Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17/11/2015

Charlotte Delbo, Une connaissance inutile, II

                                              3235929_3_49b8_charlotte-delbo-en-1950_526eb9fe634ed613370db20c4c6167a4.jpg

   Nous y [le laboratoire] étions bien parce que nous pouvions nous laver, avoir des robes propres, travailler à l’abri. La culture du kok-saghyz* ne donnerait pas de résultat avant 1948, la guerre serait finie. Nous étions loin du camp, nous n’en sentions plus l’odeur. Nous ne voyions que la fumée qui montait des fours crématoires. Quelquefois le feu était si fort que les flammes jaillissaient des cheminées, immenses, jusqu’au ciel. Le soir, cela faisait à l’horizon un rougeoiement de hauts fourneaux. Nous savions que ce n’étaient pas des hauts fourneaux. C’étaient les cheminées des fours crématoires, c’étaient des gens qu’on brûlait. Il était difficile d’être bien et de ne pas penser jour et nuit à tous ces gens qu’on brûlait jour et nuit — par milliers.

 

Charlotte Delbo, Une connaissance inutile, II, éditions de Minuit, 1970, p. 74-75.

 

* variété de pissenlit dont la racine pouvait servir à fabriquer du caoutchouc.