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22/09/2018

Pascal Commère, Territoire du coyote

 

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D’hiver disait-elle

 

Ce qu’un mot retient, donne

        à vivre.

 

Un mot, et pas

   seulement

 

    le mot neige, le mot

boucherie (quelque chose

 

        sale)

 

       Terre !

 

    D’hiver, disait-elle

 dans son recoin de veuve

 

    Une fois encore, une

 fois à dire & quoi — interdits

à être : tant de poids, un retour

 

     où paraît de nos peurs

la tête de marteau des loups.

 

Pascal Commère, Territoire du coyote, Tarabuste, 2017, p. 127.

Le gouvernement entend changer le financement du CNL, qui repose sur les taxes sur les appareils de reproduction et d'impression, et prendre en charge le budget — d'où disparition dal relative autonomie du CNL

Lire la position de la CGT du CNL. :



Ses ressources sont exclusivement issues des taxes sur la reprographie et sur l’édition. À l’heure où la tutelle du CNL n’est plus assurée par la ministre de la Culture, pour se prémunir du conflit d’intérêts, et où le ministère est donc affaibli dans la défense de ses missions, le président du CNL a annoncé aux agents, lors de sa réunion de rentrée le 6 septembre dernier, la suppression de ces taxes ! Le budget de l’établissement passera désormais intégralement sous le giron de l’État.

Dix jours plus tôt, le Premier ministre déclarait lors de l’université d’été du Medef :

« Dès l’année prochaine, 2019, nous allons supprimer une vingtaine de petites taxes pour un montant global de 200 millions d’euros et permettez-moi de ne pas résister au plaisir de mentionner certaines de ces taxes supprimées. Je pense par exemple à la taxe sur les appareils de reproduction ou d’impression pour 25 millions d’euros tout de même… »

L’intérêt du gouvernement, lui, s’en trouve bien facilité !

Or, le président du CNL affirme que « C’est une excellente nouvelle pour l’établissement »…

En 2019, le budget de l’établissement sera préservé et aucun poste ne sera supprimé. Mais qu’en sera-t-il pour les années suivantes dans une situation très dégradée du budget de l’État et une forte volonté de réduction des effectifs de la fonction publique ?

Soucieux de l’avenir de l’établissement auquel ils sont attachés, les représentants du personnel s’enquièrent régulièrement, et ce depuis plusieurs années, de l’avenir financier du CNL et des stratégies élaborées avec sa tutelle.

Dans un tel contexte d’incertitudes, les agents du CNL sont inquiets et demandent que la prochaine présidence du CNL, avec le soutien du ministère, porte un projet ambitieux pour les trois années à venir, qui confortera la pérennité de ses missions, de ses ressources et de son plafond d’emploi, un projet qui mobilisera le savoir-faire de chaque agent, au service de tous les professionnels du livre et de tous les publics.

La CGT-Culture, qui s’oppose à la suppression de ces taxes dont le seul but est d’arranger le Medef, exige la compensation de la totalité du budget du CNL pour les prochains exercices et par conséquent une augmentation du budget du ministère de la Culture afin d’assurer la continuité de sa politique de soutien au secteur du livre et de l’ensemble des politiques culturelles qu’il porte.

Paris, le 18 Septembre 2018

 

11/06/2015

Pascal Commère, Des laines qui éclairent

 

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Seraient-ils perdus une fois encore les mots,

par la terre brune et collante qui entérine

en silence toute mort en juin comme une boule

de pluie sur tant d'herbe soudain qui verse, avec

dans la poitrine ce serrement, par les collines

presque en haut, quand la route espérée dans un virage

d'elle-même tourne et disparaît... Je reconnais

le menuisier qui rechignait au guingois des portes

cependant que vous gagnez en ce jour de l'été

la terre qui s'est tue, humide et qui parlait

dans votre voix soucieuse ; à chaque mot j'entends

le travers du roulis des phrases le tonnerre

d'un orage depuis longtemps blotti dans l'œuf, la coque

se fissure — sont-ce les rats qui remontent, ou le râle

des bêtes hébétées dans l'été, longtemps résonne,

comme les corde crissent, lente votre voix digne

par-dessus l'épaisse terre menuisée, les vignes

bourrues... Et sur mon épaule, posée, la douceur

ferme de votre main pèse sans appuyer.

 

Pascal Commère, De l'humilité du monde chez les bousiers (1996),

dans Des laines qui éclairent, Le temps qu'il fait, 2012, p. 211.

 

 

           

01/09/2014

Pascal Commère, Des laines qui éclairent

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Songe du petit cheval déplacé en terre franque

 

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Qu'odeur surie ! Tous pets ardents en la chambre mobile,

l'abominable braiment de qui croyait

se libérer du monde contraint. Frères de peines — et si la joie

mauvais soleil à partager chaque matin, titubant

balai de feuilles en mains, jour mouillé. Comme d'autres portaient

treillis de bronze rangers délacées,

frappant du sabot le gravier lâche, renâclant

à saluer les néfastes couleurs. Sans fierté

de par la quartier abêti, minaudant en salle des gardes. Et

la relève tarde encore,

pour séduire sur l'autel poisseux déesse Kronenbourg.

Dépenaillé, la gorge au vent — mauvais quart d'heure

pour les mâchoires, tous mots de travers, la partition flottante

contre le buisson d'or gris. Où passait, fanfaronne

l'ombre d'un régiment fantôme : bais et alezans, vieux rouans

rougis sur la sciure défaite — boulets atteints, la gourme

au mors en ses canons d'acier. Et ganaches verdies !

 

Pascal Commère, Des laines qui éclairent, Obsidiane & Le temps qu'il fait, 2012, p. 305.

