23/04/2024
Pascal Quignard, Petits traités, VII
Les vieilles maisons sont des fées. Les vieilles maisons de famille sont invendables parce qu’elles ne sont plus des objets. Les « lèvres velues » disent le sexe féminin. Ridiculement, la moustache au-dessus de la bouche des hommes cherche à les rappeler comme un enfant imite les manies de sa mère.
Pascal Quignard, Petites traités, VII, Maeght ; 1990, p. 75.
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28/03/2019
Pierre Jean Jouve, La Vierge de Paris
Merveilleuse la fleur souterraine ou le sexe
N’est-ce le bien le plus précieux de nos eaux ?
C’est le plus doux après la mort et c’est la peste
Que nous abandonnons la nuit près des ruisseaux,
Aux larmes ; quand le sexe est le dernier qui reste
Au monde incendié, gémissant je le perds
Car il est tout et donc un ennemi de Tout
Un œil de tout et donc un ennemi du Regard
Qui d’abord ne veut rien des attaches de l’art.
Pierre Jean Jouve, La Vierge de Paris, dans Œuvre, I,
Mercure de France, 1987, p. 515.
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04/08/2016
Laurine Rousselet, nuit témoin
quelque chose ajoute à la piqûre
une densité
qui ressort de la douleur
le chemin dans le rêve
voiles
claquements
cruauté
la limite en suspens
la tête sur l’oreiller
écrire creuse
ce qui me reste de cœur
fuir avec eux
deux petits
*
le temps sur le cœur ravale
la puissance cogne sur l’aspérité
la ventre a volonté d’ébranlement
derrière la tête rien n’est fixe
à loin il y a l’immédiat accolé
le trou
l’odeur dessine la rencontre
le regard de l’autre
le sexe brûlant joue courbure
une fracture où mourir s’effondre
Laurine Rousselet, nuit témoin,
Isabelle sauvage, 2016, p. 9-10.
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23/04/2016
Christian Prigent, La Vie moderne
(une petite panne)
Joue la moderne un peu question sexe et va
Pas t’écouter cuvette auto-déplora
Triste ô pâle ahuri touriste à pas sa
Voir à quel sein vouer tes desiderata.
C’est fête la fesse et la chair non oui oh
Oui je dis j’obtempère et si mon petit
Doigt va dans des trous gais goûter le coulis
Des perplexités ça va ça va mollo
La libido (zéro alibi : au trot !),
Mais le vache accroc c’est madame qu’on pâme
À ne pas savoir où l’immiscer son âme
Parmi l’incarnate promiscuité, no ?
Christian Prigent, La Vie moderne, un journal,
P.O.L, 2012, p. 57.
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09/02/2016
Jean Genet, Un chant d'amour
Un chant d’amour
Berger descends du ciel où dorment tes brebis !
(Au duvet d’un berger bel Hiver je te livre)
Sous mon haleine encore si ton sexe est de givre
Aurore le défait de ce fragile habit.
Est-il possible d’aimer au lever du soleil ?
Leurs chants dorment encore dans le gosier des pâtres,
Écartons nos rideaux sur ce décor de marbre ;
Ton visage ahuri saupoudré de sommeil.
Ô ta grâce m’accable et je tourne de l’œil
Beau navire habillé pour la noce des Îles
Et du soir. Haute vergue ! Insulte difficile
Ô mon continent noir ma robe de grand deuil !
[...]
Jean Genet, Un chant d’amour, dans Le condamné à mort,
L’Arbalète, 1966, p. 81.
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04/09/2015
Pascal Quignard, Petits traités, VI
Photo B. Desprez
Si je parle tout disparaît. C’est la nuit, et c’est la mort qui s’ouvre à partir d’elle. Dans le silence qu’on rompt, la femme aimée disparaît à la vue. Si le livre est visible, je ne le lis pas. Je le vois. Si tu parles, tu ne lis pas davantage. Garde le secret, contiens-le dans le silence, et la mort et l’abandon de la vulve chaude se tiendront loin de toi.
