30/06/2019
Antoine Emaz, Peau
Vert, I (31.09.05)
on marche dans le jardin
il y a peu à dire
seulement voir la lumière
sur la haie de fusains
un reste de pluie brille
sur les feuilles de lierre
rien ne bouge
sauf le corps tout entier
une odeur d'eau
la terre acide
les feuilles les aiguilles de pin
silence
sauf les oiseaux
marche lente
le corps se remplit du jardin
sans pensée ni mémoire
accord tacite
avec un bout de terre
rien de plus
ça ne dure pas
cette sorte de temps
on est rejoint
par l'emploi de l'heure
l'à faire
le corps se replie
simple support de tête
à nouveau les mots
l'utile
on rentre
on écrit
ce qui s'est passé
il ne s'est rien passé
Antoine Emaz, Peau, encres de Djamel Meskache,
éditions Tarabuste, 2008, p. 25-28. Photo Tristan Hordé, mai 2011.
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Emaz Antoine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : antoine emaz, peau, jardin, silence, eau | Facebook |
04/09/2018
Yari Bernasconi, Nouveaux jours de poussière
Ce qu’il reste
Le jardin est un périmètre de cendres et de pierres.
Il y a du métal froissé, fuligineux ;
un récipient vidé ; à côté un tricycle
recouvert d’une croûte noire, les roues retorses
par-dessus la trace des pneus fondus.
Au milieu la carcasse d’un bœuf :
les os et la chair brûlée, la gueule défigurée
comme un bloc de charbon. Puis la poussière
toute autour, toute noire. Bois calcinés et lieux
à découvert, sans murs et sans vie.
Yari Bernasconi, Nouveaux jours de poussière, traduit
de l’italien par Anita Rochedy, éditions d’en-bas, 2018, p. 85.
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : yari bernasconi, nouveaux jours de poussière, restes, jardin, débris | Facebook |
04/03/2018
Alberto Giacometti, Écrits
Gris, brun, noir (Georges Braque)
Gris, brun, noir, feuilles, sables, vases : les grandes fleurs jaunes qui me regardent. Je me vois au milieu des tableaux, les regardant l’un et l’autre, passant du vase à la plage, au blé, à la bicyclette brillante, l’humidité du pré derrière les deux troncs d’arbres au bord de la route. Je sens l’asphalte, la poussière, l’étendue du pré et de la forêt, je suis sur la route passant à côté de cette bicyclette comme abandonnée dans le paysage et puis le banc sous les arbres à l’ombre fraiche. Je vois tout le jardin, je suis dans le jardin, j’entends les pas sur le gravier, les voix des autres qui sont là avec moi, qui vont et viennent, et, là-bas, il y a ce banc dans l’ombre fraiche qui m’attire.
Je regarde les fleurs. Il y a de vraies fleurs à côté du tableau, elles se ressemblent.
Alberto Giacometti, Écrits, Hermann, 1990, p. 68.
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alberto giacometti, Écrits, gris, brun, noir (georges braque), jardin | Facebook |
28/11/2017
Cole Swensen, Le Nôtre (traduction Maïtreyi et Nicolas Pesquès)
Parce qu’un jardin doit finir
Le Nôtre mit fin au monde
par un saut-de-loup, qui consiste à mettre une bête sauvage dans l’allée centrale :
un plan de coupe dans un coin du dessin
le montre clairement — il est suspendu dans un arc
sous lequel les enfants courent en riant
s’engouffrant dans les portes fenêtres
où ils disparaissent comme du verre dans de l’eau pour le dire autrement
c’est une douve sèche
qui tient le monde à distance tandis que la vision va tout droit sans encombre,
le temps et le cadre
déployés le long d’une élégance que chevauche un tendre loup juste au-dessus du sol.
Topiaire-moi un ciel ; donne-lui la forme d’un esprit.
Cole Swensen, Le Nôtre, traduction Maïtreyi et Nicolas Pesquès, éditions Corti, 2013, p. 35.
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : le nôtre (traduction maïtreyi et nicolas pesquès), le nôtre, jardin, enfant, esprit, cole swensen | Facebook |
24/10/2017
Sophie Loizeau, caudal
sur le modèle de redire, réécrire.
céleste toutes rectrices étalées à l’extrême ou bien cavernicole
au creux d’une petite dépression
c’est un mâle il n’en a pas (de vulve), il se tient sur le seuil puis
rétrograde en silhouette
d’abord mon ouïe qu’on agresse
rarement surprise mes sens affûtés extralucides
près du feu le flanc droit et la cuisse en été aussi dans cet échauffement
devant les deux baies, le jardin entre à flots
chat ou moyen duc la bête ambiguë.
she lit. impliquée dans she. la lectrice tous genres confondus
sa centaine d’hectares de territoire
Sophie Loizeau, caudal, Flammarion, 2013, np.
