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15/06/2015

Sanda Voïca, Exils de mon exil

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          La conquête impossible

 

Sur ce bateau vaguant pour la première fois

Qu’on me mette dans son ventre bas,

d’où je guetterai le jour de l’an.

Ma vie est une fête.

Mais ceux que je ne connais pas

ont-ils les mêmes fêtes, le même calendrier ?

Leur année  a-t-elle la même durée que la mienne ?

Comment conquérir et aimer un peuple

qui n’arrive pas au bout de l’année ?

Comment remplir le temps qui n’existe pas ?

De mon coin j’enverrai des signes :

La vie est une fête ; d’un jour, d’un an,

mais de ma longueur,

une étendue impossible pour les autres.

On n’est jamais conquérant

Mais on est toujours aimant

en avalant le temps.

Voilà ce que je vous dis,

mais ce que je ne peux pas vous dire

c’est d’où je vous parle :

C’est quoi cette boule mouvante, visqueuse,

mélange de lumière et matière,

qui me garde au chaud,

qui me pousse à écrire ?

Assise tantôt dedans, tantôt dessus.

Ne croyez surtout pas qu’avec ces détails

je vous ai tout dit.

 

Sanda Voïca, Exils de mon exil, Passages d’encre,

2015, p. 11.

14/06/2015

Marlene Dumas, Art et protitution ; une Europe unie

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                     Art et prostitution

 

Si la Prostituée est une personne

qui a pour profession

de satisfaire de le désir de diverses personnes

pour des raisons de gain économique,

où un implication émotionnelle peut

ou non être présente —

 

Alors elle ne me semble pas très éloignée

de ma définition de l’artiste.

En général les artistes aiment faire semblant.

En général les artistes font semblant d’aimer

plus qu’ils ne peuvent porter.

Ils désirent le désir de tous

tout en ne désirant personne.

 

 

                      Une Europe unie

 

Je n’ai jamais pensé rester

Je suppose que c’est ce qu’elle disent toutes.

 

C’était ma première fois dans un peep-show

aussi quand la fille m’a regardée

je lui ai dit, « je ne fais que regarder », et elle m’a répondu

« C’est comme àa que j’ai commencé ici moi aussi ».

 

Marlene Dumas, traduit de l’anglais par Martin Richet, dans Koshkonong, n7, Printemps 2015, p. 18 et 20.

 

 

 

 

 

 

 

 

13/06/2015

Antonio Porta, Les rapports

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                      Que peut-on justifier ?

 

                                                                             à Edoardo Sanguineti

 

I

 

Prends garde à ce mois de juin vénéneux, privé de racines et de

fourmis, ce discours n’a aucun sens, plus, tout le monde

le sait, si vous voulez savoir quelque chose des origines de la vie,

elle n’est pas d’origine, du monde, s’en moque, plus,

ce mois de juin n’est pas né, sachez-le, cessez de penser

à l’argent et choisissez, entre l’histoire et le drame ou

la tragédie, la vérité, je crois, et les faits tels quels, si

il n’y a pas de lieu, où l’on est né, ni la maison, personne

ne sait où c’est, et ainsi ne m’écoutez pas et je vous dis de

lui couper les bras, ce sera extraordinaire, qu’ils se libèrent

les grands seins, et mâchez, jusqu’au bout, dedans

la société et ses légendes, petites et grandes lèvres, dans

le parc qu’il s’invente, dans les buissons, pour enflammer le pénis,

où l’on court, au sens métaphorique, car en réalité

je suis à bout de souffle.

 

[...]

Antonio Porta, Les rapports, traduit de l’italien par Caroline Zekri, préface d’Alessandro De Francesco, postface de Judith Balso, NOUS, 2015, p. 108.

