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25/06/2021

Georges Perros, Huit poèmes, dans Œuvres

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      Huit poèmes, III

 

Si mon discours vous paraît triste

Ou dérisoire ou rien du tout

— On dit que je suis pessimiste

Mais non, cherchez un autre clou —

 

Descendez un peu sur la grève

La mouette y jette son cri

Puis reprend l’envol de son rêve

Immobile. Je suis ainsi.

 

On a beau me faire morsure

Profonde, terrible à subir

Je vais chercher de la sciure

 

Boucher de mon propre soupir,

La sème, afin qu’à nouveau luise

L’aube prochaine, et sa surprise.

 

Georges Perros, Œuvres, édition Thierry

Gillybœuf, Quarto/Gallimard, 2017, p . 1082.

11/11/2020

Dylan Thomas, Et la mort n'aura pas d'empire

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Et la mort n’aura pas d’empire

 

 

Et la mort n’aura pas d’empire.

Les morts nus ne feront plus qu’un

Avec l’homme dans le vent et  la lune d’ouest.

Quand leurs os becquetés seront propres, à leur place

Ils auront des étoiles au coude et au pied.

Même s’ils deviennent fous ils seront guéris,

Même s’ils coulent à pic ils reprendront pied

Même si les amants s’égarent l’amour demeurera

Et la mort n’aura pas d’empire.

 

Et la mort n’aura pas d’empire.

Gisant de tout leur long dans les dédales

De la mer ils ne mourront pas dans les vents.

Se tordant sur des chevalets quand céderont leurs muscles,

Ligotés sur une roue, ils ne se briseront pas.

La foi dans leurs mains cassera net,

Les démons unicornes les transperceront.

Fendus de toutes part ils ne craqueront pas

Et la mort n’aura pas d’empire.

 

Et la mort n’aura pas d’empire.

Ils n’entendront peut-être plus les cris des mouettes

Ni le déferlement des vagues sur les rives.

Là où s’ouvrait une fleur, peut-être qu’aucune fleur

Ne montrera sa tête aux rafales de la pluie.

Même s’ils sont fous et morts, tout à fait morts

Leurs têtes comme des marteaux enfonceront les marguerites,

S’ouvriront au soleil jusqu’au dernier jour du soleil

Et la mort n’aura pas d’empire.

 

Dylan Thomas, Poèmes, traduction Patrick Reumaux, dans

Œuvres I, Seuil, 1970, p. 413.

10/03/2020

Jack Spicer, c'est mon vocabulaire qui m'a fait ça

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Improvisations sur une phrase de Poe

 

« L’indéfinissable est un élément de la vraie musique »

La grande harmonie de ce qui

Ne s’abaisse pas en se définissant. La mouette

Seule sur la jetée croassant à gorge déployée

Sur nul poisson, nulle autre mouette,

Nul océan. Autant absolument dépourvue de signification

Qu’un cor anglais.

Ce n’est même pas un orchestre. Harmonie

Seule sur une jetée. La grande harmonie de ce qui

Ne s’abaisse pas en se définissant. Nul poisson

Nulle autre mouette, nul océan — la vraie

Musique.

 

Jack Spicer, c’est mon vocabulaire qui m’a fait ça,

traduction Éric Suchère, Le bleu du ciel, 2006, p. 103.

 

31/10/2017

Maurice Rollinat, Les névroses

                                  Maurice Rollinat 1.jpg

Ballade des mouettes

 

En tas, poussant de longs cris aboyeurs

Aussi plaintifs que des cris de chouettes,

Autour des ports, sur les gouffres noyeurs,

Dans l’air salé s’ébattent les mouettes.

D’un duvet mauve et marqueté de roux,

Sur l’eau baveuse où le vent fait des trous,

On peut les voir se tailler des besognes

Et se risque sous le ciel en courroux,

Pour nettoyer la mer de ses charognes.

 

Flairant les flots, sinistres charroyeurs,

Et les écueils noirs dont les silhouettes

Font aux marins de si grandes frayeurs,

Elles s’en vont avec des pirouettes

De-ci, de-là, comme des girouettes.

Dans les vapeurs vitreuses des temps mous

Où notre œil suit les effacements doux

Des mâts penchant avec des airs d’ivrognes,

Ces grands oiseaux rôdent sur les remous,

Pour nettoyer la mer de ses charognes.

 

Et quand les flots devenus chatoyeurs

Dorment bercés par les brises fluettes,

On les revoit, avides côtoyeurs,

Éparpillant leurs troupes inquiètes

Aux environs des falaises muettes.

En vain tout rit, le brouillard s’est dissous ;

Ces carnassiers qui ne sont jamais soûls

Ouvrent encore leurs ailes de cigognes

Sur les galets polis comme des sous,

Pour nettoyer la mer de ses charognes.

 

Envoi

 

Vautour blafard, fouilleur des casse-cous,

Toi dont le bec donne de si grands coups

Dans les lambeaux pourris où tu te cognes,

Viens-là ! tes sœurs t’y donnent rendez-vous

Pour nettoyer la mer de ses charognes.

 

Maurice Rollinat, Les névroses, Bibliothèque

Charpentier, 1923, p. 241-242.

