08/06/2021
Matsuo Bashô, Cent cinq haïkaï
Un court moment
S’attarde sur les fleurs
Le clair de lune
Bruit d’étourneaux
Du micocoulier tombent des fruits
Tempête du matin
Viens me voir ici
De sous la magnanerie
Une voix de crapaud
Dans la nuit sombre
À la recherche de son nid
Le pluvier pleure
Les rossignols
De derrière les saules
De devant les broussailles
Matsuo Bashô, Cent cinq haïkaï,
traduction Koumiko Muraoka et
Fouad El-Etr, La Délirante, 1979, np.
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11/10/2020
Ossip Mandelstam, Tristia
Ce chant de grillon de l’horloge
c’est le murmure de la fièvre,
le râle desséché du poêle
c’est rouge soie qui se consume.
Si ronge la dent des souris
la trame amincie de la vie,
c’est que l’aronde ou dans sa ronde
son enfant détache ma barque.
Ce qu’au toit la pluie balbutie,
c’est noire soie qui se consume,
mais le merisier n’entendra
jusqu’au fond des mers que : « pardonne ».
Parce qu’innocente est la mort
et de rien ne vient le secours
si dans ta fièvre-rossignol
le cœur a gardé sa chaleur.
1917
Ossip Mandelstam, Tristia, traduction Jean-Claude
Schneider, dans Œuvres poétiques, Le bruit du temps /
La Dogana, 2018, p. 177.
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08/04/2019
René Char,Fenêtres dormantes et porte sur le toit
Faire du chemin avec
Le poème sur son revers, femme en besogne à qui les menus objets domestiques sont indispensables. La richesse et la parcimonie.
Avant de se pulvériser, toute chose se prépare et rencontre nos sens. Ce temps de préparatifs est notre chance sans rivale.
N’incitez pas les mots à faire une politique de masse. Le fond de cet océan dérisoire est pavé des cristaux de notre sang.
Il en faut un, il en faut deux, il en faut… Nul ne possède assez d’ubiquité pour être seul son contemporain souverain.
Combien y a-t-il de nuits différentes au mètre carré ? Seul ce trouble-fête de rossignol le sait. Nous, dont c’est la mesure, l’ignorons.
René Char, Fenêtres dormantes et porte sur le toit, Gallimard, 1979, p. 12, 13, 15, 16, 17.
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13/06/2018
Inger Christensen, La Vallée des papillons
Éphémères visions des regrettés défunts,
le papillon de l’aubépine qui plane
comme un nuage blanc teinté de traces
de bouquets rouges tissés par la lumière,
grand-mère au jardin qu’enlacent les milliers
de bras des giroflées, asters et gypsophiles,
mon père qui m’enseigna les premiers noms
de ce qui doit ramper avant de disparaître
pénètrent avec moi dans la vallée des papillons
où tout n’existe que de ce côté, où même
les morts entendent le rossignol, son chant
possède une pulsation étrange, mélancolique
qui va de la souffrance à la souffrance,
mon oreille répond d’un tintement secret.
Inger Christense, La Vallée des papillons, traduction du danois Karl et Janine Poulsen, Rehauts, 2018, p. 19.
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01/08/2017
Basho, Seigneur ermite, L'intégrale des haïkus
Quel idiot de penser
que l’autre monde serait
tel un soir d’automne !
Battant les vagues
le bruit d’une rame glace mes entrailles —
Pleurs dans la nuit
L’âme d’un saule pleureur
devient-elle celle d’un rossignol
dans son sommeil ?
Poètes émus par les cris des singes,
entendez-vous l’enfant abandonné
dans le vent d’automne ?
Basho, Seigneur ermite, L’intégrale des haïkus, édition bilingue par Makoto Kemmoku et Dominique Chipot, La Table ronde, 2012, p. 80, 81, 94, 99
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15/08/2015
Murasaki-Shikibu, Poèmes
D’un homme qui, las d’avoir frappé ma porte, s’en était retourné, le lendemain, au matin :
Fût-ce sur les bords
de la mer occidentale
balayée des vents
a-t-on jamais vu la grève
aux vagues inaccessibles ?
En réponse à ces reproches :
Retournée chez elle
peut-être comprendra-t-elle
qu’elle s’est lancée
à l’assaut d’un rude écueil
la frivole vaguelette
Au retour de l’an, comme l’on me demandait si ma porte était désormais ouverte :
De qui rossignol
a-t-il donc en ce printemps
hanté la demeure
pour ainsi se présenter
au logis voilé de brume
Murasaki-Shikibu, Poèmes, traduction du japonais par René Sieffert, P. O. F, 1986, p. 47.
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20/03/2015
René Char, La pluie giboyeuse
Floraison successive
La chaude écriture du lierre
Séparant le cours des chemins
Observait ue marge claire
Où l’ivraie jetait ses dessins.
Nous précédions, bonne poussière,
D’un pied neuf ou d’un pas chagrin.
L’heure venue pour la fleur de s’épandre
La juste ligne s’est brisée.
L’ombre, du mur, ne sut descendre ;
Ne donnant pas la main, dut prendre ;
Dépouillée, la terre plia.
La mort où s’engouffre le Temps
Et la vie forte des murailles,
Seul le rossignol les entend
Sur les lignes d’un chant qui due
Toute la nuit si je prends garde.
René Char, La pluie giboyeuse, Gallimard,
1968, p. 17.
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