25/12/2017
Images de l'eau et reflets
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24/12/2017
Fabienne Courtade, corps tranquille étendu
Je choisis une année en été
Pour lire les papiers collés
je n’en dis pas un mot
le livre m’est apparu
au cours des nuits
devant moi
posé sur l’étagère
l’année n’en finit pas
septembre 2012
Il perd se voix
Je tiens sa main
le souffle manque
il ne tient plus rien
rien ne tient à moi
Il s’assoit à grand-peine sur le bord du lit
Dans l’échelle de douleur
on peut s’installer dans la case 7
La première fois que je l’ai vu
Il avait un large tache rouge
Sur sa chemise
Au milieu du cœur
Un verre de vin renversé
Fabienne Courtade, corps tranquille étendu,
Flammarion, 2017, p. 14-15.
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23/12/2017
Franz Kafka, Derniers cahiers
Je m’étais complètement perdu dans une forêt. Perdu d’une manière incompréhensible, car peu de temps auparavant encore j’avais marché non pas sur un chemin mais à proximité d’un chemin, qui m’était toujours resté visible. Mais maintenant j’étais perdu, le chemin avait disparu, toutes les tentatives de le retrouver avaient échoué. Je m’assis sur une souche d’arbre et je voulus réfléchir à ma situation, mais j’étais distrait, je pensais toujours à autre chose qu’à l’essentiel, j’échappais aux soucis par le rêve. Alors je fus cerné par les riches buissons de myrtilles, j’en cueillis quelques-unes et les mangeai.
Franz Kafka, Derniers cahiers, traduction Robert Kahn, NOUS, 2017, p. 136-137.
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22/12/2017
Edmond Jabès, Le Livre de Yukel
Journal de Sarah, III
11 décembre
Chaque flamme était une note de musique et, de cette gamme insoupçonnée, un compositeur triste comme la boue de la route, avait tiré sa musique ; une valse sans issue où le rassurant savoir du monde abdiquait.
J’ai vu danser le reptile et l’insecte, le quadrupède et l’oiseau.
J’ai vu danser le poisson et la plante.
Et la mort était une fête éclairée où les rires doublaient les râles ; de sorte que je ne savais plus si elle se déroulait en moi ou devant et si la plainte n’avait pas toujours eu pour partenaire le plaisir.
La folie, avec sa chevelure de chanvre où les rêves attardés s’accrochaient s’était installée dans la salle. Ses mains décharnées contrastaient violemment avec son corps d’adolescente éprise de matins. Elle brandissait le candélabre et se moquait de mon émotion.
J’avais peur d’être morte comme les sept nuits qui venaient de s’écouler.
Edmond Jabès, Le Livre de Yukel, Gallimard, 1964, p. 85.
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21/12/2017
René Char, Aromates chasseurs
Sous le feuillage
Frapper du regard, c’est se dessiner dans les yeux des autres, y découvrir leurs traits modifiés auprès des nôtres, mais pour ombrer notre ceinture de déserts.
Celui qui prenait les devants s’appuya contre un frêne, porta en compte la récidive de la foudre, et attendit la nuit en désirant.
René Char, Aromates chasseurs, Gallimard 1976, p. 35.
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20/12/2017
David Bosc, Relever les déluges
Mirabel
Tout me plaît en ce monde et il ne me va pas. Je voudrais que tout change sans que rien ne se perde. Mon nom est Mirabel. Je sais lire et signer, je suis valet de ferme à la bastide Sarturan — laquelle se lève et dîne et fait son lit quand le lui dit la cloche de Saint-Jean-du Désert, près de Marseille, entre la Veaune et le Jartet.
Mademoiselle Sartran, qui est vieille, m’a donné à faire dans ses vergers. J’ai le poignet trop fin pour les travaux de force, mais j’ai l’air franc, mes dents sont fortes encore à casser des amandes : elle aura jugé, la vieille, que je m’entends à finasser dans les amours des plantes. Le bastidon n’est pas bien grand. Les femmes y couchent sous le toit, défendues par une cuisinière aux pognes de grès rouge et qui ne dort jamais. Le palefrenier, les deux laquais, les domestiques dont on hérite avec les meubles ont au-dessus des écuries tout un arrangement de cloisons et de rideaux tirés qui leur fait des stalles come celles des chevaux (les chevaux tapent du pied la nuit, surtout s’il fait du vent). Pour moi, j’ai dû trouver à me loger et on me donne pour ça un rabiot de gages.
David Bosc, Relever les déluges, Verdier, 2017, p. 21.