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sophie loizeau, caudal, mâle, ouïe, jardin, ambiguïté | Facebook |
23/09/2017
Apollinaire, Enfance (Poèmes retrouvés)
Enfance
Au jardin des cyprès je filais en rêvant
Suivant longtemps des yeux les flocons que le vent
Prenait à ma quenouille, ou bien par les allées
Jusqu’au bassin mourant que pleurent les saulaies
Je marchais à pas lents, m’arrêtant aux jasmins,
Me grisant au parfum des lys, tendant les mains
Vars les iris fées, gardés par les grenouilles.
Et pour moi les cyprès n’étaient que des quenouilles,
Et on jardin, un monde où je vivais exprès
Pour y filer un jour les éternels cyprès.
Apollinaire, Poèmes retrouvés, dans Œuvres poériques,
Pléiade / Gallimard, 1961, p. 651.
05:00 Publié dans Apollinaire Guillaume | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : apollinaire, enfance, poèmes retrouvés, cyprès, quenouille, jardin, fleur | Facebook |
12/09/2017
Claude Chambard, Le chemin vers la cabane
le jardin est désert
aucun chemin n’en part
ciel vert le matin
ciel rouge le soir
un assemblage un paysage
la porte du paradis
est condamnée
faute de clef
il n’y a pas de sentier derrière la porte fermée
partout le paysage est interrompu
par de méchantes larmes
(en Petite Sologne)
Claude Chambard, Le chemin vers la cabane, le bleu
du ciel, 2008, p. 16.© Photo Michel Durigneux.
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : claude chambard, le chemin vers la cabane, en petite sologne, paysage, jardin | Facebook |
20/11/2016
Sabine Péglion, Un trou dans la nuit
Ce qui de l’eau dérive
ces absences froissées
au confluent des vents
dans le pas des collines
en ces jours désertés
Ce qui dans la terre s’obstine
surgit des feuilles mortes
auréoles déposées
en stigmates d’argent
dans l’humus du temps
Ce qui en ce jardin de meure
là où l’enfant courait
et dispersait ses joies
l’empreinte de sa voix
dans l’aubier des noyers
Ce qui résonne en toi
paroles d’un chant
qu’on fredonne en passant
dans les marges du temps
Sabine Péglion, Faire un trou à la nuit,
la tête à l’envers, 2016, p. 58.
05:18 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sabine piglino, un trou dans la nuit, eau, terre, jardin, chant | Facebook |
12/05/2016
Trois images de Londres
05:00 Publié dans MARGINALIA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : trois images de londres, tamise, jardin | Facebook |
26/08/2015
Deborah Heissler, Sorrowful Songs
Jardin — elle endormie
Un triomphe, une querelle d’ongles à la cloison des feuilles. Toucher absolu de la distance qui nous sépare désormais.
Ce matin la pluie dégringole, diffuse le long de la fenêtre, comme s’il avait fallu qu’accompagnée dans l’instant, elle le fût également sans que personne n’ai été averti. Sans bruit d’aucune sorte. J’ai pensé à ce moment, je m’en souviens, affronter l’image de son corps dans la pièce du bas. C’est le bois tiède du parquet qui a retenu mes pas.
Blanche est morte. Elle est morte hier soir.
Elle.
Lèvres entrouvertes.
Peau blessée.
Tresses soyeuses.
Je suis resté saisi à deux doigts d’elle, du bouquet d’ombre que les buissons depuis le jardin dandinent sur les murs, de la méridienne, des lettres du presse-papier, de son journal — le poète s’adresse sa femme —, d’autres passages réunis au fil des jours « Bribes de mondes égrenés qui explosent entre ses doigts » (Sylviane Dupuis).
[...]
Deborah Heissler, Sorrowful Sogs, dessins de Peter Maslow, préface de Claude Chambard, Æncrages & Co, 2015, np.
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : deborah heissler, sorrowful sogs, dessins de peter maslow, préface de claude chambard, pluie, jardin | Facebook |
21/08/2015
Edward Estlin Cummings, Érotiques
dame est couverte
de fleurs
ses pieds sont effilés
formés chacun de cinq fleurs sa cheville
est une minuscule fleur
les genoux de ma dame sot deux fleurs
Ses cuisses sont de vastes et fermes fleurs de nuit
et exactement entre
elles endormie intensément
est
la fleur soudaine d’une totale stupéfaction
une dame couverte de fleurs
est un jardin d’ivoire.
Et la lune est un jeune homme
que je vois régulièrement autour du crépuscule
entrer dans le jardin et sourire
en lui-même.
