Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

22/09/2023

Jean Follain, Appareil de la terre

Unknown.jpeg

Au seuil d’une porte, le balai en main, la servante ressent un bien-être à écouter : des gens en blouse, veste de coutil ou caraco de nuit, se parlent en plein jour. Dans l’agitation demeurent calmes découvreurs de charades et problèmes : il ne faut pas dit un homme, la croix et la bannière pour trouver la capacité des citernes. Une clef du pressoir détruit reste enfouie, rouillée. Un mulot, un instant, inspecte. Il semble tout d’un coup que le monde veuille basculer dans le vide pour en terminer avec les bavardages du présent.

Jean Follain, Appareil de la terre, Gallimard, 1953, p. 10.

21/09/2023

Jean Follain, Appareil de la terre

Unknown-1.jpeg

Solitaires

 

Toujours leur porte s’ouvre mal

derrière eux s’endort la bête

couleur de feu

au seul pas d’homme ou de femme

ils reconnaissent qui passe

sur a route tournante

regardent un instant

pendant du plafond noir

la lampe ornée

une plante verte ocellée meurt

pleure un enfant perdu

sous le vaste ciel bas

puis il neige enfin.

 

Jean Follain, Appareil de la terre,

Gallimard , 1964, p. 79.

21/05/2023

Jean Follain, Appareil de la terre

6a015433b54391970c0162ff77b76e970d-600wi.jpg

          Solitaires

Toujours leur porte s’ouvre mal

derrière eux s’endort la bête

couleur de feu

au seul pas d’homme ou de femme

ils reconnaissent qui passe

sur la route tournante

regardent un instant

pendant du plafond noir

la lampe ornée

une plante verte ocellée meurt pleure un enfant perdu

sous le vaste ciel bas

puis il neige enfin.

 

Jean Follain, Appareil de la terre, Gallimard, 1964, p. 79.

20/05/2023

Jean Follain, Appareil de la terre

Jean-Follain-Au-bureau-Place-des-Vosges-600x426.jpg

Une fille penchée

 

Une fille à traits purs

se  penche sur des chaudrons.

Le paisible entre ddans la cour

près du seuil lavé

à grandes eaux

tousse pour avertir

des lueurs voguent

autour des pieds féminins

restés nus.

Les volailles à peine s’effarent

sans besoin de consolation

dans le soleil levant.

 

Jean Follain, Appareil de la terre,

Gallimard, 1964, p . 56.

19/05/2023

Jean Follain, Usage du temps

    111927_1e152ba102d794e5dde47b2230a9c01a.jpg

                        Fouilles d’’enfance

Les enfants qui vont fouiller dans les greniers où sont les mannequins   noirs les oignons, les issues le sac de papier brun où reste de l’anis étoilé connaîtront un jour les tracas et sauront ce qu’il en coûte de rechercher les voluptés et d’épouser la courbe délicieuse. 

Jean Follain, Usage du temps, Poésie/Gallimard, 1984, p. 91.

18/05/2023

Jean Follain, Usage du temps

                    6a015433b54391970c0162ff77b76e970d-600wi.jpg

                             Pain de nuit

Au fond de certains songes est un gros pain de chair bise volé un jour de neige mais là, cette nuit de la femme était totale sans étoiles avec un pain étroit émietté de minute en minute et porté jusqu’à sa bouche mauve et tout un chacun disait d’elle : il faut lui tenir la dragée haute.

Dérision, ô dragées jetées aux enfants assistés et dont l’amande éclate sous leurs dents par le triomphal matin d’un printemps qui ne revient pas !

 

Jean Follain, Usage du temps, Poésie/Gallimard, 1983, p. 171.

28/11/2018

Malcolm Lowry, Pas de compagnie hormis la peur (traduction Jean Follain)

lowry.jpg

Pas de compagnie hormis la peur

 

Comment tout a-t-il donc commencé

et pourquoi suis-je ici à l’arc d’un bar à peinture brune craquelée

de la papaya, du mescal, de l’Hennessy, de la bière

deux crachoirs géants

pas de compagnie sauf celle de la peur

peur de la lumière du printemps

de la complainte des oiseaux et des autobus

fuyant vers des lieux lointains

et des étudiants qui s’en vont aux courses

des filles qui gambadent les visages au vent,

pas de compagnie hormis celle de la peur

peur même de la source jaillissante.

Toutes les fleurs au soleil me semblent ennemies

ces heures sont-elles donc mortes ?

 

Malcolm Lowry, Poèmes inédits, traduction Jean

Follain, dans Les Lettres Nouvelles, ‘’Malcolm

Lowry’’, Mai-juin 1974, p. 229.