12/06/2015

Albane Prouvost, meurs ressuscite

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dans la maison glacée

où je ne suis pas autorisée

combien de cerisiers

acceptent de revenir

accepte poirier

 

ici je commence ici

les pommiers sont des sorbiers

accepte

 

un pommier accepte-t-il

puis sauvagement il accepte

accepte poirier

 

accepte puisque tu acceptes

les poiriers sont tous bons

ainsi accepte

 

cher compatible tu me manques tu me manques tellement

 

pardonne aux poiriers, bon pardonne aux pommiers puisque c’est fait bon

pardonne aux jeunes glaciers

 

tu traînes comme un jeune pommier

parce que tu traînes toujours comme un jeune pommier

 

un jeune glacier est un jeune pommier

 

tu ne vas pas concurrencer la glace quand même

 

serait un jeune poirier un jeune cerisier serait un jeune pommier

en train de devenir pratique

 

j’ai besoin des pommiers

ou j’ai besoin des poiriers

ou j’ai besoin de leur pure capacité

 

un jeune glacier n’espère plus être un jeune pommier

 

[...]

Albane Prouvost, meurs ressuscite, P.O.L, 2915, p. 9-13.

11/06/2015

Pascal Commère, Des laines qui éclairent

 

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Seraient-ils perdus une fois encore les mots,

par la terre brune et collante qui entérine

en silence toute mort en juin comme une boule

de pluie sur tant d'herbe soudain qui verse, avec

dans la poitrine ce serrement, par les collines

presque en haut, quand la route espérée dans un virage

d'elle-même tourne et disparaît... Je reconnais

le menuisier qui rechignait au guingois des portes

cependant que vous gagnez en ce jour de l'été

la terre qui s'est tue, humide et qui parlait

dans votre voix soucieuse ; à chaque mot j'entends

le travers du roulis des phrases le tonnerre

d'un orage depuis longtemps blotti dans l'œuf, la coque

se fissure — sont-ce les rats qui remontent, ou le râle

des bêtes hébétées dans l'été, longtemps résonne,

comme les corde crissent, lente votre voix digne

par-dessus l'épaisse terre menuisée, les vignes

bourrues... Et sur mon épaule, posée, la douceur

ferme de votre main pèse sans appuyer.

 

Pascal Commère, De l'humilité du monde chez les bousiers (1996),

dans Des laines qui éclairent, Le temps qu'il fait, 2012, p. 211.

 

 

           

10/06/2015

Henri michaux, Nous deux encore

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                               Nous deux encore

 

   Air du feu, tu n’as pas su jouer.

   Tu as jeté sur ma maison une toile noire. Qu’est-ce que cet opaque partout ? C’est l’opaque qui a bouché mon ciel. Qu’est-ce que ce silence partout ? C’est le silence qui a fait taire mon chante.

 

   L’espoir, il m’eût suffi d’un ruisselet. Mais tu m’as tout pris. Le son qui vibre m’a été retiré.

 

   Tu n’as pas su jouer. Tu as attrapé les cordes. Mais tu n’as pas su jouer. Tu as tout bousillé tout de suite. Tu as cassé le violon. Tu as jeté une flamme sur la peau de soie pour faire un affreux marais de sang.

 

   Son bonheur riait dans son âme. Mais c’était tromperie. Ça n’a pas fait long rire.

 

   Elle était dans un train roulant vers la mer. Elle était dans une fusée filant vers le roc. Elle s’élançait quoique immobile vers le serpent de feu qui allait la consumer. Et fut là tout à coup, saisissant la confiante, tandis qu’elle peignait sa chevelure, contemplant sa félicité dans la glace.

 

   Et lorsqu’elle vit monter cette flamme sur elle, oh...

 

Dans l’instant la coupe lui a été arrachée. Ses mains n’ont plus rien tenu. Elle a vu qu’on la serrait dans un coin. Elle s’est arrêtée là-dessus comme sur un énorme sujet de méditation à résoudre avant tout. Deux secondes plus tard, deux secondes trop tard, elle fuyait vers la fenêtre, appelant au secours.

   Toute la flamme alors l’a entourée.

 

[...]

 

Henri Michaux, Nous deux encore [1948], dans Œuvres complètes, II, édition établie par Raymond Bellour avec Ysé Tran, Pléiade / Gallimard, 2001, p. 149-150.

