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16/01/2022

Ludovic Degroote, Llanover-Blaenavon

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(...) devant, la route semble se perdre parmi les pierres ; l’herbe rase et le ciel de la lande au bout, arbres vaincus, pierres ruinées, ciel vert, virage qui ouvre la lande, ciel vert, la route jusqu’à la lisière, cattle grid : lande, terre verte fleurie de cailloux que la broussaille ne colore pas : pierres déboulées, roulées, écroulées de nulle part, venues là sans aucun vent d’aucune espèce ; terre verte, nue, rase, essentielle, que la route a fragilement déchirée (route libre et sans évasion possible, digue morte, effondrée) rien à voir que la lande, charnue, humaine, déchirée, la lande et puis la lande (...)

 

Ludovic Degroote, Llanover-Blaenavon, le phare du cousseix, 2014, p. 11-12.

17/05/2021

Marina Tsvétaïéva, Le ciel brûle

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De pierre sont les uns, d’argile d’autres sont.—

Moi je scintille, toute argentine !

Trahir est mon affaire et Marine ô mon nom.

Je suis fragile écume marine.

 

D’argile sont les uns, les autres sont de chair —

À eux : tombes et dalles tombales !

— Baptisée dans la coupe marine — et en l’air

Sans fin brisée, je vole et m’affale.

 

À travers tous les cœurs, à travers tout filet

Mon caprice s’infiltre, pénètre.

De moi — ces boucles vagabondes : vise-les ! —

On ne fera pas du sel terrestre.

 

Contre vos genoux de granit je suis broyée

Et chaque vague me — réanime !

Vive l’écume, gloire à l’écume joyeuse,

Vive la haute écume marine !

                                                   23 mai 1920

 

Marina Tsvétaïéva, Le ciel brûle, traduction Pierre Léon et Ève Malleret, Poésie/Gallimard, 1999, p. 103.

28/07/2020

Laurent Albarracin, L'herbier lunatique

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Retirant la pierre de l’eau

elle luit vivante et morte

On aurait donc arraché

un cœur à ses battements.

 

Mouille un caillou

assombris-le

et son éclat sèche aussitôt

comme un peu de brume lui venant

Souffle sur la pierre

pour attendrir

ton souffle

 

En soupesant une pierre

sentir la pierre faire bloc avec son poids

faire pierre avec la pierre

On ne sépare pas le chacun

du tout

 

Tout  l’opaque de la pierre

est le durcissement d’une clarté

tout le dur de la pierre

l’éclat de sa durée

 

Laurent Albarracin, L’herbier lunatique

Rougerie, 2020, p. 8, 9, 10, 11.

06/01/2019

Paul Celan, La rose de personne

 

Le menhir

 

Gris de pierre

qui pousse.

 

Forme grise, sans

yeux, toi, regard de pierre, avec lequel

la terre a fait saillir vers nous, humains,

sur l’obscur, le clair, de ces chemins de lande,

le soir, devant

toi, gouffre du ciel.

 

De l’adultérin,

charroyé jusqu’ici, sombrait

par-dessus le dos du cœur. Moulin-

de-mer moulait.`

 

Aile-claire, tu étais suspendue le matin,

entre genêt et pierre,

petite phalène.

 

Noires, couleur

de phylactères, ainsi étiez-vous,

cosse

partageant les prières.

 

Paul Celan, La rose de personne, traduction

Martine Broda, Le Nouveau Commerce,

1979, p. 97.

06/07/2018

Raluca Maria Hanea, Retirements

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  Sous la pluie les hommes continuèrent à grimper,puis se figèrent.

      Leurs dos de pierre ont fini d’achever la montagne.

         Leur apparition restera notre plus longue étreinte.

 

 

paroi osseuse plantée devant le vide

l’obturateur en marge

extrémités prises

 

la pellicule s’est refermée

le souffle en couronne

 

sans excès d’espace

nervures cordes rentrées

 

les doigts rêches, le matin les yeux encore un peu salés

pour que toute la poussière leur revienne, toute la cendre

 

Raluca Maria Hanea, Retirements, éditions Unes, 2018, p. 63.

27/09/2017

Anne de Staël, Le cahier océanique

 

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Temps de pierre

Tout le mouvement du monde 

« reçu » et sur le coup « renvoyé »

Pierre d’exactitude

Elle atteint la minute à la tête

Et contre elle s’aiguise le dard

Son ombre l’entrecoupe de Présent

La tient entrouverte comme un boîtier

 

Anne de Staël, Le cahier océanique, La Lettre

volée, 2015, p. 117.

06/11/2016

Jean-Pierre Chambon, Matières de coma

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Photo Denis Svartz

 

Dans la clôture du compact

 

Dans l’étroit séjour des pierres. Dans cette impossibilité du séjour dans la pierre. Prisonnier des rhombes, des cercles.

 

Sous le calice renversé du ciel.

 

À l’intérieur, dans les replis des cristaux, derrière les angles distordants. Il y a assez d’eau, ici, pour nager, assez d’air pour s’envoler. La nage et le vol dans le volume étouffant. Parmi la tempête moléculaire. Dans la vague et le vent.