13/09/2016

Malcolm Lowry, Réveil

                                                      AVT_Malcolm-Lowry_4416.jpeg

 

Réveil

 

L’homme ressemble à un homme qui se lève tard

Contemple l’assiette sale de son dîner

Aussi les bouteilles vides

Toutes lampées dans les larges comment vas-tu d’une nuit

Un verre pourtant contenant encore

Un fond comme sinistre appât

Combien l’Homme ressemble à celui-là

Titubant parmi les arbres rouillés

Allant chercher un déjeuner de pois de sardines

Et de rhum éventé.

 

Malcolm Lowry, traduction Jean Follain, dans Les Lettres

Nouvelles, ‘’Malcolm Lowry’’, 2ème trimestre 1960, p. 90.

27/04/2015

Jean Follain, Appareil de la terre

PoW_Follain_Web_631327h.jpg

                      Gestes

 

Au soir éblouissant

ceux qui font ce geste :

clore un vêtement noir

regrettent une jaune terre

où se prenaient leurs pieds.

D’autres que cernent la mer

sur le banc de sable

agitent les bras.

Certains gardent enfin

en fermant les yeux

mais la fleur aux lèvres

le courage des muets.

Un se courbe

pour ramasser le morceau de pain

gonflé d’eau grise.

 

 

                   Matière aux songes

 

Parfois du milieu d’un champ

on entend les orgues d’église

et point le vent

les plantes gonflent

de rosée invincible

d’aucuns songent

devant la pierre violâtre

l’habit ravagé

les gants prêtés pour la journée

le chat dormant qui a voyagé

 

Jean Follain, Appareil de la terre, Gallimard,

1964, p. 40, 62.

10/06/2013

Jean Follain, Paris

Jean Follain, Paris,  Squares, jardins, places, passages, nostalgie

                        Squares, jardins, places, passages

 

   Les grands parcs furent entourés de grilles en fer de lance. Les squares furent seulement ceints de basses clôtures de fer. Au centre fut parfois édifié un kiosque à musique.

   Les gens à traces se réfugient dans les squares pour continuellement ressasser le thème confus de leur vie : leurs doigts fiévreusement remuent : ils essaient de réparer le vieux manteau tissé de fils de brume et de fils d'or d'une destinée rêvée, jamais réalisée. Sous le soleil violent, alors que les enfants édifient des fortifications de sable, les arbres épanouissent leur feuillage de joie.

Des femmes tricotent, ayant posé sur leurs genoux les laines de couleur. Chaque square a ses habitués particuliers : de vieux juifs discutent au square d'Anvers, au square des Batignolles d'atrabilaires célibataires gardent toutes leurs tendresses pour les oiseaux à qui ils émiettent un peu de pain en se complaisant au murmure des petits ruisseaux artificiels.

   En automne, parfois, des hommes ramassent machinalement les feuilles mortes qu'ils broient dans leurs mains ; certains respirent d'une narine gourmande un relent de terreau, d'autres défaillent d'avoir faim sur les bancs et, dans une hallucination, sentent cette odeur de corne brûlée qui monte aux abords des maréchaleries : un souvenir d'adolescence lie cette odeur à leur fringale, car autrefois ils passaient devant le maréchal ferrant en rentrant de l'école du soir.

 

 

Jean Follain, Paris, éditions R.-A. Corréa, 1935, p. 32-34.

11/03/2013

Malcolm Lowry, Divagation à Vera Cruz, traduction Jean Follain

 

malcolm lowry,divagation à vra cruz,jean follain,glace,ivresse

Divagation à Vera Cruz

 

Où s'est-elle enfuie la tendresse demanda-t-il

demanda-t-il au miroir du Baltimore Hôtel, chambre 216.

Hélas son reflet peut-il lui aussi se pencher sur la glace

en demandant où je suis parti vers quelles horreurs ?

Est-ce elle qui maintenant me regarde avec terreur

inclinée derrière votre fragile obstacle ? La tendresse

se trouvait là, dans cette chambre même, à cet endroit même

sa forme vue, ses cris par vous entendus.

Quelle erreur est-ce là, suis-je cette image couperosée ?

Est-ce là le spectre de l'amour que vous avez reflété ?

Avec maintenant tout cet arrière-plan

de tequila, mégots, cols sales, perborate de soude

et une page griffonnée à la mémoire de ceux-là

qui sont morts, le téléphone décroché.

De rage il fracassa toute cette glace de la chambre. !Coût 50 dollars)

 

Malcolm Lowry, "Poèmes inédits", traduction Jean Follain, dans Les Lettres Nouvelles, "Malcolm Lowry",  Mai-juin 1974, p. 226.                       

02/02/2013

Jean Follain, Usage du temps

imgres-2.jpeg

                  Figures du temps

 

Cet idéal ciel il semble qu'il ne forme

qu'une unique armoirie

un blason solitaire.

 

En ce temps où Paris était tout un théâtre

et des corps de femme

un sésame

des filles vivaient qui avaient vingt ans

à beautés vivaces

à semblables voix

 

et parfois dans la chaleur de Rome

par mégarde un pape brisait son verre

et l'eau claire en coulait

la même absente du calvaire.

