Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

05/08/2017

René Char, Fenêtres dormantes et porte sur le toit

                                    _rene-char1.jpg

                            Tous partis !

 

   On ne partage pas ses gouffres avec autrui, seulement ses chaises.

 

   La plupart des hommes sont voués à l’entrain de l’obéissance. Sitôt qu’ils découvrent ou conçoivent au loin une servitude repeinte, leur patron sera celui qui concentrera dans ses mains les ponctuelles besognes dépeçantes. Nous n’avons cessé d’assister à cela. Charme bizarre : sans renoncer à l’espoir.

 

René Char, Fenêtres dormantes et porte sur le toit, Gallimard, 1979, p. 62.

05/11/2014

René Char, Fenêtres dormantes et porte sur le toit

              René Char, Fenêtres dormantes et porte sur le toit,rélité, enchantement, gouffre, solitude, mer, rêve

Venelles dans l'année 1978

 

   Nous nous avançons devant la haie d'une double réalité : la première est la plus coûteuse (la vie continuellement allumée et qui monte jusqu'à la fleur), la seconde est supposée nulle puisqu'elle n'a pouvoir que de lentement nous déshabiller et de nous réduire en poudre. L'avantage de la première sur la seconde est de se savoir fiable, de n'être pas aveugle, de mentir comme elle respire, l'enchantement consommé.

 

   On ne partage pas ses gouffres avec autrui, seulement ses chaises.

 

   Elle ne peut se souffrir seule, l'épouse de l'espoir, serait-ce dans un bain de vagues. Mais sur le berceau convulsé de la mer, elle rit avec les écumes.

 

   La terre prête filles et fils au soleil levant puis les reprend la nuit venant. Leur repas du soir expédié, la cruelle les presse de s'endormir, consentant chichement quelques rêves.

 

René Char, Fenêtres dormantes et porte sur le toit, Gallimard, 1979, p. 61.

© Photo Jacques Robert (Gallimard)

18/10/2012

René Char, Fenêtres dormantes et porte sur le toit

 

rené char,fenêtres dormantes et porte sur le toit,rose,la terre,le passé

                Légèreté de la terre

 

Le repos, la planche de vivre ? Nous tombons. Je vous écris en cours de chute. C'est ainsi que j'éprouve l'état d'être au monde. L'homme se défait aussi sûrement qu'il fut jadis composé. La roue du destin tourne à l'envers et ses dents nous déchiquettent. Nous prendrons feu bientôt du fait de l'accélération de la chute. L'amour, ce frein sublime, est rompu, hors d'usage.

     Rien de cela n'est écrit sur le ciel assigné, ni dans le livre convoité qui se hâte au rythme des battements de notre cœur, puis se brise alors que notre cœur continue à battre.

 

                                         *

 

          Une rose par mégarde.

          Une rose sans personne.

          Une rose pour verdir.

 

                                         *

 

     Nous vivons avec quelques arpents de passé, les gais mensonges du présent et la cascade furieuse de l'avenir. Autant continuer à sauter à la corde, l'enfant-chimère à notre côté.

 

René Char, Fenêtres dormantes et porte sur le toit, Gallimard, 1979, p. 52, 54 et 65.