11/01/2022
Jean-Luc Sarré, Ainsi les jours
Voir à perte de vue c’est, au pied de la lettre, ne rien voir. L’absence de limites est un obstacle.
En France, le parfum par l’extrême droite, écrit Bernard G. dans Le Grand Soir. Effectivement Coty a subventionné la création des Croix de feu, l’Oréal La Cagoule..., mais je ne me souviens pas que personne — pas une association, pas une ligue — ne se soit jamais indigné du rôle joué par François Genoud, le banquier suisse, authentique nazi, exécuteur testamentaire de Hitler et Goebbels, dans le financement du FLN puis des combattants palestiniens.
Si on m’avait demandé à n’importe quel moment de cette détestable journée qui s’achève : « Qu’es-tu en train de faire ? », ma réponse aurait été la suivante : « Je suis en train de ne pas écrire ».
Jean-Luc Sarré, Ainsi les jours, le bruit du temps, 2014, p. 47, 47-48, 58.
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17/10/2020
Jean-Luc Sarré, Apostumes
L’harmonie n’est pas une chimère, c’est ce que semble vouloir dire les ombres conciliantes de certains matins.
La vieillesse est un naufrage pour Chateaubriand, mais mon bateau à moi n’a jamais pris la mer , c’est à quai qu’il s’engloutit, inexorablement.
Jean-Luc Sarré, Apostumes, Le bruit du temps, 2017, p. 155, 162.
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29/01/2020
Jean-Luc Sarré, La Part des anges
La fille qui s’affaire à l’évier
les manches retroussées jusqu’aux coudes
son bol ébréché fumant
sur une table de cuisine
et le bourdonnement des mouches.
On dirait d’une Normandie
que l’haleine chaude du siroco
aurait privée de sa mémoire.
Jean-Luc Sarré, La Part des anges,
La Dogana, 2007, p. 51.
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30/08/2019
Jean-Luc Sarré, Ainsi les jours
© photo Florence Trocmé
Iconoclaste est un mot auquel il m’est arrivé parfois de trouver quelque séduction, encore que dans mon cas, plutôt que de fureur il faille parler d’indifférence iconoclaste. Je ne détruis pas j’ignore.
Le cri de l’effraie légitime l’insomnie.
Sans doute est-ce à La Fontaine que je dois ma sympathie pour les rats.
Je me rends compte, à présent qu’elle ressurgit intacte, combien le vent furieux qui vient à peine de retomber avait chassé, transitoirement, mon intolérable conscience du temps.
Mes tourments, la plupart du temps, m’interdisent d’accéder à leur origine.
Jean-Luc Sarré, Ainsi les jours, Le bruit du temps, 2014, p. 131, 137, 140, 142, 150.
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27/03/2019
Jean-Luc Sarré, Ainsi les jours
C’est bien la vie, c’est bien à lire. J’aime beaucoup certaines biographies. C’était bien aussi à voir, ce matin, vers sept heures. L’orage qui avait sévi toute la nuit s’était éloigné et le parc délicieusement s’étirait, bien mieux qu’il ne l’aurait fait dans le plus merveilleux des romans, à cet instant du moins, et puis je n’ai pas tout lu, et puis ce n’est pas la première fois que je bats la breloque ni que j’extravague, et puis il faut oser « laisser trotter les plumes comme elles veulent »..
Jean-Luc Sarré, Ainsi les jours, le bruit du temps, 2014, p. 53
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02/01/2018
Jean-Luc Sarré, Apostumes : recension
Apostumes ? ce terme médical ancien désignait un abcès, une tumeur et Littré, après deux citations de Saint-Simon avec ce sens, ajoute : « Il faut que l’apostume crève, se dit figurément de quelque chose qui doit éclater ». L’abcès crevé, tout va mieux : il s’agit bien de noter ce qui, à un moment précis, a retenu l’attention, tout en sachant que le fait relevé serait probablement oublié sans le carnet ou le cahier à spirale et le crayon. C’est ce que répète à plusieurs reprises Jean-Luc Sarré, « La note est vouée à la précarité, elle ne vaut même que pour ça. » Il y a chez lui, ici comme dans les carnets précédents(1), une mise à distance de ce qu’il écrit et les manières de le dire sont nombreuses ; apostume, note ou encore apostille, chaque fois c’est leur caractère fragile qui est mis en avant : « Si on peut trouver parfois quelque attrait à ces apostilles, c’est à leur précarité qu’elles le doivent ». On note le refus de la cohérence de l’ensemble, les carnets ne seraient la trace que de ses « velléités » ; rien de construit donc, le lecteur se trouve devant des « fragments » et l’idée même que l’accumulation de ses livres finisse par constituer une œuvre irrite l’écrivain. Alors, pourquoi écrire ? La réponse est proposée dès la première page, établissant ainsi une continuité avec les livres déjà publiés ; il me faut poursuivre, écrit J.-L. Sarré, sinon « je perds pied sans le recours des mots ». Perdre pied, c’est ne plus savoir où l’on en est, et l’écriture donnerait une stabilité manquant par ailleurs, d’autant plus absente qu’une part importante des « apostumes » a été notée à l’hôpital.
