03/02/2016
Henri Thomas, Poésies : Un oiseau
Un oiseau
Un oiseau, l’œil du poète,
s’en empare promptement,
puis le lâche dans sa tête,
ivre, libre, éblouissant.
Qu’il chante, qu’il ponde, qu’il
picore, mélancolique,
d’invisibles grains de mil
dans les prés de la musique,
quand il regagne sa haie,
jamais cet oiseau n’oublie
les heures qu’il a passées
voltigeant dans la féérie
où les rochers nourrissaient
leurs enfants de diamant,
où chaque nuage ornait
d’une fleur le ciel dormant.
On trouvera l’oiseau mort
avant les froids de l’automne,
le plaisir était trop fort,
c’est la mort qui le couronne.
Henri Thomas, Poésies, Poésie /
Gallimard, 1970, p. 76-77.
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12/01/2016
Apollinaire, Funérailles
Funérailles
Plantez un romarin
Et dansez sur la tombe
Car la morte est bien morte
C’est tard et la nuit tombe
Dors bien dors bien
C’est tard et la nuit tombe
Dansons dansons en rond
La morte a clos ses yeux
Que les dévots prient Dieu
Dors bien dors bien
Que les dévots prient Dieu
Cherchons des prie-dieu
La mort a fait sa ronde
Pour nous plus tard demain
Dors bien dors bien
Pour nous plus tard demain
Plantons un romarin
Et dansons sur la tombe
La mort n’en dira rien
Dors bien dors bien
La mort n’en dira rien
Priez les dévots mornes
Nous dansons sur les tombes
La mort n’en saura rien
Dors bien dors bien
Guillaume Apollinaire, Pèmes divers, dans
Œuvres poétiques, Pléiade / Gallimard,
1965, p. 575.
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05/01/2016
Pascal Quignard, Princesse Vieille Reine
[...] Le vendredi 17 septembre 1808, le père de George Sand se rendit de Nohant à La Châtre afin de faire un quatuor chez les Duverret.
Il y dîna, tint parfaitement sa partie de violon, les quitta à onze heures.
Le cheval, qui avait pris le galop en quittant le pont, heurta dans l’obscurité un déblai de pierres, manqua rouler, se releva avec une telle violence qu’il projeta son cavalier derrière lui, à dix pieds de là.
Les vertèbres du cou furent brisées. Le père de George Sand avait trente et un ans. On le plaça sur une table d’auberge. On transporta le mort sur sa table, avec une lanterne sourde tenue devant lui, afin de voir dans l’obscurité, jusqu’à Nohant. On réveilla l’enfant de quatre ans, qui était en train de dormir, et on lui dit que son père était mort en revenant de faire du violon.
Orpheline de père, enfant d’une servante méprisée et à demi-folle, petite-fille d’une vieille dame aristocratique et malade (princesse de songe, riche comme Crésus, habillée comme l’as de pique, triste à étouffer, excellent musicienne). Aurore, quand elle fut adolescente, au désespoir d’avoir été arrachée à la paix du couvent où elle était heureuse, tout à coup, « vingt pieds d’eau dans l’Indre » l’attirent.
Pascal Quignard, Princesse Vieille Reine, Galilée, 2015, p. 51-53.
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29/11/2015
James Sacré, Dans l'œil de l'oubli, suivi de Rougigogne
J’ai bien conscience souvent que j’écris en mêlant les temps verbaux comme si je voulais mettre ensemble dans un temps présent aussi bien le passé que ce qui ressemble à du futur quand on se prend à rêver, à dire les mots « demain », « plus tard » : le désir d’un présent qui serait aussi bien l’infini que l’éternité dans le plus fugitif arrêt du temps qu’on s’imagine pouvoir vivre. Ce présent, qui ne peut exister pour nous qui n’en finissons pas de vieillir, n’est-il pas la pupille de cet œil de l’oubli dans laquelle je n’ai jamais rien vu pour la bonne raison que n’existant sans doute pas je ne peux que penser ce présent comme une tache aveugle de mon existence, un trou noir dans lequel toute celle-ci s’engouffre lentement jusqu’à la mort.
James Sacré, Dans l’œil de l’oubli suivi de Rougigogne, Obsidiane, 2015, p. 16-17.
