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13/02/2019

Henri Thomas, Poésies

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Le temps n’est qu’un noir sommeil

bienheureux qui sut garder

les images de l’éveil.

 

Vallée blanche, mes hivers,

 bois pleins d’ombre, mes étés,

 belle vue des toits déserts,

 

jours d’automne, et je marchais

recueilli, seul, ignoré,

dans l’or pâle des forêts,

 

déjà moutonnait la mer

perfide des accidents,

petits flots, petits éclairs,

 

bien malin qui s’en défend.

 

Henri Thomas, Poésies, Poésie / Gallimard,

1970, p. 132.

27/06/2016

Jacques Audiberti, Poésies 1934-1948

 

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                          Raminagrobis

 

Mangez, mes petits ! Mangez, mes petits ! Mangez !

Demain nous aurons nos sites changés.

Demain nous saurons, de la mort, la tendre,

la seule raison qui n’est que d’attendre.

 

Buvez, mes petits ! Buvez, mes petits ! Buvez !

Demain nous aurons nos pouces lavés.

Nous pourrons, demain, sous la pamplemousse,

graisser, des saisons, le dard, s’il s’émousse.

 

Aimez, mes petits ! Aimez, mes petits ! Aimons !

Nous sommes des feux vêtus de phlegmons.

Nous font, nous guettant, fléchir goutte à goutte

trop d’yeux sur ces murs et sur cette voûte.

 

Mourez, mes petits, mourez, mes petits, et tous !

Qu’il n’en reste un seul, eût-il nom Titous.

Il rebâtirait un temple quelconque.

 

La pierre des soirs tourne dans la conque.

 

Jacques Audiberti, Poésies 1934-1948, préface de

Georges Perros, Gallimard, 1976, p. 94.

 

 

03/02/2016

Henri Thomas, Poésies : Un oiseau

 

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           Un oiseau

 

Un oiseau, l’œil du poète,

s’en empare promptement,

puis le lâche dans sa tête,

ivre, libre, éblouissant.

 

Qu’il chante, qu’il ponde, qu’il

picore, mélancolique,

d’invisibles grains de mil

dans les prés de la musique,

 

quand il regagne sa haie,

jamais cet oiseau n’oublie

les heures qu’il a passées

voltigeant dans la féérie

 

où les rochers nourrissaient

leurs enfants de diamant,

où chaque nuage ornait

d’une fleur le ciel dormant.

 

On trouvera l’oiseau mort

avant les froids de l’automne,

le plaisir était trop fort,

c’est la mort qui le couronne.

 

Henri Thomas, Poésies, Poésie /

Gallimard, 1970, p. 76-77.

06/01/2014

Henri Thomas, Poésies, préface de Jacques Brenner

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                     Chauve-souris

 

La fadeur qui s’en va de la femme endormie

me poursuit vaguement, inquiétant ma vie.

 

Ce début de poème exprime une tristesse

si confuse qu’un rien la changerait en liesse.

 

Pourquoi liesse, pourquoi tristesse, pourquoi

ne pas rester tranquille et fort et sûr de soi ?

 

Un rameau monte de la plaine du sommeil,

c’est le jour, ébloui de renaître pareil.

 

M’envoler dans ce monde à l’énorme ramure,

aigle ou petit oiseau, quelle belle aventure !

 

Hélas, chauve-souris de cette voûte obscure,

je dors, alors que s’ensoleille la nature.

 

L’homme divers, comme un miroir qui bougerait

me fait peur, et la femme aux humides attraits

 

m’emmène au loin au pays des faibles cris,

des mensonges, et des fatigues de midi.

 

Le jour s’éteint, salut, crépuscule banal,

il est temps de glisser vers le monde infernal.

 

                 Henri Thomas, Poésies, préface de Jacques Brenner, Poésie /                                     Gallimard, 1970, p. 161.

01/07/2013

François de Malherbe, Poésies

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                            Chanson :

        Sur le départ de la vicomtesse d'Auchy

  

Ils s'en vont ces rois de ma vie,  

     Ces yeux, ces beaux yeux,

Dont l'éclat fait pâlir d'envie

     Ceux mêmes des cieux.

Dieux, amis de l'innocence,

Qu'ai-je fait pour mériter

Les ennuis où cette absence

     Me va précipiter ?

 

Elle s'en va cette merveille

     Pour qui nuit et jour

Quoi que la raison me conseille,

     Je brûle d'amour.

Dieux, amis de l'innocence,

Qu'ai-je fait pour mériter

Les ennuis où cette absence

     Me va précipiter ?

 

En quel effroi de solitude

     Assez écarté

Mettrai-je mon inquiétude

     En sa liberté ?

Dieux, amis de l'innocence,

Qu'ai-je fait pour mériter

Les ennuis où cette absence

     Me va précipiter ?

 

Les affligés ont eu leur peine

     Recours à pleurer ;

Mais quand mes yeux seraient fontaines,

     Que puis-je espérer ?

Dieux, amis de l'innocence,

Qu'ai-je fait pour mériter

Les ennuis où cette absence

     Me va précipiter ?

 

 

François de Malherbe, Poésie, Librairie de la

Bibliothèque nationale, 1884, p.154-155.

21/10/2011

Thomas Hardy, À la tombée du jour en novembre

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À la tombée du jour en novembre

 

La lumière de dix heures tombe,

Et un oiseau captif vole,

Là où les pins, comme des valseurs qui attendent,

Relèvent leurs têtes noires.

 

Des feuilles de hêtre , qui colorent de jaune l’heure de midi,

Flottent aériennes comme des taches sur l’œil ;

J’ai planté chaque arbre au printemps de ma vie,

Et maintenant ils obscurcissent le ciel.

 

Et les enfants qui flânent par ici

Croient qu’il n’a jamais été

De temps où il ne poussait ici aucun de ces grands arbres,

Que l’on ne verra plus un jour.

 

 

Thomas Hardy, Poésies, édition bilingue, traduit par Marie-Hélène Gourlaouen et Bernard Géniès, éditions Les Formes du Secret, 1980, p. 73.