 

09/06/2015

François Muir, L'infamie de la lumière

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                Jardins

 

Lumière, lumière blanche, pas à pas

Lente approche, éphémère confrontation

Ombres souriantes, corolles de rose

De près, terre foulée, lents écarts

Corps sans attache, repos loin du ciel

Escale, séjour d’îles en îles

 

 

                Fleuve

 

Frôlements

Nu, nage isolée

Passage sur la terre

Insensible au feu, à ses ramifications

Feu qui ne s’allume, ni ne s’éteint

Tête à tête, celui qui veille, celui qui s’absente

 

 

                 Cendres

 

Coupure, flots de silence

Converti à l’Autre, aux états, aux états

Loin du tumulte, étrave impassible

Cendres sur la terre, cendres dans les os

Lumière dans la lumière, sans laisser de traces

 

François Muir, L’infamie de la lumière, La Lettre volée,

2015, p. 39-41.

08/06/2015

Caroline Sagot Duvauroux, 'j

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[...]

Qui pleure-t-on ?

Y a-t-il un secours ?

Couper dans soi ?

Tu fut-il ?

Je n’est plus pour le savoir ?

Si tu n’est plus pour que je

 

Y a-t-il un autre destinataire du monde ?

 

Sans doute.

 

Pour qui sont ces serpents ?

 

Y a-t-il encore du blanc aux fleurs de camélia ?

 

Le lierre coule-t-il encore des parois ?

 

Le crime de défaire ?

 

Ne fait pas très bon, là

 

Faut-il refaire ces choses où je fut malhabile ?

La mort ? Je ne sais pas

Apprends-moi ce que je sais

pour que je reconnaisse

Où es-tu ? je ne peux me souvenir

Quelle contingence avec demain ?

Indigne de contingence ?

Dès aujourd’hui mais

demain ? qu’est-ce dire ?

Qui suis-je ? est-ce ? et pour qui sont ?

Rêvais-tu ?

Je n’étais pas là

Rêvais-tu pour carner le dogme ?

J’faut

sans la violence

Faudrait

mais sans la violence

Et dire encore merci ?

Tu ne seras pas là je n’étais pas là

Je ? là ? qu’est-ce ?

Nous n’étions qu’ici

Qui dans le feu tord une aurore ?

pour légender l’instant d’un incipit

au point du jour

Avant l’erreur point de jour au rideau

[...]

 

Caroline Sagot-Duvauroux,  ’j, éditions Unes,

2015, p. 46-47.

 

07/06/2015

James Sacré, Dans l'œil de l'oubli, suivi de Rougigogne

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                                 Cahiers guenille

 

   Il y a ces premiers cahiers, quatre ou cinq, que sans doute je détruirai. Parce qu’ils sont la trace d’une sorte de crise informe ; celle d’une affectivité qui sait mal reconnaître ce qu’elle découvre en son corps, qui veut s’en défaire (ou en sublimer le poids) tout en l’affirmant de façon désespérée, plutôt que de l’accepter dans un solide contentement d’être. Celle aussi d’un désir de penser sans s’en donner les moyens de le faire par des lectures autour desquelles il aurait fallu réfléchir, en écrivant vraiment au lieu de jeter sur ces cahiers des cris, des gestes de mots, comme de quelqu’un qui se serait noyé dans son vide incohérent.

   Et me voilà parlant de ces cahiers, alors qu’en plus de les détruire je pourrais (je devrais peut-être) n’en rien dire ; si j’en parle maintenant n’est-ce pas que je leur accorde quelque importance persuadé que je suis que c’est là aussi que naît de leur magma brassé et rebrassé de façon répétitive durant quelques années, ce que sera une pratique longtemps continue du poèmes ? Pourtant quand je relis ces cahiers je n’y vois rien qui pourrait expliquer le désir d’écrire. D’ailleurs des poèmes (désespérément mièvres c’est vrai, mais beaucoup plus écrits que les pages de ces cahiers) j’en écrivais depuis bien avant ces années de quasi-ridicule crise d’adolescence.

