06/06/2020
Jacques Réda, Retour au calme
Juin
Entre les haies qui se rejoignent en ogives
Et brillent ce matin comme un mur de vitraux
De vent, de ciel et d’or mêlés de neige vive,
Le chemin cesse d’avancer, pris d’engourdissement,
On le dirait hanté d’une invisible foule
Prête à chanter et dont les pas suspendus foulent
À peine une herbe droite et qui déjà l’entend.
À travers la chaleur qui s’élève en nuages
Et des épaisseurs de parfums acides ou sucrés,
On voit trembler au bout le plateau sans rivage,
Net et luisant comme un fragment d’éternité.
Jacques Réda, Retour au calme, Gallimard, 1989, p. 76.
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13/06/2015
Antonio Porta, Les rapports
Que peut-on justifier ?
à Edoardo Sanguineti
I
Prends garde à ce mois de juin vénéneux, privé de racines et de
fourmis, ce discours n’a aucun sens, plus, tout le monde
le sait, si vous voulez savoir quelque chose des origines de la vie,
elle n’est pas d’origine, du monde, s’en moque, plus,
ce mois de juin n’est pas né, sachez-le, cessez de penser
à l’argent et choisissez, entre l’histoire et le drame ou
la tragédie, la vérité, je crois, et les faits tels quels, si
il n’y a pas de lieu, où l’on est né, ni la maison, personne
ne sait où c’est, et ainsi ne m’écoutez pas et je vous dis de
lui couper les bras, ce sera extraordinaire, qu’ils se libèrent
les grands seins, et mâchez, jusqu’au bout, dedans
la société et ses légendes, petites et grandes lèvres, dans
le parc qu’il s’invente, dans les buissons, pour enflammer le pénis,
où l’on court, au sens métaphorique, car en réalité
je suis à bout de souffle.
[...]
Antonio Porta, Les rapports, traduit de l’italien par Caroline Zekri, préface d’Alessandro De Francesco, postface de Judith Balso, NOUS, 2015, p. 108.
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09/05/2013
Benoît Casas, L'ordre du jour
[...]
1er juin
il est quatre heures
et l'aube luit.
le rêve a toute la valeur
d'une déclaration.
j'étais devenu quelqu'un
de nulle part.
séparé de ses amours
et de ses paysages.
fusain de Sakhaline
virgilier à bois jaune.
ce que nous gardons
de l'expérience d'apprendre :
idée sur la façon d'enseigner.
l'élucidation parlée
est le ressort du progrès.
moments de l'évaporation.
la violence le désarroi des gestes
carambolage.
temps perdu.
ne pouvait pas
s'abandonner
à de l'absence
intégrale.
2 juin
si vite nous
nous sommes dit
tant de choses.
je reste dehors
le plus longtemps possible.
le monde ici
ne semble pas disposé à
se réduire à un seul
mot.
3 juin
au matin soleil déjà vif
jour d'été précoce.
paysages destructifs.
renoncement.
regards remontent sa jupe.
et de suite,
chaque terme
est à sa place logique.
les grandes villes
spécialisent les plaisirs.
lieu de conflit entre
hasard et coup.
Benoît Casas, L'ordre du jour, "Fiction & Cie", Seuil, 2013, p. 116-117.
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