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19/12/2017
Cécile A. Holdban, Battements, dans I rouge
Battements
tu noues chaque matin brin par brin
veine par veine
ton corps au monde
mais derrière le rideau de nuit comme de hauts cyprès
tes mains demeurent suspendues hors du don
Cécile A. Holdban, Battements, dans I rouge, "L’invisible", revue en ligne, 2017, p. 35.
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18/12/2017
Jean Ristat, Ô vous qui dormez dans les étoiles enchaînés
I
Te voici donc monsieur emporté sous nos yeux
Par l’arme des ombres en un éclair qui s’enflamme
Et passe avant de rendre à la nuit sa guenille
Te voici théâtre Ô théâtre de la mort
Avec ton cortège de figurants sourds et
Muets l’orchestre des oiseaux soudain s’est tu
L’acteur a oublié son texte le souffleur
Quitté sa cave il n’y aura pas de reprise
D’où vient-il
Le vent enfourné dans ta bouche comme un poing
Et ton corps livré aux chiens masqués des ténèbres
Maintenant
Te voici empire du silence
*
Ah j’ai vu une ombre qui portait sue sa bosse
Un homme comme un fagot de bois et le feu
A l ‘odeur de sang lorsqu’il déchire les arbres
Ne demandaient qu’à fleurir une fois encore
[…°
Jean Ristat, Ô vous qui dormez dans les étoiles enchaînés,
dessins de Gianni Burattoni, Gallimard, 2017, p. 9-11.
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17/12/2017
Joseph Joubert, Carnets, I
Le seul moyen d'avoir des amis, c'est de tout jeter par les fenêtres, de n'enfermer rien et de ne jamais savoir où l'on couchera le soir.
On ne devrait écrire ce qu'on sent qu'après un long repos de l'âme. Il ne faut pas s'exprimer comme on sent, mais comme on se souvient.
Enseigner, c'est apprendre deux fois.
Ceux qui n'ont à s'occuper ni de leurs plaisirs ni de leurs besoins sont à plaindre.
Les enfants veulent toujours regarder derrière les miroirs.
Aux médiocres il faut des livres médiocres.
Les uns disent bâton merdeux, les autres fagot d'épines.
L'un aime à dire ce qu'il sait, l'autre à dire ce qu'il pense.
Évitez d'acheter un livre fermé.
Ce monde me paraît un tourbillon habité par un peuple à qui la tête tourne.
Joseph Joubert, Carnets, I, textes recueillis par André Beaunier, avant-propos de J.P. Corsetti, préface de Mme A. Beaunier et A. Bellesort, Gallimard, 1994 [1938], p. 73, 79, 143, 143, 161, 165, 172, 176, 183, 183, 211.
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16/12/2017
Canaletto et Venise (détails)
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15/12/2017
Anne Perrier (1922-2017), Poèmes 1960-1986
Qui tombe des pommiers
O papillons de l’enfance
Ne touchez pas à l’ombre des pétales
Leur seule transparence
Me sépare de l’ineffable
Clarté
Ne me conduisez pas
Vers les fleuves d’été
Que faire de tout l’éclat
De juillet
Quand c’est la douce la
Douce éternité
Qui traverse le jour
Quand c’est l’amour
Pommiers pommiers et roses
O simples cerisiers
Quand c’est l’amour qui pose
À la ronde son pied
Anne Perrier, Poésie 1960-1986, préface
de Philippe Jaccottet, L’Âge d’Homme,
1988, p. 84.
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14/12/2017
Paysages d'hiver et merles
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13/12/2017
revue KOSHKONONG : recension
C’est toujours avec le même plaisir que l’on découvre un nouveau numéro de la revue dirigée par Jean Daive. En page de couverture débute, cette fois, la traduction d’un poème d’Elizabeth Willis par Martin Richet. La seconde strophe commence par « la première phase est le chaos » et le poème semble en effet inorganisé, incohérent par la succession d’éléments disparates — dès l’ouverture du poème, passage de l’insomnie à l’inquiétude et aux gens normaux pour finir par « que faire ». Mais le poème n’est pas une liste, il explore avec des formes variées tout ce qui concerne la vie humaine et ce qui paraît d’abord obscur pour le lecteur s’organise. On sait qu’il y a toujours un commencement et une transformation : « D’abord la pupe, puis les ailes » ; cependant, à côté de ce qui sera reçu sans discussion — l’amour, le plaisir, le travail, le rêve, la langue, etc., composantes de la vie —, il y a aussi une indécision à propos de nombreux points, et le poème joue avec ce qui ne peut être résolu qu’avec un choix idéologique. Joue : Elizabeth Willis introduit un humour décapant, par exemple dans la série « Qu’est-ce qui vint en premier », avec
Qu’est-ce qui vint en premier les pompiers ou les flics
Qu’est-ce qui vint en premier la conquête ou la découverte
La fourchette ou la cuillère
L’accusation ou l’alignement
Le FBI ou la CIA
"Intrigue "se termine par des questions au lecteur avec ce dernier vers, « Prenez tout le temps que vous voudrez. » L’inventivité de ce poème mise en valeur par une excellente traduction * fait souhaiter qu’un recueil d’Elizabeth Willis soit enfin traduit en français. Martin Richet, traducteur aussi d’autres poètes américains, comme par exemple Gertrude Stein, Robert Creeley, Robert Duncan, donne en quatrième de couverture, titrés "Aide-mémoire", des souvenirs à propos du poète Robert Grenier (qu’il a traduit).