Edward Estlin Cummings, Érotiques, traduit et
présenté par Jacques Demarcq, Seghers, 2012,
p. 75.
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Cummings, Edward Estlin | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : edward estlin cummings, Érotiques, dame, fleur, cuisse, jardin, lune | Facebook |
09/06/2015
François Muir, L'infamie de la lumière
Jardins
Lumière, lumière blanche, pas à pas
Lente approche, éphémère confrontation
Ombres souriantes, corolles de rose
De près, terre foulée, lents écarts
Corps sans attache, repos loin du ciel
Escale, séjour d’îles en îles
Fleuve
Frôlements
Nu, nage isolée
Passage sur la terre
Insensible au feu, à ses ramifications
Feu qui ne s’allume, ni ne s’éteint
Tête à tête, celui qui veille, celui qui s’absente
Cendres
Coupure, flots de silence
Converti à l’Autre, aux états, aux états
Loin du tumulte, étrave impassible
Cendres sur la terre, cendres dans les os
Lumière dans la lumière, sans laisser de traces
François Muir, L’infamie de la lumière, La Lettre volée,
2015, p. 39-41.
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : françois muir, l'infamie de la lumière, jardin, fleuve, cendres | Facebook |
26/05/2015
Gérard Macé, Les balcons de Babel
Le théâtre est bien réel, au nord éloigné d’un jardin où l’on a réuni les espèces végétales les plus rares : Assuérus Auréa, Catinat, Alice et Céleste, Cordélia, Clématis, Orion, Sirius et Cassiopée, Opéra, Châtelet, Crépuscule, Mentor et Spectabilis sont les héroïnes en pleine terre de ce théâtre naturel. Un sophora rapporté par un voyageur désœuvré, un prunus qui fleurit en avril, un arbre mâle et centenaire sont avec la maison de Cuvier, les serres tropicales, le jardin d’hiver et le petit labyrinthe, le vivarium à main gauche de l’éléphant de mer, les autres stations de cette promenade pour dieux minuscules, qui croient serrer le monde dans un mouchoir comme ils tiennent un dictionnaire dans leur main ; ici, c’est le jardin des nominations sous le ciel, dont les constellations trois à trois sont des miroirs tournants, qui nous montrent tour à tour, mais jamais dans le même ordre, les empreintes de nos rêves : la tête le père le cheval le vent les bois le coq ébouriffé la lune l’oreille le porc le tonnerre l’œil le faisan le lac la bouche la concubine le fou le souffleur le pendu.
Gérard Macé, Les balcons de Babel, Le Chemin / Gallimard, 1977, p. 9-10.
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gérard macé, les balcons de babel, théâtre, fleurs, labyrinthe, jardin, constellation, rêve | Facebook |
07/02/2015
Jean Tortel, Relations
Phrases pour un orage
I
Le ciel un peu trop lent pour cette heureuse
Matinée, l’arbre un peu trop
Chargé d’épaisseur tendre.
Le jardin transpirait
Au point du jour.
Il respire encore.
II
Vogue et scintille
Avant midi
Ce nuage.
(Il vient du sud), et nu
Le risque d’un azur
Quand sa blancheur l’éprouve
Dès qu’elle est suscitée.
Plus pure si possible
Que lui, touché par elle
Et dénoncé.
Ou son langage,
Ou son éclat.
III
On n’est pas heureux
Sous l’azur fragile.
En ce jardin je sais je ne sais quoi.
Les feuilles sont un peu plus larges,
Un peu moins vertes que leur nom.
L’azur enfante l’ombre
(Le fruit sa pourriture).
La terre aborde son silence
Qui l’attendait.
[...]
Jean Tortel, Relations, Gallimard, 1968, p. 29-31.
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean tortel, relations, phrases pour un orage, jardin, nuage, azur | Facebook |
23/08/2014
Ariane Dreyfus, Nous nous attendons
« Encore une fois »
Derrière la porte il ne respire qu'à moitié
Si elle entre rien ne s'arrête
Ne s'oppose
À celle qui s'approche elle est vraie
Maintenant on peut s'ouvrir en deux
Les lèvres pas toutes seules
De toute sa figure il y va
Elle recule
Contre l'armoire l'accent, figée de désir
Pas froid chérie
Il faut poser sa robe
« Je vais au jardin »
Elle ouvre la main même s'il ne comprend pas
Être visible,
Est-ce se montrer ?
À un endroit, un cri de couleur
Le forsythia, se montre
Ariane Dreyfus, Nous nous attendons, Reconnaissance à Gérard Schlosser, Le Castor Astral, 2012, p.
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Saba Umberto | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ariane dreyfus, nous nous attendons, jardin, vrai, lèvre, couleur, forsythia | Facebook |