19/12/2023
Roger Giroux, L'arbre le temps
Legs
I
La source est le chemin.
Le désir est la source
Et le désir se tait
Au milieu du chemin.
II
Le silence est la source.
La parole est le chemin.
La parole est la source
Et le silence du chemin.
Roger Giroux, L’arbre le temps,
Mercure de France, 1979, p. 65.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roger giroux, l'arbre le temps, legs, source, chemin | Facebook |
14/10/2021
George Oppen, Poésie complète
La source
Si la ville a des racines, c’est dans l’ordure
Ce sont des taudis. Même le trottoir
Est râpeux sous les pas.
— Dans un immeuble en brique
Noir le corps d’une femme
Brille. La lueur ; les inimaginables
Petits pieds s’effilent
Le cou-de-pied nu sur le sol en bois !
Cachée, déguisée
— et timide ?
La chaleur secrète
De la ville.
George Oppen, Poésie complète, traduction
Yves du Manno, Corti, 2011, p. 92.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : george oppen, poésie complète, source, ra cine, ville | Facebook |
03/01/2018
Maurice Blanchot, La bête de Lascaux
Il est, dans l’expérience de l’art et dans la genèse de l’œuvre, un moment où celle-ci n’est encore qu’une violence indistincte tendant à s’ouvrir et tendant à se fermer, tendant à s’exalter dans un espace qui s’ouvre et tendant à se retirer dans la profondeur de la dissimulation : l’œuvre est alors l’intimité en lutte de moments irréconciliables et inséparables, communication déchirée entre la mesure de l’œuvre qui se fait pouvoir et la démesure de l’œuvre qui veut l’impossibilité, entre la forme où elle se saisit et l’illimité où elle se refuse, entre l’œuvre comme commencement et l’origine à partir de quoi il n’y a jamais œuvre, où règne le désœuvrement éternel. Cette exaltation antagoniste est ce qui fonde la communication et c’est elle qui prendra finalement la forme personnifiée de l’exigence de lire et de l’exigence d’écrire. Le langage de la pensée et le langage qui se déploie dans le chant poétique sont comme les directions différentes qu’a prise ce dialogue originel, mais, dans l’un et dans ‘autre, et chaque fois que l’un et l’autre renoncent à leur forme apaisée et remontent vers leur source, il semble que recommence, d’une man !ère plus ou moins « vive », ce combat plus originel d’exigences plus indistinctes, et l’on peut dire que toute œuvre poétique, au cours de sa genèse, est retour à cette contestation initiale et que même, tant qu’elle est œuvre, elle ne cesse pas d’être l’intimité de son éternelle naissance.
Maurice Blanchot, La bête de Lascaux, fata morgana, 1982, p. 34-36.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maurice blanchot, la bête de lascaux, origine, source, commencement, at, œuvre | Facebook |
23/08/2015
Nelly Sachs, Départ au désert
Départ au désert
Quitter soudain
la table du repas
et sans autre arme que son corps
s’en aller là-bas où les hyènes rient
Rendre visite aux pierres
qui se levèrent aussi un jour
pour revêtir la raideur de millions d’années
Tendre l’oreille pour épier
la faible plainte enfantine
au sein des sources cachées
qui veulent jaillir au monde
pour désaltérer les langues d’étoiles assoiffées —
le zodiaque des langues
qui lapent la lune opaline
et perdent tout leur sang
dans le frémissant rubis du soleil
Se lever soudain de table
s’enfoncer dans la racine de minuit
laisser un éclair fulgurant
déchirer notre poussière
Voir devant soi dans les sables du désert
le mirage vert des flammes végétales
la blancheur insoutenable des secrets dévoilés
la prière qui se déverse par les jointures de la mort
et les neiges éternelles de la rédemption —
Nelly Sachs, traduit de l’allemand par
Barbara Agnese, dans Europe, "Henri Heine",
"Nelly Sachs", août septembre 2015, p. 207-208.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nelly sachs, dépat au désert, pierre, source, étoile, langue, nuit, mort | Facebook |
21/04/2014
John Taylor, La fontaine invisible
Tout en haut de la sombre vallée, au sortir des ombres, tu trouves enfin la source jaillissante, assourdissante de l'Arc : de l'eau bondissant en cascade, de l'eau froide, de l'eau existant pleinement ici, qui s'impose.
Cependant tu souhaites encore qu'elle vienne de quelque Ailleurs. Tu t'es efforcé de monter un chemin escarpé, faisant souvent halte. Arrivant enfin. Cela est vrai. Tu souhaites recevoir une reconnaissance, une récompense.
Le ruisseau périlleux surgit plus loin, comme une langue de feu blanche, de sous un glacier recouvert de terre et de roches brisées. Aucune glace d'un pur cristal bleu. Aucune profondeur insondable, aucune réflexion de lumière.
Après avoir jeté dans l'eau quelques éclats de schiste, après avoir regardé comment ils ricochent et coulent sous l'éphémère surface, tu songes à te risquer plus loin — sautant d'une pierre glissante à la prochaine. Tu ne peux être sûr de pouvoir revenir. Poser le pied sur l'autre rive signifie longer la falaise...
John Taylor, La fontaine invisible, traduit de l'anglais (États-Unis) par Françoise Daviet, Tarabuste, 2013, p. 121.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : john taylor, la fontaine invisible, source, ruisseau, lumière | Facebook |