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21/11/2015
Marie Cosnay, Sanza lettere (road movie)
on avait perdu un mot dans les sous-sols, impossible de traverser, le couloir retient toute une généalogie, les uns piétinent les autres dans un espace qui ne s’élargit pas sous la pression des corps, prenant appui sur les genoux et les fesses on cherche l’air en surface cogne au plafond et de corps en corps va jusqu’à ma mort Elle est venue ma mort je ne dis pas ça à cause d’un printemps mais d’un trop plein de printemps, de saisons, après une impression sordide, un changement de genre et de cap Transformons les corps entassés dans le hall en lettres Évaporons-nous en récits disais-je Passons par le trou de la serrure mais personne n’y arrivait
d’autant que le désir de liberté lui-même mourait ; m’agrippant je cherchais dans le hall une idée pour survivre ; il semblait plus que tout autre chose dégueulasse mon élan de survivre ; je m’agrippais à la dégueulasserie c’est-à-dire que malgré la mort qui me fonçait dessus je tenais les rênes
Marie Cosnay, Sanza lettere (road movie), éditions de l’Attente, 2015, p. 86.
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17/11/2015
Charlotte Delbo, Une connaissance inutile, II
Nous y [le laboratoire] étions bien parce que nous pouvions nous laver, avoir des robes propres, travailler à l’abri. La culture du kok-saghyz* ne donnerait pas de résultat avant 1948, la guerre serait finie. Nous étions loin du camp, nous n’en sentions plus l’odeur. Nous ne voyions que la fumée qui montait des fours crématoires. Quelquefois le feu était si fort que les flammes jaillissaient des cheminées, immenses, jusqu’au ciel. Le soir, cela faisait à l’horizon un rougeoiement de hauts fourneaux. Nous savions que ce n’étaient pas des hauts fourneaux. C’étaient les cheminées des fours crématoires, c’étaient des gens qu’on brûlait. Il était difficile d’être bien et de ne pas penser jour et nuit à tous ces gens qu’on brûlait jour et nuit — par milliers.
Charlotte Delbo, Une connaissance inutile, II, éditions de Minuit, 1970, p. 74-75.
* variété de pissenlit dont la racine pouvait servir à fabriquer du caoutchouc.
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04/11/2015
Édouard Levé (1965-2007), Suicide
Un samedi au mois d’août tu sors de chez toi en tenue de tennis accompagné de ta femme. Au milieu du jardin tu lui fais remarque que tu as oublié ta raquette à la maison. Tu retournes la chercher, mais au lieu de te diriger vers le placard de l’entrée où tu la ranges d’habitude, tu descends à la cave. Ta femme ne s’en aperçoit pas, elle est restée dehors, il fait beau, elle profite du soleil. Quelques instants plus tard, elle entend la décharge d’une arme à feu. Elle accourt à l’intérieur de la maison, elle crie ton nom, remarque que la porte de l’escalier qui conduit vers la cave est ouverte, y descend et t’y trouve. Tu t’es tiré une balle dans la tête avec le fusil que tu avais soigneusement préparé. Tu as laissé sur la table une bande dessinée ouverte sur une double page. Dans l’émotion, ta femme s’appuie sur la table, le livre bascule en se refermant sur lui-même avant qu’elle ne comprenne que c’était ton dernier message.
Je ne suis jamais allé dans cette maison. J’en connais pourtant le jardin, le rez-de-chaussée et la cave. J’ai revu la scène des centaines de fois, toujours dans les mêmes décors, ceux que j’ai imaginés la première fois que l’on me fit le récit de ton suicide. Cette maison était dans une rue, elle avait un toit et ne façade arrière. Mais rien de tout cela n’existe. Il y a le jardin où tu sors une dernière fois dans le soleil et où ta femme t’attend. Il ya la façade vers laquelle elle court lorsqu’elle entend la décharge. Il y a l’entrée, où la raquette se trouve, la porte de la cave et l’escalier. Enfin il y a la cave où gît ton corps. Il est intact. Ton crâne n’a pas explosé comme on me l’a dit. Tu es comme un jeune joueur de tennis qui se repose après un match sur le gazon. Tu en sais maintenant plus que moi sur la mort.
Édouard Levé, Suicide, Folio Gallimard, 2015 [P.O.L, 2008], p. 9-10.
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28/10/2015
Paul de Roux, Au jour le jour 5
L’approche de la mort peut être vécue dans la confiance — et pas nécessairement dans la peur animale. Des hommes sont morts dans la confiance. Mais cela, c’est l’aboutissement de ce qu’ils ont pensé, senti, vécu antérieurement, dans leur vie de futurs mourants. Nous avons du mal à admettre (et pour cause) que chaque instant de notre vie est décisif. Que c’est maintenant, tout de suite, ici, où que ce soit et dans quelque circonstance que ce soit, qu’il nous appartient de nous éveiller. (Quel autre terme employer ?) Et qu’est-ce que c’est s’éveiller ? « Vie et mort, ce que nous exigeons, c’est la réalité. » (Thoreau, cité par Jaccottet dans Nuages.) La conscience de la réalité est notre éveil, l’aiguiser est notre tâche de chaque instant, car ce n’est que dans l’instant, l’instant même, qu’il nous échoit de percevoir la réalité, ce bois couturé de la table, ce ciel nébuleux, le souvenir des morts, n’importe quoi : la réalité.