 

James Sacré, Dans l’œil de l’oubli, suivi de Rougigogne, Obsidiane, 2015, p. 26.

06/06/2015

Jules Renard, Le petit bohémien

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                                    Le petit bohémien

 

   En sortant de l’épicerie du village, avec une bouteille, il courut après des moutons que leur berger ramenait à la ferme. Il ne dit rien à ce berger qui avait la tête de plus que lui et n’aurait pas répondu, mais il suivit le troupeau et s’en occupa, de loin, comme un second berger.

   Quand une brebis restait en arrière, c’était sa part : il pouvait la flatter, tremper ses doigts dans sa laine, lui parler en maître jusqu’à ce que le chien vint la reprendre.

   À la porte de la bergerie, le petit bohémien fut sérieusement utile.

   Les agneaux nouveaux-nés, qui n’avaient pas vu leur mère de la soirée, se précipitaient dehors, sous elles. Il les aida à retrouver chacun la sienne. Il en sépara deux qui s’obstinaient à donner des coups de tête au même ventre. Il en rattrapa un autre qui, joyeux d’être libre, oubliait de téter et bondissait imprudemment vers la mare.

   Puis, pour sa récompense, le petit bohémien voulut pénétrer dans la bergerie. Il se croyait chez lui. Mais le berger lui ferma au nez le bas de la porte divisée en deux parties. Le petit bohémien posa à terre sa bouteille, se pendit à la porte basse, et regarda par-dessus. Ses yeux essayaient de percer l’ombre.

   Il n’eut pas le temps de se fatiguer les poignets. Le berger, sa besogne terminée, ressortit, ferma cette fois la porte tout entière, le haut et le bas, au verrou, et s’en alla du côté de la soupe, avec son chien.

   Le petit bohémien qui le suivait encore, le vit entrer dans la maison et s’asseoir près des autres domestiques, à la table commune. Il resta seul au milieu de la cour.

   Personne ne faisait attention à lui, et la fermière ne se dérangea pas pour le chasser.

Il renifla fortement et revint à la bergerie coller son oreille à la porte. Les agneaux calmés se taisaient un à un. Il s’assura que le verrou extérieur était bien poussé, et par précaution chercha une grosse pierre afin de caler la porte. Cela fait, n’imaginant plus rien à faire, il reprit sa bouteille et se décida à quitter la ferme.

   C’est à ce moment qu’il aperçut un monsieur sur la route. Il ôta ses sabots, mit ses mains dedans, et pieds nus, rattrapa vite le monsieur.

   Il ne me dit pas bonjour.

[...]

   Je parlai le premier et lui dis :

« Qu’est-ce qu’il y a de jaune dans ta bouteille « 

— De l’huile et du vinaigre que j’ai achetés à l’épicerie.

— Pour mettre dans ta salade ?

— Dame ! pas dans ma soupe.

[...]

 

Jules Renard, Le Vigneron dans sa vigne, dans Œuvres I, textes établis par Léon Guichard, Pléiade / Gallimard, 1970, p. 820-821.

05/06/2015

Emmanuèle Jawad, Plans d'ensemble

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          histoires, frontière

 

les sols marqués de fragments courts, par endroits, le tracé suit la Spree

entre les plaques tombales, s’y insère, la mémoire d’une ligne

à la traversée, entre, reste  de marbres et ciment, en place

zones d’herbe rase et chantiers ouverts, rouille commémorative

d’un pan vertical, tiges métalliques terminent la ligne de frontière

 

l’histoire par les sols entamés, tranchées entre les murs dédoublés, dans cet écart

terrain vague, ne subsiste qu’une vacance et la mémoire d’outre,

mémorial au lieu inscrit, dite l’armature seule, une élongation, un ressenti,

en marche, le cours, la ligne discontinue marque les anciens postes frontières,

radiation d’une clôture, vestiges en plans arrêtés

 

lavées, blanchies, dans l’effacement ténu peu à peu, les images,

il renverse l’ordonnancement des événements, de Berlin à Leipzig,

chute à un mouvement qui précède, foules d’amplitude, en surimpression, floues

 

Emmanuète Jawad, Plans d’ensemble, Propos2éditions, 2015, p. 53.

