23/05/2014
Antonio Gamoneda, extraits de Chansons de l'erreur
I
Tu as écouté la plainte de la mer. Elle annonce
une imminence.
Libère-toi
de la pensée : cette
imminence te dépasse.
Libère-toi
Ne réponds pas
à la plainte de la mer.
II
Le destin n'existe pas mais il est traversé de racines rouges. Ainsi
est, fut, ma pensée traversée
par l'étincelle de la négation.
Ainsi
les heures crient, prononcent
leur inutile prophétie :
la pourpre
et l'extinction
du lever du jour.
III
Oui, la négation avance
dans mes veines.
Elle loge
dans la sentine creuse
de la pensée.
À proprement parler
pas de pensée en moi. La fausseté
me possède, l'unique fruit
permis dans cette
épaisseur vivante.
IV
Il y a de la colère dans la grisaille. La lumière gagne les [cours
et les cordes divisent ombres et minéraux.
La lumière soutient doucement la majesté des oiseaux, réunit
en un même instant quiétude et vertige.
As-tu pensé la lumière hors de tes yeux ?
Pense la lumière.
Non ;
tu ne peux la penser : elle
te pense, toi.
Ferme les yeux.
Antonio Gamoneda, extraits de Chansons de l'erreur,
traduit de l'espagnol par Jean-Pierre Bériou et Martine Joulia,
dans Europe, avril 2014, n° 1020, p. 284-285.
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