30/10/2017

Pierre Dhainaut, Plus loin dans l'inachevé

 

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Oiseaux d’ici

 

Rieuses, dit-on de ces mouettes

tête noire et bec rouge,

d’autant plus blanches

lorsque les ailes se déploient

sur la digue, sur le port,

sans trêve, le vent,

le vent est favorable

à la véhémence

de la trajectoire, à l’acuité

du cri : elles gravitaient l’air,

elles s’y précipitent, là même

où nous ne voyons rien,

quelle était

leur victime ? cette clameur

de vagues qui s’abattent

nous rattrape, nous blesse

jusque dans les rêves.

 

Pierre Dhainaut, Plus loin dans l’inachevé,

Arfuyen, 2010, p. 49.

03/08/2015

Pierre Dhainaut, Plus loin dans l'inachevé

 

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Oiseaux d’ici

 

Rieuses, dit-on de ces mouettes

tête noire et bec rouge,

d’autant plus blanches

lorsque les ailes se déploient

sur la digue, sur le port,

sans trêve, le vent,

le vent est favorable

à la véhémence

de la trajectoire, à l’acuité

du cri : elles gravissent l’air,

elles s’y précipitent, là même

où nous ne voyons rien,

quelle était

leur victime ? cette clameur

de vagues qui s’abattent

nous rattrape, nous blesse

jusque dans les rêves.

 

Pierre Dhainaut,  Plus loin dans l’inachevé,

Arfuyen, 2010, p. 69 .

07/11/2014

Stamatis Polenakis, "Les escaliers d'Odessa", traduction de Myrto Gondicas

Stamatis Polenakis, "Les escaliers d'Odessa", traduction de Myrto Gondicas, Odessa, Trieste, Sibérie,mouette, mort

Viola d'amore

 

Olga, si je meurs aujourd'hui,

j'espère que demain tu m'oublieras.

Rappelle-toi seulement le bateau entre Odessa

et Trieste, un après-midi d'été

dans une vie lointaine, et, oublié même de Dieu,

l'orchestre qui jouait des chansons russes populaires

sur le port ; l'étudiant

Trofimov, qui voyageait avec nous

et qui plus tard a disparu en Sibérie.

Surtout rappelle-toi les mouettes,

elles étaient très blanches et elles nous ont accompagnés

tout au long du voyage, en volant plus vite

que les vagues même.

Ich sterbe, Olga.

Aujourd'hui je meurs pour toujours.

 

 

Stamatis Polenakis, "Les escaliers d'Odessa", traduction de Myrto Gondicas, dans la revue de belles-lettres, 2014, I, p. 71.

 

Annonce :

 

 

 

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L'A C A D E M I E   D'A R C H I T E C T U R E

 

 

LA VILLE SENSUELLE

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UN ENTRETIEN AVEC JACQUES FERRIER ET PHILIPPE SIMAY

MIS EN IMAGE PAR PAULINE MARCHETTI

 

NUMÉRO ZÉRO est une revue expérimentale à ciel ouvert qui s’intéresse à l’écriture comme processus de travail, en amont de sa formalisation définitive et sous toutes ses formes. C’est un laboratoire de création qui invite des écrivains et des artistes à participer pendant un an à des rencontres publiques mensuelles, à un site internet, à une édition papier, et à prendre en charge une rubrique dans chacun de ces formats.

entrée gratuite

Durée 1h

L'entretien sera suivi d'une dégustation de vins en partenariat avec R'Vinum

 ACADEMIE D'ARCHITECTURE

HOTEL DE CHAULNES

9 PLACE DES VOSGES

75004 PARIS

revuenumerozero.fr

 

30/04/2013

Pierre Silvain, Le côté de Balbec

Pierre Silvain, Le côté de Balbec, Proust, la mer, barques, mouette

   Ce n'était pas un cimetière de barques, comme il arrive qu'on en découvre de baleines ou d'éléphants, préservés, secrets, rituels, il n'en restait que trois ou quatre qui n'en finissaient pas de se démembrer, renversées sur le flanc, à moitié prises dans la vase, l'une dressant l'extrémité rongée de son étrave presque à la verticale, de même que si elle était prête à s'engloutir. Elles avaient été abandonnées dans la partie de l'embouchure qui demeure à découvert en deçà d'une vaste prairie marine que chaque marée submerge. Du chemin en surplomb, j'ai surveillé d'année en année la progression de l'interminable anéantissement, sans rien noter qui me l'aurait laissé espérer, tant je me désolais de cette ruine figée. J'ai cru chaque fois retrouver, perchée à la pointe de la proue, gardienne pétrifiée elle aussi des épaves, la même mouette blanche à l'œil méfiant que j'avais la plus grande peine à chasser en tapant des mains, et qui revenait aussitôt, outragée, lâchant un cri hostile à l'adresse de l'indésirable, du malintentionné, du tourmenteur et délogeur d'oiseau qui s'éloignait enfin. À présent les barques sont toutes absorbées par les boues, d'où n'émerge plus qu'un tronçon de fer tordu évoquant le bras d'un supplicié privé de main.

 

Pierre Silvain, Le côté de Balbec, L'escampette, 2005, p. 42-43.