Le langage est pour la famille, ou pour la société, ou pour la cité. Le sexe et la mort — qui sont les deux autres dons que la vie nous accorde — doivent être préservés du contact avec le langage. La passion et la jouissance reposent sur l’exclusivité et le respect du silence.
Pascal Quignard, Petits traités, VI, Maeght, 1980, p. 167 et 169.
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13/10/2014
Édith Azam, À propos de la poésie féminine
À propos de la poésie féminine
À côté de chez moi, il y a une forêt, et dans cette forêt, il y a des limaces. Elles sont jaunes fluo. Je ne les aime pas. Aussi chaque matin, après avoir avalé mes tartines, je prends mon fusil tire-bouchons, mes deux molosses grandes babines, et nous partons leur faire la chasse. La chasse aux limaces est un jeu de fille. C’est un jeu de fille car aucun garçon sérieux ne jouerait à la chasse aux limaces. Mes chiens ne sont pas des garçons sérieux, si molosses soient-ils, et babines comprises ; mes chiens n’ont rien de très viril, preuve en est, ils arpentent la forêt avec moi pour jouer à la chasse au limaces. S’ils ne le faisaient pas, un tas de questions me viendraient à l’esprit. Mes chiens sont-ils virils ? Mes chiens sont-ils des garçons ? Les garçons sont-ils des chiens ? Tous les garçons sont-ils des chiens ? Les garçons-chiens sont-ils des hommes ? Comment devenir un homme? Là, vous comprendrez sans difficulté, que tout cela, la question de la virilité ou d’être un homme n’a rien à voir avec la chasse aux limaces. Pour ce qui est de la poésie et de la féminité, cela n’étonnera personne : il en va de même. Il n’est pas plus d’écriture féminine, que de chasse masculine, etc…, à la limite oui, il est quelque part sur terre, une limace poétique. Et quelque part aussi, des poèmes sur les limaces, mais pas beaucoup si mes informations sont bonnes. Bref, certes, je concède volontiers, qu’il m’est impossible d’écrire en me grattant les couilles. Cela dit, pas certain que je l’eusse fait si Jean Nussu. (Suivez suivez ! Je vous en prie, en plus c’est drôle ! ) Du reste, se gratter les parties, est-ce la seule manière d’écrire un poème ? Car s’il est une chose qui reste, et une seule à sauver, sûr, ce ne sont pas les êtres et leurs noms de papier, mais bien les textes. Or, lorsqu’il s’agit d’écriture, de quoi parle-t-on ? Sans doute pas du taux de testostérone ou progestérone dans le sang. Le texte à lui tout seul fait sexe, au sens où le lecteur le pénètre autant qu’il le reçoit, et ce, indépendamment de son auteur, n’en déplaisent aux narcissiques patenté(e)s, baiseurzébaiseuses chroniques, incorrigibles libidineux-zéneuses, qu’ils soient auteurs, lecteurs, critiques ou autres. Et pour finir et pour faire simple, les mythes, comme les anges, n'ont pas de sexe. Homme ? Femme ? Mais de quoi on se mêle ? Ou, pour dire autrement : coupons-leur noms et tête : mélangeons tout !
Édith Azam, À propos de la poésie féminine (inédit)
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03/09/2014
Joseph Joubert, Carnets, I (suite)
On entend dans leurs paroles le tintement de leurs cerveaux.
Il faut avouer ses ténèbres.
Aux médiocres il faut des livres médiocres.
Évitez d'acheter un livre fermé.
Mépriser la vie et la mort.
Modèles. — Il n'y a plus de modèles.
Dans les festins, il suffit d'être joyeux pour être aimable.
Chercher la sagesse plutôt que la vérité. Elle est plus à notre portée.
Un rêve est la moitié d'une réalité.
Sexes. L'un a l'air d'une laie et l'autre d'un écorché.
Joseph Joubert, Carnets, I, Gallimard, 1994 (1938), p. 149, 172, 172, 183, 192, 192, 195, 197, 218, 228.
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