Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11/06/2015

Pascal Commère, Des laines qui éclairent

 

imgres.jpeg

 

Seraient-ils perdus une fois encore les mots,

par la terre brune et collante qui entérine

en silence toute mort en juin comme une boule

de pluie sur tant d'herbe soudain qui verse, avec

dans la poitrine ce serrement, par les collines

presque en haut, quand la route espérée dans un virage

d'elle-même tourne et disparaît... Je reconnais

le menuisier qui rechignait au guingois des portes

cependant que vous gagnez en ce jour de l'été

la terre qui s'est tue, humide et qui parlait

dans votre voix soucieuse ; à chaque mot j'entends

le travers du roulis des phrases le tonnerre

d'un orage depuis longtemps blotti dans l'œuf, la coque

se fissure — sont-ce les rats qui remontent, ou le râle

des bêtes hébétées dans l'été, longtemps résonne,

comme les corde crissent, lente votre voix digne

par-dessus l'épaisse terre menuisée, les vignes

bourrues... Et sur mon épaule, posée, la douceur

ferme de votre main pèse sans appuyer.

 

Pascal Commère, De l'humilité du monde chez les bousiers (1996),

dans Des laines qui éclairent, Le temps qu'il fait, 2012, p. 211.

 

 

           

01/09/2014

Pascal Commère, Des laines qui éclairent

imgres.jpg

Songe du petit cheval déplacé en terre franque

 

21

 

Qu'odeur surie ! Tous pets ardents en la chambre mobile,

l'abominable braiment de qui croyait

se libérer du monde contraint. Frères de peines — et si la joie

mauvais soleil à partager chaque matin, titubant

balai de feuilles en mains, jour mouillé. Comme d'autres portaient

treillis de bronze rangers délacées,

frappant du sabot le gravier lâche, renâclant

à saluer les néfastes couleurs. Sans fierté

de par la quartier abêti, minaudant en salle des gardes. Et

la relève tarde encore,

pour séduire sur l'autel poisseux déesse Kronenbourg.

Dépenaillé, la gorge au vent — mauvais quart d'heure

pour les mâchoires, tous mots de travers, la partition flottante

contre le buisson d'or gris. Où passait, fanfaronne

l'ombre d'un régiment fantôme : bais et alezans, vieux rouans

rougis sur la sciure défaite — boulets atteints, la gourme

au mors en ses canons d'acier. Et ganaches verdies !

 

Pascal Commère, Des laines qui éclairent, Obsidiane & Le temps qu'il fait, 2012, p. 305.

09/11/2012

Pascal Commère, Des laines qui éclairent, Une anthologie 1979-2009

 

D'une lettre déchirée en septembre (1996)

 

               Vers l'eau noire

 

Au mur d'une chambre une lampe allumée

près d'une image — ses yeux bleus, l'éclusière

poussait de son ventre le levier des vannes.

Derrières, les prés ­ bêtes un peu blanches, et

tout près un canal. Un bateau dans septembre

remontant vers l'eau noire.

 

 

               Des îles

 

Aujourd'hui vous suivez le cortège — une amie

se marie. Je vous demande comment sont les îles,

vous ne répondez pas, ou tout bas. Les îles

sont souvent si petites, on les cherche

du doigt le soir sur un atlas.

                                              Vous revenez

un jour de pluie — salut à Perros pour ce carré

de bleu là-bas... Rien ne change, le temps

joue avec les essuie-glaces, un pare-brise

éclaire. Le soir vient, une route en croise une autre,

une autre quelque part, toujours. Une route perdue.

 

Pascal Commère, Des laines qui éclairent, Une anthologie

1979-2009, Le temps qu'il fait, 2012.