20/12/2013

Pascal Commère, Tashuur, Un anneau de poussière

                         Pascal Commère, Tashuur, Un anneau de poussière, chevaux, steppe, cavalier

De quel nom la neige est-elle la clé, ô lointains si lointains et qui demeurent inaccessibles — Tant de traces de pas au matin tournés vers l'unique pointe du soleil venu. Montagne à l'est !

 

 

Mais le piétinement. Les hennissements ronflés

dans la nuit descendue, longtemps se rapprochant

 

non pas un par un. Mais lentement si lentement liés

tout ensemble par un fil de nuit et de sang. Rumeur !

 

Quand soudainement. Là. Par centaines, l'iris des yeux

et les naseaux mêlés — lueurs frontales, crins et laine. L'

 

immense troupeau. Tambourinant. Seul et sur nous bientôt.

Chevaux en tête poulains chevaux de gorge, voix et souffles

 

montant du flanc des mères. Le martèlement du trot, sabots

les pierres beurrées. L'œil seul regard, l'agate de feu. Chiens

 

par deux ou trois. Unique flamboiement, au large. Tournant

rameutant : vaches déjà moutons chèvres, la pleine vague. Et

 

plus rien. Hormis les traces, sabots marqués au sol. Vers l'

arrière — en marge comme d'un drapé, remontant le cours.

 

Cavaliers !

 

Pascal Commère, Tashuur, Un anneau de poussière, Obsidiane, 2011. p. 52-53.

 

 

 

08/03/2013

Pascal Commère, De l'humilité du monde chez les bousiers

 

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Seraient-ils perdus une fois encore les mots,

par la terre brune et collante qui entérine

en silence toute mort en juin comme une boule

de pluie sur tant d'herbe soudain qui verse, avec

dans la poitrine ce serrement, par les collines

presque en haut, quand la route espérée dans un virage

d'elle-même tourne et disparaît... Je reconnais

le menuisier qui rechignait au guingois des portes

cependant que vous gagnez en ce jour de l'été

la terre qui s'est tue, humide et qui parlait

dans votre voix soucieuse ; à chaque mot j'entends

e travers du roulis des phrases le tonnerre

d'un orage depuis longtemps blotti dans l'œuf, la coque

se fissure — sont-ce les rats qui remontent, ou le râle

des bêtes hébétées dans l'été, longtemps résonne,

comme les corde crissent, lente votre voix digne

par-dessus l'épaisse terre menuisée, les vignes

bourrues... Et sur mon épaule, posée, la douceur

ferme de votre main pèse sans appuyer.

 

Pascal Commère, De l'humilité du monde chez les bousiers (1996),

dans Des laines qui éclairent, Le temps qu'il fait, 2012, p. 211.

 

09/11/2012

Pascal Commère, Des laines qui éclairent, Une anthologie 1979-2009

 

D'une lettre déchirée en septembre (1996)

 

               Vers l'eau noire

 

Au mur d'une chambre une lampe allumée

près d'une image — ses yeux bleus, l'éclusière

poussait de son ventre le levier des vannes.

Derrières, les prés ­ bêtes un peu blanches, et

tout près un canal. Un bateau dans septembre

remontant vers l'eau noire.

 

 

               Des îles

 

Aujourd'hui vous suivez le cortège — une amie

se marie. Je vous demande comment sont les îles,

vous ne répondez pas, ou tout bas. Les îles

sont souvent si petites, on les cherche

du doigt le soir sur un atlas.

                                              Vous revenez

un jour de pluie — salut à Perros pour ce carré

de bleu là-bas... Rien ne change, le temps

joue avec les essuie-glaces, un pare-brise

éclaire. Le soir vient, une route en croise une autre,

une autre quelque part, toujours. Une route perdue.

 

Pascal Commère, Des laines qui éclairent, Une anthologie

1979-2009, Le temps qu'il fait, 2012.

21/06/2012

Pascal Commère, Tashuur. Un anneau de poussière

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Herbes sèches. Comme joncs, du vent. Chevaux dépassant à peine, tiges hautes, moutons plus loin — combien ? À peine visibles entre les touffes. Deux bergers, et deux autres encore — plus jeunes. Ah si jeunes. Posent pied à terre, s'accroupissent sur les talons comme on le fait ici. Nous leur tendons une tranche de pain. Les bêtes se rapprochent, nez au sol parmi les hautes tiges jaunes. Elle dit : trente-cinq jours pour venir jusqu'ici, et cinq encore pour Ulaanbataar. Je demande pourquoi Ulaanbataar. Elle dit : industrie de la viande. En selle de nouveau, rejoignant le troupeau, l'entourant. J'ai cru qu'ils faisaient paître, mais non. Ils font route ensemble, j'en compte six ( en réalité neuf, à surveiller le troupeau jour et nuit, se relayant) qui poussent de leur fouet — manche dressé appuyé sur l'épaule — bœufs (une trentaine) et moutons (quatre cents, ils ont dit), l'immense troupeau bientôt rassemblé vers la rivière là-bas, plusieurs centaines de mètres d'ici on mesure mal avec les ombres. Un autre galope vers nous — le chef des bergers, elle dit. Genou à terre, la longe roulée à son poignet. Nous lui tendons un bol, raviolis de mouton (buuz). Quelques mot alors, et le vent — lèvres et doigts noircis. Ils viennent de Hövsgöl, tout au nord, près de la frontière russe. Huit cents kilomètres en quarante jours, elle traduit. Rapide calcul, vingt par jour. Elle dit oui, et quand ils sont à la recherche d'eau ils peuvent en faire jusqu'à trente-cinq...

 

Pascal Commère, Tashuur. Un anneau de poussière, Obsidiane,2012, p.107.