Paul de Roux, Au jour le jour 5, carnets 200O-2005, édition établie et présentée par Gilles Ortlieb, Le bruit du temps, 2014, p. 149-150.
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04/09/2015
Pascal Quignard, Petits traités, VI
Photo B. Desprez
Si je parle tout disparaît. C’est la nuit, et c’est la mort qui s’ouvre à partir d’elle. Dans le silence qu’on rompt, la femme aimée disparaît à la vue. Si le livre est visible, je ne le lis pas. Je le vois. Si tu parles, tu ne lis pas davantage. Garde le secret, contiens-le dans le silence, et la mort et l’abandon de la vulve chaude se tiendront loin de toi.
Le langage est pour la famille, ou pour la société, ou pour la cité. Le sexe et la mort — qui sont les deux autres dons que la vie nous accorde — doivent être préservés du contact avec le langage. La passion et la jouissance reposent sur l’exclusivité et le respect du silence.
Pascal Quignard, Petits traités, VI, Maeght, 1980, p. 167 et 169.
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23/08/2015
Nelly Sachs, Départ au désert
Départ au désert
Quitter soudain
la table du repas
et sans autre arme que son corps
s’en aller là-bas où les hyènes rient
Rendre visite aux pierres
qui se levèrent aussi un jour
pour revêtir la raideur de millions d’années
Tendre l’oreille pour épier
la faible plainte enfantine
au sein des sources cachées
qui veulent jaillir au monde
pour désaltérer les langues d’étoiles assoiffées —
le zodiaque des langues
qui lapent la lune opaline
et perdent tout leur sang
dans le frémissant rubis du soleil
Se lever soudain de table
s’enfoncer dans la racine de minuit
laisser un éclair fulgurant
déchirer notre poussière
Voir devant soi dans les sables du désert
le mirage vert des flammes végétales
la blancheur insoutenable des secrets dévoilés
la prière qui se déverse par les jointures de la mort
et les neiges éternelles de la rédemption —
Nelly Sachs, traduit de l’allemand par
Barbara Agnese, dans Europe, "Henri Heine",
"Nelly Sachs", août septembre 2015, p. 207-208.
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26/07/2015
Georges Perros, Papier collés, notes
La terre est belle. Le visage de l’homme parfois proche de l’idée qu’on se fait d’un Dieu à notre image. Et malgré tout ce bonheur qui nous entoure, qui nous fait signe, quelqu’un, un jour, a osé parler du courage de vivre. Quelqu’un, un jour, s’est suicidé. Les plus grandes têtes ont répondu non au questionnaire suprême. Pas un homme, peut-être, depuis toujours, pas un homme prêt à recommencer sa vie. La mort effraie, et presque tous les hommes s’en vont sans cris, sans larmes, sans terreur. Tous les charmes que dispensent l’écoulement des jours, et les jeux proposés ici-bas, rien ne résiste à l’ennui, à la fatigue, à l’usure de notre sensibilité. Le temps d’aménager en hâte notre intérieur, et déjà la cloche sonne. Il faut partir. Tout laisser, tout perdre, cette femme que l’on a aimée, cette nature qui nous a bouleversé. Comment ne pas comprendre les milliers d’à quoi bon qui éclatent et s’évaporent dans l’indifférence de l’espace. À quel degré de chaleur, de souffrance, de déchirement, l’à quoi bon lui-même s’annule-t-il, laissant son homme sans autre ressource que celle de vivre sous ses ruines et ne plus trouver force que dans sa respiration, dans sa présence même ?
Georges Perros, Papiers collés, Le Chemin, Gallimard, 1960, p. 28-29.
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10/06/2015
Henri michaux, Nous deux encore
Nous deux encore
Air du feu, tu n’as pas su jouer.
Tu as jeté sur ma maison une toile noire. Qu’est-ce que cet opaque partout ? C’est l’opaque qui a bouché mon ciel. Qu’est-ce que ce silence partout ? C’est le silence qui a fait taire mon chante.
L’espoir, il m’eût suffi d’un ruisselet. Mais tu m’as tout pris. Le son qui vibre m’a été retiré.
Tu n’as pas su jouer. Tu as attrapé les cordes. Mais tu n’as pas su jouer. Tu as tout bousillé tout de suite. Tu as cassé le violon. Tu as jeté une flamme sur la peau de soie pour faire un affreux marais de sang.