Les carnets prennent parfois la forme d’un journal (« Voici quelque temps déjà que je reproche à ce carnet les allures d’un journal ») : pas de dates mais l’ « état précaire » du malade ; ils rapportent alors une expérience inattendue, celle de la clinique, puis de l’hôpital, et de la souffrance. Une opération immobilise J.-L. S. plusieurs semaines et l’oblige ensuite à se déplacer avec une canne, mais il doit retourner vers les médecins, atteint d’un cancer. La lecture, de Loti par exemple, occupe le temps, mais c’est un temps dans un lieu clos où le malade est soumis à un ordre qu’il ne choisit pas, où le regard est borné et se perd — « le retrouverai-je à la sortie ? » La vie dans la chambre fait oublier rapidement ce qu’est l’extérieur, non pas seulement la vie sociale dont J.-L. S. se tient habituellement à l’écart, mais les arbres, les oiseaux, les saisons : c’est cela qui est volé, et la perte importe quand la vieillesse vient, « L’automne, ma saison préférée, est en train de me passer sous le nez sinon totalement sous les yeux. » Les arbres, ce sont le plus souvent ceux qu’il regarde de la fenêtre de son appartement, comme les oiseaux dont certains, mésanges et fauvettes, viennent jusqu’à son balcon pour se nourrir. Cependant, l’hôpital n’est pas un lieu où rien ne se passe.
J.-L. S. observe et écoute les uns et les autres, indigné par les manières de dire de certains médecins, pour qui les malades sont des choses, des « on », agacé de voir un nonagénaire arpenter le couloir d’un pas alerte quand lui marche difficilement, attendri par un monologue de la femme de ménage. Ce qu’il note, toujours, ce sont les "choses vues", entendues, ce qui dans le quotidien n’a rien de remarquable mais fait de la vie ce qu’elle est : de tout cela, rien ne devient souvenir, tout s’échappe, « cimetière sans sépulture ». Aussi recueille-t-il les conversations dans une salle d’attente, les remarques d’une infirmière, les gémissements et les cris d’une folle dans une chambre proche et, chez lui, le mouvement des oiseaux dans un arbre, les changements du ciel, le bruit insupportable d’une tondeuse à gazon ou des cigales et celui, quasi inaudible, d’une épingle à cheveux — bruit qu’il commente avec humour, « Tu n’as pas honte de prendre ton crayon pour souligner une telle banalité ? ». Cet humour aide à s’accommoder de l’invivable ; J.-L. S. reprend l’anagramme "cancre" / "cancer" et passe de "notules" à "nodules", détaille un rêve (celui de ses obsèques), joue sur le sens de "souffler" (« Que fait le vent entre deux bourrasques ? Il souffle un peu ») et, quand il sort de l’hôpital très amaigri, il projette de grossir plutôt que de racheter des pantalons (« Je ne vais tout de même pas, après les médecins, me coltiner les commerçants ! »).
Ce qui résiste à l’oubli, au moins pour un temps, ce sont les livres. Ils sont très présents dans les carnets par le biais des citations qui, presque toujours, sont là comme pour confirmer la justesse du contenu d’une note. Commentant ce qu’il découvre dans le visage d’une femme de service, J.-L. S. recopie un extrait du Miroir de l’âme de Lichtenberg (« Le plus divertissant des surfaces de cette terre est, pour nous, le visage humain »). C’est un des écrivains qu’il affectionne, comme Reverdy, La Rochefoucauld, Perros, Montaigne, Proust, Jules Renard, Scutenaire… Ce qui demeure aussi, d’un livre à l’autre, c’est le sentiment très fort d’être en exil parmi ses contemporains et ce qui l’emporte, c’est l’idée d’avoir « le plus souvent vécu » « à la périphérie ». Il ne néglige pas la compagnie d’amis et son amour des chevaux est intact — même s’ils apparaissent peu dans Apostumes —, mais il se sent et se vit en retrait, à côté de, ce qu’il écrit : « L’évitement serait-il mon truc ? Peut-être bien le truc même de toute une vie ». Ce qu’aurait pu prendre à leur compte presque tous les moralistes.