 

Assez d’infime espace pour vivre, en abîme. Fantôme atomisé dans les ruines miniaturisées d’un château. Contemplant, en réduction, le monde et sur l’eau boueuse des douves, le reflet disloqué du donjon où se penche une ombre.

 

Matière de la nuit, forme solide et close dans laquelle nul œil ne peut s’introduire. De cette extrême solitude, de l’étreinte de ce cachot, la lumière un jour jaillira et brûlera tous les regards.

 

[…]

Jean-Pierre Chambon, Matières de coma, suivi de Bernard Noël, L’histoire mentale, Faï fioc, 2016, p. 105.

11/09/2016

Geoffrey Squires, Poème en trois sections

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Pierres dans l’obscurité, formes

perçues plutôt que vues, inertes comme des animaux

endormis au milieu d’un champ ou le long de la route

où l’on avance avec précaution, frayant un chemin vers la maison

à travers l’herbe noire

 

Rocks in the darkness, shapes

sensed rather than seen, inert like animals

asleep in the middle of a field or by the road

which one moves among with care, picking a way home

across the dark grass

 

Geoffrey Squires, Poème en trois sections, traduit de l’anglais (Irlande)

par François Heusbourg, éditions Unes, 2016, p. 41 et 40.

05/11/2015

Jean-Luc Sarré, Les journées immobiles

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c’est ailleurs on dirait

loin du ciel

loin du bleu tumulte qui interdit

il y a de la terre dans les masses bruissantes

dans les cernes

les volumes

dans les ombres devenues fragiles

il y a du mauve dans ces ombres

c’est l’été

dans une autre lumière

l’odeur est celle des pierres avant la pluie

 

                     *

 

on ne sait rien de l’été

rien de ces quelques mots qu’il dénoue

trop lourds souvent

pareils à ces branches basses

vautrées dans la poussière

au milieu de l’allée

ou à ces fleurs encore

écloses parmi les pierres

isolées rouges

fragiles au cœur du ruissellement

 

Jean-Luc Sarré, Les journées immobiles, 1990 ;

Flammarion, p. 72 et 84.

23/08/2015

Nelly Sachs, Départ au désert

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Départ au désert

 

Quitter soudain

la table du repas

et sans autre arme que son corps

s’en aller là-bas où les hyènes rient

 

Rendre visite aux pierres

qui se levèrent aussi un jour

pour revêtir la raideur de millions d’années

 

Tendre l’oreille pour épier

la faible plainte enfantine

au sein des sources cachées

qui veulent jaillir au monde

pour désaltérer les langues d’étoiles assoiffées —

 

le zodiaque des langues

qui lapent la lune opaline

et perdent tout leur sang

dans le frémissant rubis du soleil

 

Se lever soudain de table

s’enfoncer dans la racine de minuit

laisser un éclair fulgurant

déchirer notre poussière

 

Voir devant soi dans les sables du désert

le mirage vert des flammes végétales

la blancheur insoutenable des secrets dévoilés

la prière qui se déverse par les jointures de la mort

 

et les neiges éternelles de la rédemption —

 

Nelly Sachs, traduit de l’allemand par

Barbara Agnese, dans Europe, "Henri Heine",

"Nelly Sachs", août septembre 2015, p. 207-208.

 

 

 

21/10/2014

Bartolo Cattafi, Mars et ses ides

Bartolo Cattafi, Mars et ses ides, pierre, mouvement, gris, mélancolie

Une pierre

 

Un geste de courage

lancé dans le vent

une pierre roulant lentement tout au long de son trajet

qui dans sa plénitude se reconnaît

et admire ses arêtes

puis émerge comme un marbre depuis la mêlée

ton front

blanc prend peur

inerte défaite poussiéreuse

tombée à tes pieds

mais retentissante

après t'avoir touché.

 

Gris

 

Dans ce temps dans ce gris

j'ouvre la porte

j'y entre aisément

comme une goutte dans la mer

mon visage est gris

comme les vêtements qui couvrent

le gris de mon corps

mon âme se montre

aux fenêtres des yeux

avec une part de gris

puisque le reste est encore

charbon non consumé.

 

Bartolo Cattafi, Mars et ses ides, traduit de l'italien par

Philippe di Meo, Héros Limite, 2014, p. 13, 53.

04/03/2014

Jean Grosjean (1912-2006), Une voix, un regard

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                Nos pas se posent...

 

Nos pas se posent

sur les pierres qui dorment dans le sol

sur les cheminements des fourmis

 

Que de paroles dans notre tête

leur danse et l'arrière-goût

de toutes les choses entendues

 

Mais pas de langage à la bouche

Nos pas seuls

 

leurs crissements sur les brindilles

leur poussière

 

Jean Grosjean, Une voix, un regard, textes retrouvés 1947-2004, édition de Jacques Réda, préface de J.M.G. Le Clézio, Gallimard, 2012, p. 99.