Son bonheur riait dans son âme. Mais c’était tromperie. Ça n’a pas fait long rire.
Elle était dans un train roulant vers la mer. Elle était dans une fusée filant vers le roc. Elle s’élançait quoique immobile vers le serpent de feu qui allait la consumer. Et fut là tout à coup, saisissant la confiante, tandis qu’elle peignait sa chevelure, contemplant sa félicité dans la glace.
Et lorsqu’elle vit monter cette flamme sur elle, oh...
Dans l’instant la coupe lui a été arrachée. Ses mains n’ont plus rien tenu. Elle a vu qu’on la serrait dans un coin. Elle s’est arrêtée là-dessus comme sur un énorme sujet de méditation à résoudre avant tout. Deux secondes plus tard, deux secondes trop tard, elle fuyait vers la fenêtre, appelant au secours.
Toute la flamme alors l’a entourée.
[...]
Henri Michaux, Nous deux encore [1948], dans Œuvres complètes, II, édition établie par Raymond Bellour avec Ysé Tran, Pléiade / Gallimard, 2001, p. 149-150.
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21/04/2015
André Gide, Les Nourritures terrestres
Adriatique, 3 heures du matin
Le chant de ces marins dans les cordages m’importune.
Oh ! si tu savais, si tu savais, terre excessivement vieille et si jeune, le goût amer et doux, le goût délicieux qu’a la vie si brève de l’homme !
Si tu savais, éternelle idée de l’apparence, ce que la proche attente de la mort donne de valeur à l’instant !
Ô printemps ! les plantes qui ne vivent qu’un an ont leurs fragiles fleurs plus pressées. L’homme n’a qu’un printemps dans la vie et le souvenir d’une joie n’est pas une nouvelle approche du bonheur.
Rome, Monte Pincio
Ce qui fit ma joie ce jour-là, c’est quelque chose comme l’amour — et ce n’est pas l’amour — ou du moins pas celui dont parlent et que cherchent les hommes. — Et ce n’est pas non plus le sentiment de la beauté. Il ne venait pas d’une femme ; il ne venait pas non plus de ma pensée. Écrirai-je, et me comprendrais-tu si je dis que ce n’était là que la simple exaltation de la lumière ?
J’étais assis dans ce jardin ; je ne voyais pas le soleil ; mais l’air brillant de lumière diffuse comme si l’azur du ciel devenait liquide et pleuvait. Oui, vraiment, il y avait des ondes, des remous de lumière ; sur la mousse des étincelles comme des gouttes ; oui, vraiment, dans cette grande allée on eût dit qu’il coulait de la lumière, et des écumes dorées restaient au bout des branches parmi ce ruissellement de rayons.
André Gide, Les Nourritures terrestres, édition publiée sous la direction de Pierre Masson, Pléiade / Gallimard, 2009, p. 373 et 374.
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30/03/2015
Franck Venaille, Chaos
Amères sont nos pensées sur la vie Amè-
Res sont-elles ! Il suffit — ô amertume ! —
D’un instant, tel celui où ce cerf-volant
Échappant à l’enfant se brises sur les gla-
Ciers du vent pour que disparaisse ce
Bonheur d’aller pieds nus sur le sable
Amers de savoir que ce sont sur des éclats
De verre que nous marchons. Que nous
Nous dirigeons, chair à vif, vers la mort —
*
On naît déjà mort
Ah ! ce mur d’anxiété
qui
peu à peu
m’enserre
ALORS
que
je demande simplement à quitter la scène
fut-ce par la sortie bon secours
Ce sont toujours les mêmes qui pratiquent l’autopsie
De leur propre corps
Cela tient du cheval vapeur ouvert dégoulinant de viscères
noirs.
Rien !
On naît rien.
Vite on recoud vite le cadavre vite !
— déjà fané avant l’heure légale —
Vite !
Franck Venaille, Chaos, Mercure de France, 2006, p. 57 et 90.
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20/03/2015
René Char, La pluie giboyeuse
Floraison successive
La chaude écriture du lierre
Séparant le cours des chemins
Observait ue marge claire
Où l’ivraie jetait ses dessins.
Nous précédions, bonne poussière,
D’un pied neuf ou d’un pas chagrin.
L’heure venue pour la fleur de s’épandre
La juste ligne s’est brisée.
L’ombre, du mur, ne sut descendre ;
Ne donnant pas la main, dut prendre ;
Dépouillée, la terre plia.
La mort où s’engouffre le Temps
Et la vie forte des murailles,
Seul le rossignol les entend
Sur les lignes d’un chant qui due
Toute la nuit si je prends garde.
René Char, La pluie giboyeuse, Gallimard,
1968, p. 17.
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