- 1. Voir les deux derniers, Comme si rien ne pressait (La Dogana, 2010), Ainsi les jours (Le Bruit du temps, 2014)
Jean-Luc Sarré, Apostumes, Le Bruit du temps, 2017, 248 p., 15 €. Cette note a été publiée dans Sitaudis 28 novembre 2017.
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14/09/2016
Jean-Luc Sarré, Poèmes costumés avec attelages et bestiaire en surimpression
Orné de toiles d’araignées,
tanné comme un cuir, l’aïeul
quitte les combles pour un grenier
dont les lucarnes sans carreaux
— quelques pelotes fraiches en témoignant —
font encore le bonheur des chouettes.
Pendant que la famille s’attarde
parmi les malles, découvre un sabre,
une giberne de mameluk,
les rires d’enfant, dehors, dévalent une pente
dont ils ignorent tout.
Jean-Luc Sarré, Poèmes costumés avec attelages et
bestiaire en surimpression, farrago / Léo Scheer, 2003, p. 88.
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07/11/2015
Jean-Luc Sarré, Bardane
Son chien l’ignore
son chat l’a quitté pour la voisine
même sa villa se gausse
lui tire une langue
haute de quinze marches
et de sa glycine qui embaume
il se sent si indigne
qu’il n’ose jouir de son ombre
*
Le voilà titubant dans son rôle de piéton
il l’a tenu cent fois dans cette rue
plus ou moins droit, fringant, nauséeux
enjambant les flaques de chagrin, de vinasse
mais ça, non, jamais — on ne boit pas
au goulot sous les arbres en fleur.
*
Crotté de boue mais désarmé
en jaune adorable se tient
le monstre sous le clocher.
L’air du dimanche l’enrobe de tulle,
c’est le repos de ce guerrier
qui en semaine culbute les roches.
Jean-Luc Sarré, Bardane Divertimento, farrago,
2001, p. 45-47.
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05/11/2015
Jean-Luc Sarré, Les journées immobiles
c’est ailleurs on dirait
loin du ciel
loin du bleu tumulte qui interdit
il y a de la terre dans les masses bruissantes
dans les cernes
les volumes
dans les ombres devenues fragiles
il y a du mauve dans ces ombres
c’est l’été
dans une autre lumière
l’odeur est celle des pierres avant la pluie
*
on ne sait rien de l’été
rien de ces quelques mots qu’il dénoue
trop lourds souvent
pareils à ces branches basses
vautrées dans la poussière
au milieu de l’allée
ou à ces fleurs encore
écloses parmi les pierres
isolées rouges
fragiles au cœur du ruissellement
Jean-Luc Sarré, Les journées immobiles, 1990 ;
Flammarion, p. 72 et 84.
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13/02/2015
Jean-Luc Sarré, Ainsi les jours
Toujours le même plaisir de voir des chevaux, même montés par des flics. Je suggèrerais volontiers à l’un d’entre eux de grandir son buste, de basculer le bassin, de descendre les jambes, bref, d’apprendre à se tenir à cheval ; la monture, quant à elle, semble perdue dans ses pensées : le spectacle de la rue l’indiffère.
Dans La ferme des animaux les chevaux représentent le prolétariat ouvrier.
Seul depuis quelques jours, et je ne parviens toujours pas à me rencontrer. Ce qui pourrait aussi se dire ainsi : « Cet appartement est trop petit pour deux personnes, nous ne cessons de nous heurter. »
Non, rien qui ne puisse attendre demain ! Il est trois heures du matin, pas question de me lever pour écrire, à peu de choses près, ce que j’ai déjà dû cent fois écrire — j’allume la lampe de chevet, tâtonne ébloui vers un bout de crayon — à savoir : « Indispensables et dérisoires, tels me paraissent ces carnets quand ils ne sont que l’alibi qui me permet de vivre mon désœuvrement de manière apparemment studieuse, même si, en l’occurrence, ce n’est pas le cas. Il s’agit bien d’une dépendance et ma force de caractère, j’ai eu l’occasion de le remarquer, s’apparente à celle d’un toxicomane. Ceci étant, il peut m’arriver de décrocher durant un jour ou deux et sans effort, non, pas le moindre, mais avec mauvaise conscience, comme si griffonner s’avérait un devoir. » J’ai, cette nuit plus que jamais, l’impression d’avoir muettement profané le silence.
Jean-Luc Sarré, Ainsi les jours, Le bruit du temps, 2014, p. 93, 93, 115, 117.
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12/11/2014
Jean-Luc Sarré, La part des anges
On n'a pas le cœur à défaire
pour les vider de nos vacances
les valises qui encombrent l'entrée.
Les fantômes sentent la naphtaline
et le plaisir n'est plus le même
de convier le jour à noyer
un salon qui nous paraissait
vaste il y a seulement deux mois.