La livraison comprend également un long poème, "D’Albuquerque", de Stéphane Korvin dont on a pu lire plusieurs recueils en 2017, et des poèmes de Claude Royet-Journoud : la revue accueille ainsi à la fois un auteur qui se construit et, fidèle de Koshkonong, un autre qui ne cesse d’inventer. On s’attardera sur les quatre pages de la philosophe Michèle Cohen-Halimi (qui a notamment écrit à propos de la poésie de Royet-Journoud), elle aussi souvent au sommaire de Koshkonong. En suivant l’histoire de la revue néerlandaise De Stijl, publiée de 1917 à 1928, elle donne une lecture de son rôle dans l’histoire de l’art et des idées. De Stijl fut créée par Theo Van Doesburg après sa rencontre avec un architecte familier de plusieurs peintres, et avec Mondrian. Dès l’origine, écrit M. C.-H., « La loi de la revue est le défi, celui de produire une nouvelle collectivité et un idiome universel. » Mondrian est une figure de défi, lui qui vise à « amorcer une réorganisation de l’espace », ce qui sous-tend sa peinture et qu’il défend dans ses articles. La revue ne publie pas que des Néerlandais, loin de là, et elle reçoit des contributions de peintres et écrivains italiens, d’un compositeur américain, d’un architecte australien, d’un écrivain russe, également du cinéaste allemand, Hans Richter, dont les films sont « pionniers de l’abstraction cinématographique » et qui met en relation Van Doesburg et Kurt Schwitters. À la suite d’un descriptif précis, M. C.-H. détache les positions de De Stijl ; citons : 1. Pour la revue, « Le centre de gravité de la pensée passe hors des corps individués, hors de l’espace illusoire où se discernent un premier et un second plan » ; 2. La volonté de « la synthèse néo-plastique des arts » de « gagner la totalité du monde », d’introduire dans l’époque « la force destructive-constructive de l’art réalisé, c’est-à-dire devenu réalité » marque la limite de l’utopie. Article à lire et relire.
* On pourra trouver l’original sur la Toile et juger de la qualité de la traduction.
KOSHKONONG, n° 12, éditions Éric Pesty, 2017. Cette note de lecture a été publiée sur Sitaudis le 17 novembre 2017.
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12/12/2017
Jean Genet, L'Atelier d'Alberto Giacometti
Il sourit. Et toute la peau plissée de son visage se met à rire. D’une drôle de façon. Les yeux rient, bien sûr, mais le front aussi (toute sa personne a la couleur grise de son atelier). Par sympathie peut-être il a pris la couleur de la poussière. Ses dents rient — écartées et grises aussi — le vent passe à travers.
Il regarde une de ses statues :
lui : C’est plutôt biscornu, non ?
Ce mot il le dit souvent. Lui aussi est assez biscornu. Il gratte sa tête grise, ébouriffée. C’est Annette qui a taillé ses cheveux. Il remonte son pantalon gris qui tombait sur ses souliers. Il riait il y a six secondes, mais il vient de toucher à une statue ébauchée : pendant une demi-minute il sera tout entier dans le passage de ses doigts à sa masse de terre. Je ne l’intéresse pas du tout.
Jean Genet, L’Atelier d’Alberto Giacometti, dans Œuvres complètes, v, Gallimard, 1979, p. 45.
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11/12/2017
Salvatore Quasimodo (1901-1968), Poèmes
Mes compagnons aussi m’ont délaissé
Mes compagnons aussi m’ont délaissé,
femmes de ghetto, jongleurs de taverne,
parmi lesquels je me suis plu longtemps,
et la fille est morte
dont le visage graissé de friture d’azyme
était toujours ardent
de même que sa noire chair de juive.
Peut-être aussi ma tristesse est changée,
comme si je n’étais plus à moi,
oublié de moi-même.
Salvatore Quasimodo, Poèmes, traduction Pericle
Patocchi, Mercure de France, 1963, p. 12.
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