04/06/2015

Laurent Albarracin, Herbe pour herbe

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[...]

Les ronces sont difficiles —

on dirait qu’elles sont en végétation

montées en épingles sur elles

leur peine à les extirper

 

De l’inextricable

on peut extraire l’inextricable —

ce sera toujours un fibreux

jus

 

L’herbe floute le sol — le hache

doucement — tant il est vrai

comme venu au tout proche

un peu du lointain horizon

 

Comme l’herbe d’herbe — oui

l’envahi est envahi d’envahi

et le tendre est le plus tendre

au plus dru du tendre

 

Pour soutenir le bleu du ciel

il n’y a que le bleu du ciel —

ce qui porte est soi-même porté —

l’allégresse est joie de joie

 

Les nuages sont gros

des plus fins traits

de la pluie — l’herbe est grise

d’herbe

 

Laurent Albarracin, Herbe pour herbe, Dernier

Télégramme, 2015, p. 51-53.

03/06/2015

Pier Paolo Pasolini, La rage

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Série de photographies de femmes parées de bijoux au théâtre

 

La classe propriétaire de la richesse

Parvenue à une telle familiarité avec la richesse,

qu’elle confond la nature et la richesse.

 

Si perdue dans le monde de la richesse

qu’elle confond l’histoire et la richesse.

 

Si touchée par la grâce de la richesse

qu’elle confond les lois et la richesse.

 

Si adoucie par la richesse

qu’elle attribue à Dieu l’idée de la richesse.

 

Pier Paolo Pasolini, La rage, traduit de l’italien par Patrizia

Atzei et Benoît Casas, NOUS, 2014, p. 105.

02/06/2015

Miguel Angel Asturias, Trois des quatre soleils

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Des carrefours. Chemins en croix. Bras de l’horizon. La rencontre. La séparation. La captivité. La masse royale. La controverse. Le sang. Le fracas. Les pieds sur les marches vers les profondeurs. Des glaçons d’ombre. Une stratification d’obscurités, glacées, congelées, que ma présence met en mouvement. Torches impossibles. La sensation tactile. Les doigts. Une suite d’arcades, de colonnes, de murs. Les doigts élastiques, fous, tambourinant sur des solitudes, à la recherche des tombes. Descendre. S’allonger de la taille jusqu’aux pieds. Des jambes interminables foulant des escaliers sans fin. Des marches. Des alignements de marches. Des pieds. Un pied pour chaque marche. Tous mes pieds usés par cette descente. Mes pieds et mes divinations. Je répète des divinations pour trouver mon visage. C’est lui que je cherche, que je suis en train de chercher. Mon visage, blanche ossature. Dois-je attendre ? Ou poursuivre ? Mais où me diriger ? S’il existe neuf fosses dans ce monde des disparus, dans quelle fosse vais-je trouver mon visage d’os blanc ? Je ne vois pas...

 

Miguel Angel Asturias, Trois des quatre soleils, Les Sentiers de la création, Albert Skira, 1971, p. 91-92.

01/06/2015

Maël Guesdon, Voire

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                                             IV

 

Il y a plusieurs manières pour les yeux d’être utiles à ceux qui les voient.

 

S‘elle — ne me faites pas dire.

 

Du dehors des plaies ce qui prend forme — et sur une face tout se donne.

 

 

Sort d’une fatigue ancienne où les fragments d’idées ne se répètent plus.

 

Elle rassemble les bouts. Mange un peu de sa peau.

 

 

Par hasard tombe toujours sur la même face. Sans trucage.

 

Une partie de ses vêtements est restée accrochée au bord. Elle enlève le tissu de sa bouche. Elle essuie sa bouche.

 

 

Le monde se lit dans l’eau.

 

Se connaît par variables — seulement la peur de ce qui n’a pas lieu.

 

Maël Guesdon, Voire, Corti, 2015, p. 57-60.