bosc, Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa,

La tête à l’envers, 2018, p. 40.

Photo Tristan Hordé, novembre 2017

30/05/2020

Patrizia Cavalli, Mes poèmes ne changeront pas le monde

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Toutes les morts terrestres

les grâces endormies

les genèses et les constellations

les créations audacieuses, les fugues,

la licorne, la chasse, l’incendie,

les lacs,

les voix les voix

sont sur ta terre

que moi je vois de loin

en me penchant par la fenêtre

au dernier étage.

 

Je ne peux pas descendre, il n’y a pas d’escalier ;

ni ne peux sauter parce qu’après

mutilée estropiée je ne pourrais plus marcher.

Je m’efforce de voir la mer.

 

Patrizia Cavalli, Mes poèmes ne changeront pas le monde,

traduction Danièle Faugeras et Pascale Janot,

éditions des femmes, 2007.

19/05/2020

Antoine Emaz, Personne

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Passants

 

loin sur le sable au matin

des passants qui semblaient

ressembler

 

passants

rien d’autre

 

mais assez pour lever zn tête

après leur passage

d’autres passés

que l’on poursuit de l’œil dedans

alors que l’espace est devant

vide

à nouveau

 

on ne sait comment faire

pour bloque rles deux yeux

dedans dehors

 

malgré tout l’effort

ça passe

 

trop poreux

 

revenir seulement aux vagues

leur calme lancinant fatigué

à marée base

leur énergie qui se replie

 

tirer dedans comme un drap

lourd d’écume et de sel

du ciel un peu aussi

et dans les plis

les êtres

passés

pas plus

des ombres

des bouts

[...]

 

Antoine Emaz, Personne, éditions

Unes, 2020, p. 21-23. 

© Photo Tristan Hordé, 2012

25/03/2020

Christopher Okigbo, Labyrinthes

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Et comment dit-on NON en plein tonnerre ?

 

On trempe sa langue dans l’océan ;

Campa avec le chœur des dauphins

Inconstants, près de minces bancs de sable

Arrosés de souvenirs ;

On étend ses branches de corail

Les branches s’étendant dans le silence

Des sens ; ce silence se distille

En jaunes mélodies.

 

Christopher Okigbo, Labyrinthes, traduit de l’anglais

(Nigeria) Christiane Fioupou, Gallimard, 2020, p. 141.

 

19/11/2019

Rose Ausländer, Pays maternel

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À la mer

 

Pourvue de profondes empreintes digitales

La houle déferlante

Nous atteint

 

Nos minutes

Lavées

De la poussière de la ville

 

L’eau

Met en musique nos mots

Sages aquatiques

Cernés de sable

 

Tu es la voix

 

Sois indulgent envers moi

Étranger

Je t’aime

Toi que je ne connais pas

 

Tu es la voix

Qui m’envoûte

Je t’ai perçue

Reposant sur du velours vert

Toi haleine de mousse

Toi cloche du bonheur

Et du deuil inextinguible

 

Rose Ausländer, Pays maternel, traduction Edmond

Verroul, Héros-Limite, 2015, p. 21, 63.

21/10/2019

Antoine Emaz, Soirs

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on peut décrocher d’ici et retrouve la mer le ciel – cette image fixe d’un ciel plat sur une mer sans vague – bleu fer bleu vert – sans rien d’autre : deux plaques de mots dans l’œil ferment l’angle et mettent devant un paysage à la fois calme stable et dur – aucune sorte d’éternité retrouvée – aucun soleil d’ailleurs à y bien regarder.

 

on pourrait se contenter

de ce trajet

 

quelque part on se dit

on devrait

c’est déjà beaucoup

mais toujours pas le repos

attendu

 

comme s’il fallait prendre au filet

non pas tant des poissons

que l’eau

 

à peu près

ça

 

Antoine Emaz, Soirs, Tarabuste,

1999, p. 62-63.

13/09/2019

Laurent Fourcaut, Or le réel est là...

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La mer semée de bouées jusques à l’horizon

c’est Grandcamp port romain comme son nom l’indique

on le trouve pas dieu merci sur Amazon

c’est au bout de la terre un demi-dieu sadique

 

fit breveter la lame à couper le gazon

marin depuis ici jusqu’à l’orient indique

l’eau se confond au ciel entrons en oraison

priant que vienne enfin le moment fatidique

 

où le haut et l’envers se conjoignent en bas

le ciel est somptueux châle bleu sur la chose

dont les trous flous donnent sur le rien caramba

de la même façon les mots du sonnet causent

 

vire le bleu au noir d’un monde indifférent

comment sur ce décor ne pas finir errant

 

Laurent Fourcaut, Or le réel est là..., Le Merle

moqueur, 2017, p. 62.

31/05/2019

Julien Bosc, La demeure et le lieu

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la locution « à bord de nuit »

comme dans « se promener à bord de nuit »

est-elle propre à cette famille de paysans

(de qui je l’affectionne et la tiens)

ou est-elle plus largement répandue

 

quoi qu’il en soit

si elle touche la corde sensible

c’est que

révélatrice des transmutations et métamorphoses

— où s’accordent mots et songes —

elle fait du crépuscule un navire

des cieux la mer

et

de la nuit

l’augure d’une traversée merveilleuse

                                             — si

                                             à bord

                                             et au large déjà

                                             la côte est laissée derrière soi

 

Julien Bosc, La demeure et le lieu, Faï fioc, 2018, p. 39.

© Photo Chantal Tanet