 

Sur les objets chaque jour la poussière

était lentement essuyée

avec un morceau déchiré

du corsage étoilé des fêtes

tissé dans la manufactures

que cernaient les prés et les nuages.

 

Des maisons pleines de lâches,

de forçats, de déserteurs,

montraient des barrières en fleur.

 

Souvent une main se refermait

comme une prison de chair

sur un insecte à couleur d'or

et féru de silence.

 

Vers les classes les drapés les champs

descendaient dans leurs plis antiques

et l'écolier cherchait les péninsules.

 

L'arbre et le bouquet

mendiaient l'existence

feuille par feuille et fleur par fleur.

 

Le jardinier éclairé par des lueurs

conduisait sa maîtresse à travers les châssis

cependant que lignes et volumes

ne cessaient pas de gouverner un buste exquis.

 

Jean Follain, Usage du temps, Poésie / Gallimard,

1983 (1943), p. 196-197.

 

17/07/2012

Jean Follain, Paris

Jean Follain, Paris, cimetière, le Père-Lachaise

 

                                      Cimetières

 

   Le Père-Lachaise, lieu de l'ultime résistance des communards, reste pénétré des odeurs du dernier siècle quand s'agglutinèrent à Paris plusieurs villages de la banlieue. M. Thiers, le nabot à vigoureuse cervelle dont la gravure d'apothéose décore encore de vieilles maisons rurales, y est enterré sous un immense mausolée carré. Quelques-uns, parmi les tombeaux de généraux de Napoléon, sont encore entretenus, beaucoup ne le sont plus : l'amateur d'émotions, le revers du veston recouvert de pellicules, y découvre d'anciennes couronnes fangeuses et circonscrit d'un doigt spatulaire les aigles en relief sur la pierre moussue.

   La multitude des cippes, des amphores, des croix, force le cœur dans les beaux jours de végétation abondante, alors que dans des coins pas encore défrichés, se balancent coquelicots et folles avoines, ainsi en est-il non loin du mur sanglant.

    Autour du four crématoire, le colombarium forme une grande bibliothèque d'urnes. De petits bourgeois à esprit fort, porteur de leur vivant d'un regard têtu et doux, des ouvriers convaincus et sobres se font incinérer. leurs parents pour rendre les devoirs à leurs cendres doivent si elles sont haut placées le long du mur prendre l'échelle et monter jusqu'à la case numérotée parmi tant d'autres.

   On peut visiter le four crématoire. La salle de crémation porte la marque de l'architecture salomonique. Elle comporte un orgue. La bière est introduite dans un simulacre de four en stuc décorée de roses, puis enlevée dans la coulisse et glissée devant deux parents seulement dans le véritable four qui consume à peu près tout car on ne retrouve que quelques débris d'os.

   Pour la visite publique, le four fonctionne en veilleuse ; j'ai vu parmi les visiteuses une petite bourgeoise vêtue de noir, la lueur rose éclairant son visage s'écrier en riant : « Eh bien, moi qui aime la chaleur, je serai servie. »

 

Jean Follain, Paris, éditions R.-A. Corréa, 1935, p. 59-61.

14/01/2012

Jean Follain, Usage du temps

imgres-2.jpeg

      Quincaillerie

 

Dans une quincaillerie de détail en province

des hommes vont choisir

des vis et des écrous

et leurs cheveux sont gris et leurs cheveux sont roux

ou roidis ou rebelles.

La large boutique s'emplit d'un air bleuté,

dans son odeur de fer

de jeunes femmes laissent fuir

leur parfum corporel.

Il suffit de toucher verrous et croix de grilles

qu'on vend là virginales

pour sentir le poids du monde inéluctable.

 

Ainsi la quincaillerie vogue vers l'éternel

et vend à satiété

les grands clous qui fulgurent.

 

Jean Follain, Usage du temps, Poésie / Gallimard,

1983 [1943], p. 160.

29/07/2011

Malcolm Lowry, Pas de compagnie... (traduction Jean Follain)

images-2.jpeg

 

                         Pas de compagnie hormis la peur

 

Comment tout a-t-il donc commencé

et pourquoi suis-je ici à l’arc d’un bar à peinture brune craquelée

de la papaya, du mescal, de l’Hennessy, de la bière

deux crachoirs gluants

pas de compagnie sauf celle de la peur

peur de la lumière du printemps

de la complainte des oiseaux et des autobus

fuyant vers des lieux lointains

et des étudiants qui s’en vont aux courses

des filles qui gambadent les visages au vent,

peur même de la source jaillissante.

Toutes les fleurs au soleil me semblent ennemies

ces heures sont-elles donc mortes ?

 

Malcolm Lowry, traduction de Jean Follain, dans Les Lettres Nouvelles, n° spécial, mai-juin 1974, "Malcom Lowry", p. 229.