26/05/2024
Jules Renard,Journal
Le style, c’est l’oubli de tous les styles
Acquiers le talent de dire sans bâiller : « C’est intéressant. »
Ne jamais être content : tout l’art est là.
Soyez tranquille ! Je n’oublierai jamais le service que je vous ai rendu.
Le vrai bonheur serait de se souvenir du présent.
Jules Renard, Journal, Gallimard/Pléiade, 1965, p. 88, 95, 96, 96, 97.
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29/07/2023
Jean Tardieu, Accents
Les dangers de la mémoire
Ils s’assemblent souvent pour lutter
Contre des souvenirs très tenaces
Chacun dans un fauteuil prend place
Et ils se mettent à raconter
Les accidents paraissent les premiers
Puis l’amour, puis les sordides regrets,
Enfin les espérances mal éteintes.
Toutes ces images sont peintes
Au mur entre les fleurs du papier.
Ils pensent ainsi s’habituer
Aux poisons que leur mémoire transporte.
Moi cependant, derrière la porte,
Je vois le PRÉSENT fuir avec ses secrets.
Jean Tardieu, Accents, dans Œuvres, Quarto/
Gallimard, 2005, p. 89-90.
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12/05/2023
Jacques Roubaud, C et autre poésie
Présent
On n’écrit plus au passé. Il paraîtrait
Le temps des dominateurs du monde devoir être
Le présent. L’imparfait est solipsiste
Nominatif. Qu’un langue dérive en autre
N’étonne pas. La langue du bel aujourd’hui
Est statistique spasmodique : téléphones
Portables dans vos mains déportables du bord
Inférieur des jours aux soirs du peu de constat
La terre que tu lus n’était pas confortable
Les mots dits l’’avenir flottaient dans un bouillon
De sang épais où baignait beau le bleu factice.
Cela ne veut pas dire qu’il faudrait abso-
Lument que cette morasse* te satisfasse
*dernière épreuve faite généralement
à la Bourse quand la mise en forme du jour
est terminée
Jacques Roubaud, C et autre poésie (1962-2012),
NOUS, 2015, p. 321.
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24/12/2022
Jean Tardieu, Accents
Les dangers de la mémoire
Ils s’assemblent souvent, pour lutter
Contre des souvenirs très tenaces.
Chacun dans un fauteuil prend place
Et ils se mettent à raconter.
Les accidents paraissent les premiers,
Puis l’amour, puis les sordides regrets,
Enfin les espérances mal éteintes.
Toutes ces images sont peintes
Au mur, entre les fleurs de papier.
Ils pensent ainsi s’habituer
Aux poisons que leur mémoire transporte.
Moi cependant, derrière la porte,
Je vois le PRÉSENT fuir avec ses secrets.
Jean Tardieu, Accents, Gallimard, 1939, p. 14.
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10/09/2022
Bernard Noël, La Chute des temps
Dispersé
le parfois
les petites pattes du présent
l’abîme sur les talons
la chose de la chance
fait du front
ô grands yeux
un passant parmi les livres
et les douceurs
la beauté désastreuse
comment écrire : c’est ça
voici le mot vent
il ne souffle rien
que souffle le vent
la main touche l’air
et s’envole
Bernard Noël, La Chute des temps,
Poésie/Gallimard, 1993, p. 149.
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30/10/2019
Fernando Pessoa, Poèmes jamais assemblés d'Alberto Caeiro
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10/05/2018
James Sacré, Écrire pour t'aimer ; à S. B., suivi de S. B. hors du temps
S.B. hors du temps
(…)
Sommes-nous jamais dans notre nom ?
Écrire le remplit d’absence au temps.
Ronsard ou Schéhadé ne disent
Que des poèmes –bruit : voit-on leur main
Leur visage, leur ventre d’écrivain ?
Hélène aussi n’est qu’un nom
Qui ne va pas s’éveillant…
Nommer ne sera jamais
Que bruit de présent
Aussitôt passé : bruit de souvenir égaré
Hors du temps.
James Sacré, Écrit pour t’aimer ; à S. B.suivi de
S.B. hors du temps, Faï fioc, 2018, p. 94.
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31/12/2016
Jean-Baptiste Chassignet, Le mespris de la vie et la consolation contre la mort
XXXVI
Tu desires vieillir mais, au jour langoureux
Que tu auras attaint la vieillesse impotente,
Encore du futur la saison différente
De vivre plus long tems te rendra désireux.
Tu n’auras du passé qu’un regret douloureus,
De l’instable avenir qu’une ennuieuse attente
Et n’auras le présent chose qui te contente,
Autant viel et grison comme enfant mal heureus.
Tu fuis de mois en mois ton créancier à ferme
Et si tu ne seras prest non plus au dernier terme
De payer qu’au premier ains, comme au-paravant.
Tu requerras delay, mal-heureus. Hypocrite,
Quand il convient de payer il n’est que d’estre quitte,
Celuy ne meurt trop tost qui meurt en bien vivant.
Jean-Baptiste Chassignet, Le mespris de la vie et la consolation
contre la mort, Droz, 1967, p. 57-58.
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03/12/2015
Paul Celan, Enclos du temps, traduction Martine Broda
Viens, explique le monde à ton aune,
viens, laisse-moi vous combler
de toute opinion,
je ne fais qu’un avec toi,
pour nous capturer,
même maintenant.
Komm, leg die Welt aus mit dir,
komm, laß mich euch zuschütten mit
allem Meinen,
Eins mit dir bin ich,
uns zu erbeuten,
auch jezt.
Paul Celan, Enclos du temps, traduit par
Martine Broda, Clivages, 1985, np.
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29/11/2015
James Sacré, Dans l'œil de l'oubli, suivi de Rougigogne
J’ai bien conscience souvent que j’écris en mêlant les temps verbaux comme si je voulais mettre ensemble dans un temps présent aussi bien le passé que ce qui ressemble à du futur quand on se prend à rêver, à dire les mots « demain », « plus tard » : le désir d’un présent qui serait aussi bien l’infini que l’éternité dans le plus fugitif arrêt du temps qu’on s’imagine pouvoir vivre. Ce présent, qui ne peut exister pour nous qui n’en finissons pas de vieillir, n’est-il pas la pupille de cet œil de l’oubli dans laquelle je n’ai jamais rien vu pour la bonne raison que n’existant sans doute pas je ne peux que penser ce présent comme une tache aveugle de mon existence, un trou noir dans lequel toute celle-ci s’engouffre lentement jusqu’à la mort.
James Sacré, Dans l’œil de l’oubli suivi de Rougigogne, Obsidiane, 2015, p. 16-17.
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