On ôte un suaire, on se vautre,
ni heureux ni triste, égaré
parmi les images de l'été
— elles et la nuit et la musique.
Mêler sa voix à celle des autres
en laiqqanr croire qu'on sait lire
ces indéchiffrables portées
ne fait pas longtemps illusion.
« Cheval sanglé jusqu'aux faugères
tu seras mon solfège » dit l'enfant
en pressant les flancs d'un dimanche
qui rentre rênes longues, encolure basse.
Jean-Luc Sarré, La part des anges, La Dogana,
2007, p. 91, 36.
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19/04/2014
Jean-Luc Sarré, Bribes (Pages de carnet)
Faubourg. La résonance de ce terme est pour moi essentiellement parisienne ou du moins l'était encore jusqu'aujourd'hui. Un faubourg, contrairement au centre de la ville, ne devrait pas changer, tout au plus lentement évoluer, et par contrainte plus que par choix, l'époque laissant derrière elle son sillage de bouleversements (je n'ai pas reconnu, dans le dix-neuvième arrondissement, des rues qui m'étaient autrefois familières.) À Marseille, c'est de périphérie qu'il faudrait parler ; ça n'invite pas vraiment à musarder.
Je relis et renonce à recopier telle note grevée de maladresse ; pourtant je m'en souviens, rien ne semblait m'importer plus, quand je l'ai crayonnée, que ce qu'elle tentait d'appréhender.
Le cri de l'effraie légitime l'insomnie.
L'impression l'est souvent insupportable d'habiter depuis longtemps une interminable parenthèse. Quand ai-je bien pu l'ouvrir ? Il pourrait m'appartenir de la fermer mais je doute avoir un jour ce courage ou cette lâcheté.
Atelier cuisine, atelier macramé, atelier poterie, atelier poésie.
Jean-Luc Sarré, Bribes (Pages de carnet), dans La revue de belles-lettres, 2013, 2, p. 83, 84, 85, 86, 88.
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28/11/2013
Jean-Luc Sarré, La Part des anges
Une semaine avec les éditions La Dogana
Citadin, il aime les jardins
mais pour les rejoindre il lui faut
attendre les vacances d'été.
Un après-midi de septembre
il arrive que l'orage survienne
et le trouve, assis sur une fesse,
étrangement irrésolu.
Une tonnelle d'abeilles au travail
l'a détourné de son chemin
pis abandonné sur une souche.
Les gouttes sur les feuilles l'allègent
d'un fardeau qu'il ignorait porter.
*
Oublié le bâton de réglisse
qui jaunissait les commissures ;
une cigarette succédant
à l'indispensable cigarette
ils ne vivent plus que pour fumer.
Mieux vaut en ville être au moins deux
pour oser croiser les regards
réprobateurs ou amusés
— ceux-là sont les plus blessants —
mais parvenus dans les faubourgs,
certains aiment la garder au bec
en évoquant les larmes aux yeux
l'ambiance — Smoke gets in your eyes —
d'une innocente surprise-partie.
Jean-Luc Sarré, La Part des anges, La Dogana, 2007, p. 25, 69.
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16/01/2012
Jean-Luc Sarré, Comme si rien ne pressait, Carnets 1990-2005
Le luxe, c'est-à-dire les arbres et le silence mêlés.
J'ouvre la fenêtre pour aérer la chambre et c'est le bruit qui entre.
Il fait beau. (Complète qui voudra.)
(N') être chez soi nulle part.
Plaisir de se taire. Aujourd'hui, je n'ai pas dû prononcer plus de trente mots.
Pourquoi ces notes alors que le monde, la plupart du temps, me semble non pas tel que je le dis mais tel que je le tais.
Je suis amoureux du silence. S'il m'arrive de le rompre en parlant, c'est qu'il ne me donne pas toujours ce que j'attends.
Ils furent nombreux à vouloir m'apprendre à vivre mais j'étais un vrai cancre.
« Vivre c'est prier, aimer, vouloir » écrit Amiel dans son journal. Je savais bien que je ne vivais pas.
Vas-y, monde, parle, je t'écoute ! et le bruit d'un moteur me parvint.
Je n'ose jamais citer Joubert, trop aérien pour moi, trop pur. Je crains de l'abîmer en le saisissant ainsi, au vol, si tant est que je le puisse.
Pourquoi me suis-je un jour mêlé d'écrire alors que c'est aux paysages, à leurs couleurs, que je fais appel lorsque je perds pied ?
Jean-Luc Sarré, Comme si rien ne pressait, Carnets 1990-2005, Chêne-Bourg, La Dogana, 2010, p. 15, 20, 22, 25, 33, 35, 39, 46, 59, 61, 73, 79.
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