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19/10/2020

Saint-John Perse, Vents

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I

 

C’était de très grands vents sous toutes faces de ce monde,

De très grands vents en liesse par le monde, qui n’avaient d’aire ni de gîte,

Qi n’avaient gardé ni mesure, et nous laissaient hommes de paille,

En l’an de paille sur leur erre... Ah ! oui, de très grands vents sur toutes faces de vivants !

 

Flairant la pourpre, le cilice, flairant l’ivoire et le tesson, flairant le monde entier des choses,

Et qui couraient à leur office sur nos plus grands versets d’athlètes, de poètes,

C’était de très grands vents en quête sur toutes pistes de ce monde,

Sur toutes choses périssables, sur toutes choses saisissables, parmi le monde entier des choses...

[...]

 

Saint-John Perse, Vents, dans Œuvres complètes, Pléiade/Gallimard,1971, p.179.

17/01/2020

Saint-John Perse, Oiseaux

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                                                  Oiseaux, I

 L’oiseau, de tous nos consanguins le plus ardent à vivre, mène aux confins du jour un singulier destin. Migrateur, et hanté d’inflation solaire, il voyage de nuit, les jours étant trop courts pour son activité. Par temps de lune grise couleur du gui des Gaules, il peuple de son spectre la prophétie des nuits. Et son cri dans la nuit est cri de l’aube elle-même : cri de guerre sainte à l’arme blanche.

 

Saint-John Perse, Oiseaux, dans Œuvres complètes, Pléiade / Gallimard, 1972, p. 409.

 

17/01/2018

Saint-John Perse, Oiseaux

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L’oiseau, de tous nos consanguins le plus ardent à vivre, mène aux confins du jour un singulier destin. Migrateur, et hanté d’inflation solaire, il voyage de nuit, les jours étant trop courts pour son activité. Par temps de lune grise couleur du gui des Gaules, il peuple de son spectre la prophétie des nuits. Et son cri dans la nuit est cri de l’aube elle-même : cri de guerre sainte à l’arme blanche.

 

Saint-John Perse, Oiseaux (1963), dans Œuvres complètes, Pléiade / Gallimard, 1972, p. 409.

 

01/04/2015

Saint-John Perse, Exil

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                    Photo Lucien Clergue (1974)

 

Portes ouvertes sur les sables, portes ouvertes sur l’exil,

   Les clés aux gens du phare, et l’astre roué vif sur la pierre du seuil :

   Mon hôte, laissez-moi votre maison de verre dans les sables...

   L’Été de gypse aiguise ses fers de lance dans nos plaies,

   J’élis un lieu flagrant et nul comme l’ossuaire des saisons,

   Et, sur toutes les grèves de ce monde, l’esprit du dieu fumant déserte sa couche d’amiante.

   Les spasme de l’éclair sont pour le ravissement des Princes en Tauride.

 

·      *  *

À nulles rives dédiée, à nulles pages confiée la pure amorce de ce chant...

   D’autres saisissent dans les temples la corne peinte des autels :

   Ma gloire est sur les sables ! ma gloire est sur les sables !... et ce n’est point errer, ô Pérégrin,

   Que de convoiter l’aire la plus nue pour assembler aux syrtes de l’exil un grand poème né de rien, un grand poème fait de rien...

   Sifflez, ô frondes par le monde, chantez, ô conques sur les eaux !

   J’ai fondé sur l’abîme et l’embrun et la fumée des sables. Je me coucherai dans les citernes et dans les vaisseaux creux,

   En tous lieux vains et fades où gît le goût de la grandeur.

 

Saint-John Perse, Exil, éditions de La Baconnière, Neufchâtel, 1952, p. 7-9.

 

 

 

 

 

18/08/2011

Saint-John Perse, Éloges

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                                   XIII

 

La tête de poisson ricane

entre les pis du chat crevé qui gonfle — vert ou mauve ? —

Le poil, couleur d’écaille, est misérable, colle,

comme la mèche que suce une très vieille petite fille osseuse, aux   mains blanches de lèpre.

La chienne rose traîne, à la barbe du pauvre, toute une viande mamelles. Et la marchande de bonbons

se bat

contre les guêpes dont le vol est pareil aux morsures du jour sur le dos de la mer. Un enfant voit cela,

si beau

qu’il ne peut plus fermer ses doigts… Mais le coco que l’on a bu et lancé là, tête aveugle qui danse affranchie de l’épaule,

détourne du dalot

la splendeur des eaux pourpres lamées de graisses et d’urines, où trame le savon comme de la toile d’araignée.

                                                   *

Sur la chaussée de cornaline, une fille vêtue comme un roi de Lydie.

 

Saint-John Perse, Éloges, dans Œuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1972, p. 45.